Cotonou entre filles
Contrairement à mes habitudes, je sillonne le Bénin en restant basé à Cotonou, sur les rives du Golfe de Guinée. Les régions du Nord étant assez semblables à la partie septentrionale du Togo précédemment parcourue, je me concentre sur le Sud du territoire. De la résidence de mes aimables copines, je pars régulièrement pour de courtes expéditions vers les différents sites retenant mon attention.
En effet, le Bénin est doté d'une riche histoire : berceau du culte vaudou et plaque tournante de la traite des Noirs, il vit également prospérer le fameux Royaume du Dahomey pendant près de trois siècles. Aujourd'hui peuplé de neuf millions d'habitants, il jouit d'une belle réputation : la scolarisation atteint un niveau considérable et sa démocratie est souvent citée en modèle. D'ailleurs, le président Yayi Boni est médecin, ce qui me semble toujours plus opportun qu'un militaire...
A Cotonou, la bouillonnante capitale économique, j'entre immédiatement dans le vif du sujet : j'y arrive par la place de l'Etoile Rouge, souvenir de la période communiste. C'est un large rond-point au trafic démentiel ; l'air est irrespirable et le bruit assourdissant. Au milieu de centaines de motos, une petite voiture de sport occupée par deux jolies jeunes femmes s'arrête à ma hauteur. Olga, contactée sur internet, et son amie Arine viennent me sortir de ce chaos. Comme l'expansive Olga, ancienne comptable, attend de rejoindre en Europe son mari suisse, elle préfère éviter les ragots des voisins. Elle demande donc à Arine, qui habite le même palier, de m'héberger dans son appartement, assez petit mais très confortable. Plutôt timide, mon hôte a grandi à Abidjan et vit aujourd'hui avec sa sœur Mathilda, qui est handicapée depuis son plus jeune âge et se déplace avec des béquilles ; elle n'en reste pas moins très coquette. Ensemble, elles tiennent une boutique d'objets d'art colorée et variée.
J'ai besoin de trois jours pour appréhender l'impressionnante agglomération. Sa population est estimée à un million et demi d'habitants, mais j'ai l'impression qu'elle est nettement sous-évaluée. Située entre le Lac Nokoué et l'océan, elle est coupée en deux par un canal creusé par les colons français. Comme toujours en Afrique, les banlieues s'étalent à n'en plus finir. Puisque mes amies habitent un de ces quartiers excentrés, j'utilise comme tout le monde les motos-taxis, les zems, pour me déplacer. Le centre est un surprenant assemblage d'aménagements et d'édifices en tout genre. Une autoroute, avec ses autoponts, parvient jusqu'au cœur de la cité, tandis que des chemins de terre cabossés quadrillent les faubourgs, où abondent bars et restaurants. Le port, qui fonctionne à plein, implique un incessant ballet de camions qui empestent une atmosphère déjà lourde. A deux pas, la vieille gare désaffectée laisse une longue zone à l'abandon. De multiples immeubles dominent l'horizon : certains très modernes, d'autres plutôt décrépis. Et les buildings en construction se multiplient. A l'Ouest, sur la plage, caché derrière des commerces chics et des banques designs, je découvre un misérable bidonville, où les gamins jouent dans le sable gris. Tandis qu'à l'opposé, à l'Ouest, des lotissements de luxueuses villas sont encadrés de murs de quatre mètres de haut et barbelés. L'aéroport international, toujours au milieu de la métropole, se trouve non loin de là. Mais le plus saisissant est sans conteste le marché du Dantokpa, le plus grand de toute l'Afrique de l'Ouest, une ville dans la ville. Sur plus de vingt hectares, des milliers de commerçants proposent tous les produits imaginables, produits vivriers, artisanaux, ou manufacturés. Au milieu des galeries couvertes et des boutiques de tôle, un grand bâtiment sur trois niveaux est uniquement garni de pagnes ; probablement de quoi habiller tout le pays...
Ma première excursion hors de Cotonou m'emmène jusqu'à Ouidah, paisible bourgade de la côte. Elle est censée être le berceau de la religion vaudou, qui rassemble aujourd'hui plus de cinquante millions de pratiquants à travers le monde. Son culte est l'affirmation de puissantes forces invisibles, ainsi qu'un ensemble de rituels permettant de communiquer avec ces forces. Ces mystérieuses cérémonies ne sont accessibles qu'aux initiés, ce qui m'empêche d'y assister. J'ai néanmoins accès à la Forêt Sacrée, petit bois aux immenses arbres centenaires. Cela me permet d'imaginer à quoi pouvait ressembler la forêt jadis, puisqu'aujourd'hui, la déforestation a fait des ravages dans tout le pays. On y contemple également plusieurs statues menaçantes, représentant quelques divinités. Mais Ouidah, au XVIIIe siècle, était aussi l'un des centre de déportation d'esclaves les plus important de tout le continent. Dans l'ancien fort portugais transformé en musée, j'apprends que les redoutables rois du
Dahomey faisaient monter les enchères : on trouvait ici des forts portugais donc, mais aussi français, anglais, danois et hollandais. Dans l'après-midi, sous un soleil de plomb, j'arpente la Route des Esclaves qu'empruntaient les malheureux jusqu’aux bateaux négriers. Des statues commémoratives marquent le chemin jusqu'à la plage, où a été érigé la porte du non-retour ; difficile, dans ces conditions, de buller innocemment sur le sable...
