Contrairement à mes habitudes, je sillonne le Bénin en restant basé à Cotonou, sur les rives du Golfe de Guinée. Les régions du Nord étant assez semblables à la partie septentrionale du Togo précédemment parcourue, je me concentre sur le Sud du territoire. De la résidence de mes aimables copines, je pars régulièrement pour de courtes expéditions vers les différents sites retenant mon attention.
En effet, le Bénin est doté d'une riche histoire : berceau du culte vaudou et plaque tournante de la traite des Noirs, il vit également prospérer le fameux Royaume du Dahomey pendant près de trois siècles. Aujourd'hui peuplé de neuf millions d'habitants, il jouit d'une belle réputation : la scolarisation atteint un niveau considérable et sa démocratie est souvent citée en modèle. D'ailleurs, le président Yayi Boni est médecin, ce qui me semble toujours plus opportun qu'un militaire...
J'ai besoin de trois jours pour appréhender l'impressionnante agglomération. Sa population est estimée à un million et demi d'habitants, mais j'ai l'impression qu'elle est nettement sous-évaluée. Située entre le Lac Nokoué et l'océan, elle est coupée en deux par un canal creusé par les colons français. Comme toujours en Afrique, les banlieues s'étalent à n'en plus finir. Puisque mes amies habitent un de ces quartiers excentrés, j'utilise comme tout le monde les motos-taxis, les zems, pour me déplacer. Le centre est un surprenant assemblage d'aménagements et d'édifices en tout genre. Une autoroute, avec ses autoponts, parvient jusqu'au cœur de la cité, tandis que des chemins de terre cabossés quadrillent les faubourgs, où abondent bars et restaurants. Le port, qui fonctionne à plein, implique un incessant ballet de camions qui empestent une atmosphère déjà lourde. A deux pas, la vieille gare désaffectée laisse une longue zone à l'abandon. De multiples immeubles dominent l'horizon : certains très modernes, d'autres plutôt décrépis. Et les buildings en construction se multiplient. A l'Ouest, sur la plage, caché derrière des commerces chics et des banques designs, je découvre un misérable bidonville, où les gamins jouent dans le sable gris. Tandis qu'à l'opposé, à l'Ouest, des lotissements de luxueuses villas sont encadrés de murs de quatre mètres de haut et barbelés. L'aéroport international, toujours au milieu de la métropole, se trouve non loin de là. Mais le plus saisissant est sans conteste le marché du Dantokpa, le plus grand de toute l'Afrique de l'Ouest, une ville dans la ville. Sur plus de vingt hectares, des milliers de commerçants proposent tous les produits imaginables, produits vivriers, artisanaux, ou manufacturés. Au milieu des galeries couvertes et des boutiques de tôle, un grand bâtiment sur trois niveaux est uniquement garni de pagnes ; probablement de quoi habiller tout le pays...
Ma première excursion hors de Cotonou m'emmène jusqu'à Ouidah, paisible bourgade de la côte. Elle est censée être le berceau de la religion vaudou, qui rassemble aujourd'hui plus de cinquante millions de pratiquants à travers le monde. Son culte est l'affirmation de puissantes forces invisibles, ainsi qu'un ensemble de rituels permettant de communiquer avec ces forces. Ces mystérieuses cérémonies ne sont accessibles qu'aux initiés, ce qui m'empêche d'y assister. J'ai néanmoins accès à la Forêt Sacrée, petit bois aux immenses arbres centenaires. Cela me permet d'imaginer à quoi pouvait ressembler la forêt jadis, puisqu'aujourd'hui, la déforestation a fait des ravages dans tout le pays. On y contemple également plusieurs statues menaçantes, représentant quelques divinités. Mais Ouidah, au XVIIIe siècle, était aussi l'un des centre de déportation d'esclaves les plus important de tout le continent. Dans l'ancien fort portugais transformé en musée, j'apprends que les redoutables rois du
église, mosquée ou école. Mais la place du marché est une vaste étendue d'eau où les clients naviguent au milieu des pirogues des marchands. Quant aux enfants, en guise de bicyclette, ils rament sur quelques bidons fixés entre eux.
A Cotonou, la vie suit paisiblement son cours. Olga est captivée par la télévision française, et Arine et Mathilda travaillent tard : quand je ne suis pas en vadrouille, je passe donc mes journées seul à l'appartement. Le soir, quand nous ne sommes pas de sortie, mes copines et moi apprenons à mieux nous connaître. Cependant, dans l'attente de mon visa camerounais, le temps est parfois un peu long. Il n'y a pas d'ambassade du Cameroun au Bénin, mais heureusement Olga connait une camerounaise qui fait régulièrement l'aller-retour jusqu'à Lagos, au Nigéria voisin, afin de faire tamponner les passeports. Cela me permet au moins de préparer soigneusement mes prochaines aventures. Enfin, après une semaine d'indolence, je reçois le précieux sésame ; il est enfin temps pour moi de m'envoler vers d’autres cieux.