toi, le Monde / you, the World

















Hello (english),

bonjour (francais),

merhaba (turkish),

salam aleykum (arabic),

demat (breton),

mboté (lingala),

nangadef (wolof),

safoul (diola),

i ni sogoma (bambara),

alapiale (dogon),

ne-y yibeoogo (mooré),

ndi (ewe),

pele o (yoruba),

mbembe kiri (ewondo)

mbolo (fang),

tena yistilign (amharic),

jambo (swahili),

manao ahoana (malagasy)

namaste (hindi)

xin chao (vietnamese),

sabaidee (lao),

chum reap suor (khmer),

sawatdii khrap (thai),

selamat pagi (bahasa Indonesia)

bozu (kanak),

halo (bislama),

bula (fijian),

kia ora (maori),

buenos dias (espanol),

mari mari (mapuche)

rimaykullayki (quechua)

bom dia (portuguese)




(go down for english)
 

Mes très chers amis de tous les continents, finalement je l'ai fait. Après plus de 4 ans à parcourir notre merveilleuse planète, pas à pas, j'ai réalisé mon rêve fou, mon grand tour du monde d'un seul coup. Après avoir voyagé pendant 1508 jours dans 53 pays, je peux dire que la réalité était plus grande que le rêve, beaucoup plus grande !

De nombreuses raisons l'ont rendu possible : mon enthousiasme et ma curiosité, ma détermination et mon endurance, et bien sur ma bonne étoile, à moins que ce ne soit la destinée...
 


Mais avant tout, vous, mes amis de toutes les couleurs, avaient rendu possible mon impossible épopée. Chaque fois que je vous ai rencontré, j'ai pu trouvé un précieux soutien. Chaque fois que je vous ai quitté, c'était avec plus d'inspiration. Même sur la fin, j'étais encore épaté par votre incroyable générosité. Avec ce petit gars un peu dingue, vous avez partagé votre maison, votre culture, votre joie de vivre, vos croyances, vos doutes. Peu importe que je sois resté avec vous 3 jours ou 3 semaines, car le temps ne compte pas autant que l'intensité. Je me souviendrai de notre amitié pour toujours.

En la sillonnant pendant si longtemps, je suis définitivement tombé amoureux de notre Terre-Mère, si vaste, si riche, si belle ! J'en ai tant vu que j'en ai le vertige...

Et à propos de l'humanité, j'ai pu trouvé un peu de sagesse en chacun de vous. Ca m'a redonné l'espoir. Je le sais maintenant, toi, le Monde, tu es plein de bonté. Un immense merci.


Le temps passe vite. Il y a 9 mois, j'ai regagné la maison de mon enfance, par le chemin opposé à celui par lequel j'étais parti 4 ans plus tôt. 9 mois déjà ! A moins que ce ne soit hier ? Bien sûr, mon retour chez mes parents m'a apporté beaucoup d'amour et de confort (et la cuisine de Maman!), mais pas totalement la paix. J'ai la sensation étrange d'avoir rêvé pendant 4 ans (ou bien était-ce vraiment un rêve ?). Après une si longue nuit, le matin est rempli de brouillard. Je ne connais pas encore mon futur, mais j'y travaille. Je n'ai plus un sou mais je suis conscient de la chance d'avoir toutes ces possibilités.


Tu te rappelles que je t'ai dit que tu serais le bienvenu chez moi ? Parfois je rêve de tous vous inviter à une grande fête. Ce serait la plus belle jamais vue mais je sais bien que c'est impossible. D'accord, je n'ai pas encore de chez moi, mais un jour ma maison sera la tienne.

Enfin, j'ai besoin de nouvelles de vous tous, et évidemment je vais tous vous écrire. Mais ca va prendre du temps alors tu peux attendre mon message, ou être le premier à m'écrire.


Je te souhaite le meilleur et j'espère vraiment te revoir, n'importe où, n'importe quand. Prend soin de toi mon ami.



(english)

my very dear friends from every continent, finally I did it. After more than 4 years running our wonderful planet, step by step, I fullfilled my crazy dream, my great « one shot complete world tour ». After travelling 1508 days in 53 countries, I can say the reality was bigger than the dream, much bigger !

Many reasons made it possible : my enthusiasm and curiosity, my determination and stamina, and of course my lucky star, or maybe destiny.