Dès le lendemain, je me rends à Porto-Novo, capitale administrative paisible en comparaison de l'effervescence de Cotonou. Son centre possède un charme désuet, en raison de ses vieilles bâtisses de style colonial, teintées de rose ou d'orange. Mais surtout, Porto-Novo possède un fort héritage afro-brésilien, dû au retour sur la terre de leurs aïeuls des premiers esclaves affranchis, au XVIIIe siècle. Ils installèrent ici des comptoirs et certains firent fortune. C'est le cas de la famille Da Silva, dont le dernier représentant a fait de la maison familiale un extravagant musée qui expose la destinée de la diaspora. En flânant dans les rues, j'admire plusieurs maisons colorées, à étages et balcons, ainsi qu'une église devenue mosquée, assez délabrée mais extrêmement bariolée.
Quelques jours plus tard, par une après-midi ensoleillé, je décide de visiter Ganvié, fameux village lacustre. Encore une fois, les premiers habitants se sont installés ici pour se protéger des razzias esclavagistes. En pirogue, mon guide m'emmène pendant plusieurs kilomètres sur les eaux calmes et peu profondes du vaste lac Nokoué. Je découvre alors, stupéfait, une ville de plus de 30 000 âmes, qui habitent d'humbles maisons de bambous bâties sur des pilotis d'ébène. Ces gens vivent quasi exclusivement de pêche et de pisciculture. Quelques îlots artificiels supportent des bâtiments en béton :
église, mosquée ou école. Mais la place du marché est une vaste étendue d'eau où les clients naviguent au milieu des pirogues des marchands. Quant aux enfants, en guise de bicyclette, ils rament sur quelques bidons fixés entre eux.
La cité d'Abomey étant situé un peu plus loin, je prends cette fois deux jours pour l'explorer. Je viens voir ici les vestiges des Palais des Rois, puisqu'elle fut la capitale du Royaume du Dahomey, qui prospéra depuis le XVIIe siècle jusqu'à l'arrivée des colons français au début du XXe siècle. Mon aubergiste, original et érudit, se propose de me guider ; j'accepte après négociations. Les douves et le mur fortifié, qui protégeaient jadis la citadelle, ne sont plus qu'un vague fossé et un tas de pierre. Quant aux palais, construits en terre, ils ont aujourd'hui disparus pour la plupart. Heureusement les légendes contées par Dah, théâtral, atténuent un peu la déception. L'un deux a pourtant été rénové ; c'est une addition de petites maisons de terre et toit de tôle, vides. Elles pourraient très bien n'avoir que dix ans. Le lendemain, je visite le captivant musée historique, situé dans l'enceinte
de deux palais réhabilités eux aussi. Là encore, rien d'extravagant : les bâtiments sont plus grands et plus nombreux mais toujours assez simplistes. Toutefois, l'un d'eux arbore, sur ces piliers, d'admirables bas-reliefs. Dans des tableaux évocateurs, ils racontent l'histoire sanglante du Royaume. A l'intérieur, on peut admirer de nombreuses pièces fascinantes ; armes, outils, costumes. Les trônes des douze rois sont tous exposés. L'un d'eux est élégamment supporté par quatre crânes ennemis.
A Cotonou, la vie suit paisiblement son cours. Olga est captivée par la télévision française, et Arine et Mathilda travaillent tard : quand je ne suis pas en vadrouille, je passe donc mes journées seul à l'appartement. Le soir, quand nous ne sommes pas de sortie, mes copines et moi apprenons à mieux nous connaître. Cependant, dans l'attente de mon visa camerounais, le temps est parfois un peu long. Il n'y a pas d'ambassade du Cameroun au Bénin, mais heureusement Olga connait une camerounaise qui fait régulièrement l'aller-retour jusqu'à Lagos, au Nigéria voisin, afin de faire tamponner les passeports. Cela me permet au moins de préparer soigneusement mes prochaines aventures. Enfin, après une semaine d'indolence, je reçois le précieux sésame ; il est enfin temps pour moi de m'envoler vers d’autres cieux.
5 commentaires:
Je vois que ça a l'air dur encore la vie... Profite bien! Céline et moi revenons de Taïwan et Shanghai où tu peux l'imaginer on a bien vécu également. A+ vieille branche! Continue à donner des niouzes ça égaye le train-train quotidien... Biz
Ah oui, je ne suis pas anonyme, mais Orel l'unique.
le train-train quotidien, c'est quoi ?
Pour vous, ça a pas l'air trop ennuyeux non plus ; Taïwan et Shanghai, c'est pas la porte à côté...
T'as intérêt de me raconter ça et de m'envoyer quelques photos par mails.
bonjour du jura sous un automne flanboyant . Nous sommes toujpors heureux d'avoir de tes nouvelles , fais attention à toi , bientôt tu vas voir ta famille , tes parents sont fous de joie de te revoir , quel dommage que cela soit si loin et si cher ! nous serions bien partis avec eux . Bisous de nous tous , nous t'aimons Tata
porte bian courage.
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