Monsieur Chong est bien gentil, mais quand il se lève à 6h,
il a la légèreté d’un pachyderme. L’argentin disparaît dans la foulée tandis
qu’Ayumi et moi prenons le temps de nous étirer. Alors que je sors pour aller
chercher mon café et mes brioches, elle demande à m’accompagner : mignonne
comme elle est, elle peut bien me suivre jusqu’à Jakarta si ça la chante. Dans
le salon, devant la rue qui s’éveille, nous faisons plus ample connaissance.
Elle s’avère une fille perspicace et indépendante, et pour ne rien gâcher,
masseuse de profession et passionnée de danse africaine. Comme j’en connais un
rayon sur l’Afrique, je lui conte quelques anecdotes avec nonchalance. Puisque
j’ai quasiment plié mon programme de quatre jours en trois, je n’ai plus que
des broutilles à voir aujourd’hui ; elle accepte de me suivre avec un
sourire angélique, la journée commence bien. Trois jours à KL et je connais la
ville comme ma poche : je commence donc par jouer au guide touristique. Un
petit tour dans Chinatown, puis nous partons à pied vers le Sud. Hors du
centre, les piétons ne sont pas les bienvenus ; nous longeons une
autoroute pendant une demi-heure avant d’arriver devant l’ancien palais royal, qui
n’est en fait qu’une simple maison de maître à peine centenaire, fort jolie
soit, mais légèrement sobre pour un Roi. De plus, elle est de toute évidence
plus un musée à la gloire du monarque que sa véritable résidence. A nouveau sur le bas-côté du tarmac, nous cherchons le plus grand
temple chinois de la cité. En suivant ma carte, je décide de nous éloigner de
la circulation en gravissant une colline, pour ne trouver qu’une modeste
mosquée. Néanmoins, il y a là un petit restaurant très local, et juste avant la
prière de midi, il est bondé. Vu la chaleur, c’est l’occasion de faire goûter à
ma camarade ce drôle de dessert, le cendol. Sur un bol de glace pillée, on
verse du lait de coco, du sucre de palme, et on ajoute
des morceaux de gelée, de légumes verts et des haricots rouges ; bizarrement,
c’est très bon. Désormais affublés d’une touriste chinoise perdu, nous trouvons
finalement le temple Thean Hou. Très récent, il est aussi richement décoré.
Notre équipière éphémère nous initie au taoïsme, puis elle nous quitte en
montant dans un bus. Avec Ayumi, visiblement ravie de me suivre, nous
traversons l’autoroute et la rivière vers Little India ; Le quartier,
plutôt populaire, est quelconque, jusqu’à ce que nous arrivions sur la rue
principale. Une fontaine avec des éléphants bleu et rose, les façades peintes
en mauve et des saris dans les vitrines : pas d’erreur, c’est bien là.
Nous nous régalons dans un bon restaurant en partageant nos souvenirs du
sous-continent puis à
deux pas, nous filons à la gare centrale, où se rejoignent tous les moyens de
transport. Evidemment elle est toute neuve, et elle est tellement vaste et bien
conçue qu’on croirait un aéroport international. Deux stations plus loin, comme
Ayumi à rendez-vous avec une amie, je lui montre rapidement le quartier
historique britannique avant de l’accompagner, en bon gentleman, jusqu’au métro
aérien adéquat. Ma petite japonaise et moi nous entendons à merveille, mais
elle part vers le Nord en avion et son billet n’est pas remboursable. C’est
bien dommage car de son propre aveu, elle aurait bien voulu voir Malacca avec
moi ; c’est souvent le cas entre
voyageurs au long cours, on ne fait que se croiser. Mais si on ne voyageait pas,
on ne se croiserait pas. Il a fait particulièrement chaud cette après-midi, et
d’ailleurs, je n’ai pas assez dormi. Je me traîne donc toute la soirée, en
préparant mollement la suite, jusqu’au retour de ma belle. En papotant sagement
jusqu’à une heure avancée, nous prolongeons le plaisir, encore un peu.
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