But first of all, you, my friends of every color, made my impossible journey possible. Each time I met one of you, I could find precious support. Each time I left you, it was with more inspiration. Even on the last days, I was still surprised by your incredible generosity. With that little crazy guy, you shared your home, your culture, your hapiness, your beliefs, your doubts. Whatever if I stayed with you 3 days or 3 weeks, time is not so important as intensity. I will remember our friendship for ever.


Walking on her for so long, I definetly felt in love with our Mother-Earth, so wide, so rich, so beautiful ! I've seen so much I have vertigo...

Also, about humanity, I could find a bit of wisdom in all of you and it brought me back new hope. I know it now, you, the World, are full of goodness. Thank you so much.


Time is running fast. I reached the house of my childhood 6 months ago, from the opposite way I left it 4 years before. Already 6 months ! Or was it yesterday ? Yes, my return to my parents brought me a lot of love and confort (and mum's food!), but not really total peace, not yet. I feel quite weird, like I was dreaming for 4 years (was I ?). After such a long night, the morning is very misty. I'm not sure about future, but I'm working on it. I don't have any money anymore, but I'm aware I'm lucky to have so many options. 



Do you remember I told you you'll be most welcome to my home ? Sometimes I dream I could invit you all together to a big party. That would be the best one ever, but I know it's impossible. That's true, I don't have any home yet, but one day my house will be yours.

Finally, I need fresh news from all of you and of course I'm gonna write to everyone. But it will take time, so you can wait my message or be the first to send one.


I wish you all the best, and I really hope to see you again, anytime, anywhere. Take care my friend.





Thank you, tesekkur ederim, shukran, trugarez, botondi, jerejef, i ni cé, bira po, barka, akpé, e se, akiba, ahmesugenalew, asante, misaotra, dhanyavad, cam on, khop chai, orkun, kop khun krap, terima kasih, oleti, tankyu, vinaka, tena koutou, gracias, chaltumay, yusulpayki, obrigado...

MERCI !!!
 

Jérome, globe-trotter.

jeudi 3 décembre 2014 - 1510e et dernier jour

Ca y est, c'est la fin. J'entame en ce jour gris mon tout dernier trajet, épilogue de cet invraisemblable tourbillon de quatre années tout autour de la Terre. Olivia et moi prenons le petit-déjeuner ensemble, puis je la remercie chaudement de m'avoir reçu comme un prince dans son petit palais. Nous nous embrassons sur le trottoir, dans le froid piquant de l'hiver naissant. Je la vois disparaître dans la station Porte des Lilas, en pensant que cette fille aurait pu être ma femme dans une autre vie. D'ailleurs elle le fut pendant une parenthèse de deux ans, dans une autre vie. Je prends le temps de fumer l'une de mes dernières cigarettes, puisque comme promis j'arrête ce soir, en regardant autour de moi le ballet des gens pressés, vêtus de gris et de noir, puis je m'engouffre sous terre à mon tour. J'en ressors à Chatelet, en plein coeur de Paris, avec mon sac sur le dos, mon ombre qui n'a jamais cessé de me suivre. Avec lui, je traverse la partie la plus ancienne de la métropole, l'Ile de la Cité, sans cesse bâtie et rebâtie depuis plus de deux millénaires. Depuis le Pont Neuf, j'observe la Seine, ce tout petit fleuve que je croyais jadis si grand, et j'avance jusqu'au parvis de la superbe cathédrale Notre-Dame, qui trône là depuis huit siècles. Parmi mes futures études, je compte continuer d'apprendre l'espagnol, et il me faudra aussi entièrement revoir la très riche histoire de France. A deux pas, je descends vers la gare souterraine de Saint-Michel. Sur le quai, une bonne dizaine de RER se succèdent toutes les trois minutes puis je monte dans mon wagon en direction de l'arrêt le plus éloigné au Sud. Ainsi, je vois défiler les banlieues, les zone industrielles, jusqu'à la campagne apprivoisée et les villages modernisés d'où s'élèvent encore d'antiques clochers.



Sur le quai de la gare d'Etampes, je regarde tout autour pour repérer mon chemin : j'aperçois là-bas la Nationale 20. J'arpente la petite commune jusqu'à me poster à la sortie d'un bretelle, et je lève le pouce. En patientant dans le froid, je me souviens avoir fait du stop pour monter jusqu'au cône blanc du volcan Villarrica, au Sud Chili ; et plus près du côté d'Iquitos, Pérou. Le temps de me rappeler de ces épisodes formidables et je suis ramassé par une gentille dame, la soixantaine, qui me dépose à la prochaine sortie seulement 15 km plus loin. L'attente est un peu plus longue ici, ce qui ne m'empêche pas de fredonner et de sourire à tous les conducteurs qui me dépassent à toute vitesse. Une vieille bagnole s'arrête alors, avec au volant un arabe assez âgé et dans l'autoradio, une belle musique du bled qui réveille d'autres souvenirs. Comme il m'apprend être tunisien, je réplique que j'ai assisté à la révolution de son peuple trois ans plus tôt. Tandis qu'il nous emmène vers Orléans, il me fait un topo très complet de la situation de son pays, entre les deux tours de l'élection présidentielle et toujours aussi incertaine.



Le brave homme s'arrête à la gare de Fleury-les-Aubrais. J'attrape un jambon-beurre à 4 euros avant de me glisser dans le tramway qui, pendant une heure, parcours toute l'agglomération orléanaise. J'ai laissé ici une partie de ma vie puisque j'y ai fait mes études de 1996 à 1999, mais je n'ai pas mis les pieds dans ces rues depuis des lustres et mes souvenirs sont profondément enfouis. Je les dépoussière plus facilement au milieu des barres d'immeuble de La Source, en banlieue Sud, où j'avais jadis mon appartement. Mon regard se dirige instantanément vers ses fenêtres, tout là-bas au 11e étage. L'endroit m'est familier mais je fais pourtant l'erreur de descendre au dernier arrêt, devant l'hôpital, ce qui me vaut quelques kilomètres de marche pour revenir sur mes pas. Et pour aller me poster à ce rond-point que j'ai dû prendre cent fois, je coupe en prenant un raccourci qui finalement n'en était pas un. Je m'allonge encore via une route déserte au milieu de ma forêt Solognote. Je crois que j'ai marché plus de 1h30, mais j'ai à peine le temps de poser mon sac qu'un homme joufflu et grisonnant m'embarque dans sa petite voiture. En apprenant d'où je viens, c'est à dire de Romorantin, à seulement 60 km de là mais en ayant fait le plus grand détour qu'on puisse imaginer, il a l'amabilité de me laisser de l'autre côté de la Ferté-Saint-Aubin. Il est déjà près de 15 h à mon avis et me voilà sur la Départementale 922 qui mène directement à ma destination finale. Mais il n'y a pas grand monde sur cette petite route et ceux qui passent me regardent d'un drôle d'air sans s'arrêter, ce à quoi je réponds par un grand sourire. En attendant, j'observe tous ces arbres que je connais bien, la jungle de mon enfance.



Plus tard, c'est un couple de vieux bourgeois qui a la gentillesse de faire un détour pour me laisser à la sortie de Chaumont-sur-Tharonne. Là-aussi j'attends un bon moment jusqu'à ce que s'arrête une femme élégante, la cinquantaine, dans une Alfa Romeo rutilante. Comme elle se rend à Romorantin, je lui explique que son petit bolide est le tout dernier d'une longue, très longue série de véhicules en tout genre, et qu'elle est la toute dernière d'une longue, très longue liste, les centaines de chauffeurs de toutes les couleurs qui m'ont trimballé sur les cinq continents. Evidemment, elle n'en croit pas ses oreilles et je crois bien que madame est plus émue que moi quand elle me dépose sur cette place que j'ai arpentée 1000 fois mais dont j'ai oublié le nom. Ah oui, la place de Gaulle, avec la Belle Epoque au coin : cette fois, je suis bien de retour au bercail. J'aime bien dire que je suis partout chez moi puisqu'en effet je suis allé à peu près partout, mais ici ça l'est plus qu'ailleurs : j'ai quand même habité ce patelin les dix-huit premières années de ma vie, et encore quelques mois avant de partir courir le Monde voilà quatre ans. J'ai l'étrange impression que c'était hier, comme si tout ça n'avait été qu'un rêve. Non, c'était bien plus que ça, la réalité a été tellement plus grande que le rêve.



Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer quand j'avance sur la rue du Rantin, et voilà la rue de la Gaucherie : comme je me l'étais promis, je ne passe pas par l'impasse qui mène à la maison, celle qui m'a vu m'éloigner vers l'Est. Non, je coupe par le potager du voisin pour revenir par l'Ouest : voilà la maison, la Terre est bel et bien ronde. Je surprends mon père en train de jardiner, comme moi un peu plus vieux. Je l'embrasse puis il rentre chercher l'appareil photo ; il ressort avec ma mère, qui avait quitté la maison en larmes avant que j'entame ma fabuleuse épopée. Aujourd'hui elle arbore un large sourire. Je la serre dans mes bras puis je roule ma dernière cigarette puisque j'arrête de fumer. Ca aussi je me l'étais promis, une autre étape vers la sagesse que je suis allé chercher tellement loin. Il n'ont pas changé tous les deux depuis la Réunion, il y a deux ans et demi. Et moi non plus d'ailleurs : je reste le même petit gars, avec quand même une expérience incommensurable derrière moi. J'ai vécu tant de choses incroyables, rencontré tant de gens extraordinaires, ça me fiche le vertige. C'était donc possible, je termine là mes fantastiques aventures autour de ma Terre-Mère, la Pachamama. Alors que je m'apprête à enfin rentrer chez moi, je demande à mon père d'immortaliser le pas qui me permet de rejoindre la première foulée accomplie il y a 1510 jours. C'est le dernier pas.




mercredi 2 décembre 2014 - 1509e jour


Après quatre jours à Paris, j'ai déjà pris des habitudes mollassonnes. Il va pourtant falloir conclure, boucler la boucle et rentrer à Romorantin. Je partirai demain matin et je tiens à retourner à mon point de départ de la même façon que je l'ai quitté il y a quatre ans : en stop. En attendant, comme nombre de mes compatriotes, je me complais dans le confort, au chaud, seul. Comme le matin n'existe pas, la journée passe vite ; même si je parviens à rédiger quelques pages dans ce cahier, j'ai grand peine à me concentrer. Le soir venu, je me motive pour descendre faire quelques courses. Je n'aurai donc rien vu ou presque de la capitale, à part les sous-terrains du métro, alors je fais plusieurs fois le tour de ce grand carrefour minutieusement aménagé. Tout est parfaitement net, bâtiments, rues et trottoirs, et admirablement équipé, éclairage, mobilier urbain design, bus et tramway qui se croisent. Cet environnement m'aurait paru normal il y a cinq ans, mais aujourd'hui j'ai bien conscience du privilège d'être français. Pour les parisiens, la contrepartie d'habiter dans l'une des plus belles villes du Monde, outre les prix exorbitants, c'est de vivre une vie de fou si loin de la nature, filer à un rythme syncopé dans un système oppressant. Dans la supérette du quartier, j'ai de sérieux doutes quant à ma capacité à me réintégrer dans cette société de surconsommation. Je remonte quand même avec du vin rouge et une bonne baguette ; bonjour les clichés. Et puis ma vieille copine rentre de son travail et me raconte sa journée, qui m'apparaît d'une grande banalité. Néanmoins, Olivia conserve encore un peu de sa candeur, celle qui m'avait tant séduite quand elle avait 22 ou 23 ans. J'ai donc plaisir à dîner une dernière fois avec ma belle ingénue, que j'interroge sur nos amis communs ; ça ne va pas fort du côté de Nantes, il va falloir que j'aille là-bas pour voir si je ne peux pas arranger les choses. Mademoiselle va se coucher et je range déjà mes affaires. En mettant chaque chose à sa place, par automatisme, j'ai du mal à croire que c'est la dernière fois que je boucle mon vieux sac.


mardi 2 décembre 2014 - 1508e jour


Depuis que je suis descendu de la Cordillère Blanche, au Pérou, j'ai mis un grand coup de frein à mon odyssée ; coincé par mes difficultés à écrire à Trujillo, obligé d'avancer très lentement sur l'Amazone, décidé à savourer les charmes de Rio. Je me prépare depuis ce temps-là à m'arrêter définitivement. Ce moment est tout proche désormais, et je commence à ressentir un grand vide. J'aurais éventuellement pu aller visiter quelque musée parisien aujourd'hui, mais non, j'ai juste envie de ne rien faire. D'ailleurs, encore couché très tard, je ne me lève qu'à 14 h ; un scandale. Ne rien avoir à faire, ce n'est pas dans mes habitudes et, l'esprit confus, je me contente de me vautrer dans le luxe de cet appartement. Aussi, j'avais oublié comme le temps défile lorsqu'on zappe sur des dizaines de chaînes ou qu'on s'égare d'un site internet à un autre. Olivia rentre tard ce soir, après 21 h, et après une aussi longue journée, je comprends qu'on ne soit plus intéressé par rien. Ainsi, ma copine et moi dînons simplement et regardons un film, après quoi elle ne tarde pas à aller se coucher. Quant à moi, ayant perdu toute notion du temps, je prolonge la nuit tel un simple spectateur noctambule.


lundi 1er décembre 2014 - 1507e jour


Encore couché tard, ce lit est si douillet que je m'y prélasse jusqu'à midi. C'est nouveau pour moi : je n'est plus à courir le Monde. C'est fini, je l'ai fait. Seul dans l'appartement tout confort, je prolonge le petit-déjeuner devant la télé ou le web. Dans ses conditions, l'après-midi passe vite et je ne mets pas le nez dehors avant 18h30, pour aller rejoindre Olivia qui a dégoté via son travail des invitations pour un concert. Comme convenu, je la retrouve devant le Cirque d'Hiver où se déroule l'événement Solidarité Sida. Comme ses invitations comprennent également le cocktail, nous allons nous mêler à la grande bourgeoisie parisienne. Me voilà donc avec mes vieilles guenilles de globe-trotter parmi tous ces people tirés à quatre épingles, vedettes de la télé ou anciens ministres ; on aura tout vu. Pour la peine, j'attrape au vol une coupe de champagne, et je ne me gène pas non plus pour me régaler de petits fours exquis.


Nous passons ensuite dans la superbe salle de spectacle, circulaire, au gradins très verticaux, et le concert commence. Plusieurs fameux artistes se succèdent pour jouer d'excellentes reprises : Oxmo Puccino, Tiken Jah, Angélique Kidjo, MC Solar, China, Zebda, et même la star mondiale Marion Cotillard. Pour le moins inattendue, cette soirée burlesque au milieu de la haute société est un très bon divertissement, qui sonne joyeusement le glas de mes aventures. Comme c'est la coutume, ma copine et moi allons ensuite boire un coup dans un petit bistrot typique ; les touristes dirait pittoresque. Enfin, sur le trottoir, nous avalons une crêpe jambon fromage avant de sauter dans le bus. Paris est unique.


dimanche 30 novembre 2014 - 1506e jour


Couché tard, la nuit a été un peu courte mais tout de même excellente, quoique sage, dans le lit extrêmement douillet d'Olivia. Nous prenons le petit-déjeuner ensemble puis j'appelle mon cousin Romain : impossible de passer à Paris sans aller voir le Couz', fidèle compagnon de mes folles années bordelaises, lui qui fut l'un des colocataires du mythique 173 rue de Bègles. Comme prévu, il m'attend à la sortie du métro dans le 13e arrondissement et d'emblée, je constate qu'il a pris beaucoup de masse ; du ventre mais surtout du muscle. Ses 85 kg en font désormais un poids lourd et je suis heureux de le voir en forme. Dans son bel appartement, je suis ravi d'enfin rencontrer Virginie et le tout petit Léo, adorable bébé de six mois. Etrange clin d'oeil du destin, il est la relève de la famille puisqu'il est né juste après le décès de ma tante. Nous trinquons à nos retrouvailles avant de passer à table. J'apprends que Virginie est une chilienne abandonnée à la naissance qui fût adoptée par des français aisés : ce sont ses parents qui lui ont payé l'appart', mon cousin à tiré le bon numéro. Cette fille semble avoir un lourd passé ainsi qu'un sacré caractère, et tous deux m'ont l'air épanouis et heureux, même si Romain travaille dur. C'est aussi un papa très attentif et je n'en crois pas mes yeux de le voir changer la couche de son fils. Après toutes ces années à avoir essayé de l'orienter de mon mieux, c'est un grand bonheur de le voir enfin responsabilisé. Plus tard, c'est son frère Steven qui se pointe : lui m'a l'air en petite forme et Romain me confirme que son équilibre est précaire ; il a encore du mal à accepter le décès de sa mère et reste immature malgré ses 27 ans. Plus tard, je m'occupe de Léo, légèrement mais clairement métissé puisque ce petit bonhomme doit avoir du sang Mapuche. Ainsi, je passe une excellente après-midi en famille ; ma famille pour une fois, qui s'est agrandie en mon absence. Mais comme les verres se succèdent et que je n'ai plus trop l'habitude, je commence à fatiguer. Un gros joint de shit m'achève, je vais donc faire une sieste en compagnie de mon nouveau neveu. Ensuite, je papote encore un peu avec ma nouvelle cousine rigolote pendant que le Couz' dort un peu, puis mon vieux complice me raccompagne dans la rue animée de ce beau quartier parisien. Il me bouleverse en évoquant le dernier soupir de sa mère, puis après une longue embrassade, je m'engouffre sous-terre les yeux mouillés.

A l'autre bout de la mégapole, je retrouve ma chère Olivia, bien calée devant la télé. Elle me sert un dîner léger que je conclue en montrant quelques photos de la Bolivie, que j'adore, jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Quant à moi, je me vautre dans le confort de ce palace jusqu'au milieu de la nuit.


samedi 29 novembre 2014 - 1505e jour


J'ai bien dormi cette nuit et d'ailleurs je me lève trop tard pour avoir le temps d'aller quelque part, sachant que je dois partir à 13 h pour m'envoler à 16 h. Seul dans la cuisine, je mange une orange et une grenade tandis que les occupants de l'appartement émergent. Maria passe le plus clair de sa matinée dans sa chambre avec son copain pendant que je prépare mon sac en musique. Finalement je salue tout le monde et traverse tout le centre-ville à pied, jusqu'à la Plaza de Cibeles où m'a déposé le bus avant-hier. Mais il ne circule pas aujourd'hui, alors deux femmes me proposent de partager leur taxi. Je retrouve facilement mon chemin dans l'aéroport jusqu'au guichet de Ryanair, mais je dois d'abord valider ma carte d'embarquement sur une borne internet à l'autre bout. Je parviens à négocier sa gratuité mais je dois quand même payer 30 euros pour enregistrer mon sac. Avec une taxe supplémentaire d'autant pour mon paiement sur internet, mon vol low-cost ne l'est plus du tout, et ça m'agace. Bon, au point ou j'en suis de mes dépenses depuis quatre ans, je ne suis plus à ça près.

Le vol se déroule sans histoire et j'atterris deux heures plus tard à l'aéroport de Beauvais. Ca y est, je suis de retour en France. Il fait nuit, il fait froid, et j'ai encore 1h30 de bus jusqu'à Paris. Je passe ce temps à côté d'un jeune homme au fort accent parisien qui ne lâche pas son portable en enchaînant appels et textos ; à la fin, j'ai l'impression de connaître toute sa vie, à mille lieux de la mienne. Moi, je crois que je vais continuer à me passer de téléphone. Après les embouteillages de rigueur sur le périphérique, le chauffeur mal embouché s'énerve contre des passagers trop pressés : bienvenu en France. Au pied de l'immense Palais des Congrès, je descends sous terre. J'ai circulé dans tous les métros du Monde mais devant le plan, je me rappelle que le réseau parisien est le plus dense de tous ; hallucinant. J'ai un changement à Châtelet, le plus grand carrefour sous-terrain de la capitale : la foule s'engouffre dans un véritable labyrinthe de tunnels et dans une vieille rame de la ligne 11, je me souviens combien les parisiens sont fermés, chacun dans sa bulle, ne s'adressant aux autres que si c'est nécessaire en usant d'une politesse glaciale.

Je ressors à l'opposée, à l'Est, Porte des Lilas. Et à 200 m à peine, je sonne comme prévu à l'interphone d'Olivia. Ca fait plaisir de retrouver un visage familier : je n'ai pas vu celui-là, toujours aussi joli, depuis Bali où nous avions passé ensemble trois merveilleuses semaines. Prise dans le tourbillon de la vie pressée, ma chère amie me raconte sa vie ; solitaire malgré elle, un mal des sociétés modernes. C'est grâce à son travail qu'elle a pu obtenir cet appartement à petit prix, grand et confortable, parfaitement équipé et à la décoration élaborée. Je sais bien qu'ici c'est la norme, mais pour moi c'est un palace. Plus tard, les pieds sous la table, elle me sert un fabuleux dîner : des rillettes de canard, un succulent steak du boucher et de délicieux fromages, le tout arrosé d'une bouteille de Châteauneuf-du-Pape. Mademoiselle me gâte, vive la France.