Venise, l'éternelle en sursis

Dans le train pour Venise, bientôt arrivé, je plie bagage. Soudain, j'entend l'annonce de l'arrêt pour "Vicenza" : je fonce et saute du train... pour reprendre le suivant, un quart d'heure plus tard, pour "Venezia". J'en ferai sûrement de pire...



Pendant plus de mille ans, Venise a prospéré au rythme de son commerce intensif et de ses conquêtes méditerranéennes. Dès le Ve siècle, quelques habitants de la plaine du Pô, chassés par les invasions barbares, s'installèrent sur les îles à proximité du delta. A l'aube du IIe millénaire, étendant son influence par la mer, elle devint indépendante. Sa République perdurera huit siècles, jusqu'à son annexion par Napoléon, en 1797. A son apogée, elle était le plus important port de la Méditerranée et exerçait une forte influence sur le reste de l'Europe au niveau artistique et architectural.
Aujourd'hui, Venise intra-muros compte plus de 60 000 habitants, et 270 000 pour toute l'agglomération. Elle est le seul ensemble urbain d'envergure au monde où ne roule aucun véhicule motorisé. Toute l'organisation de la ville est régie par ses embarcations : transports publics, livraisons, même les ouvriers du bâtiment chargent et déchargent les matériaux à quai. Partout, on tire des diables qui débordent en les faisant monter ou descendre les marches d'innombrables ponts. Ici, les grands axes étant des canaux, le plus simple est de circuler en bateau ; j'irai donc à pied.



Venise est une expérience unique : on la visite comme un immense musée au charme desuet où chaque coin de rue est une attraction. On y emprunte de grandes rues commerçantes où pullulent hôtels, restaurants et commerces en tout genre. On y franchit des centaines de ponts ; certains imposant, comme le Rialto, sur lequel sont même installés des boutiques ; d'autres minuscules qui débouchent sur d'étroites ruelles, où, en plein jour, il fait preque nuit. La plupart des touristes, et moi le premier, se battent avec leur plan pour s'orienter. Peine perdue : il est impossible de ne pas se perdre dans ce fabuleux labyrinthe. Les allées et places les plus fréquentées sont grandioses, et les édifices les plus réputés tous plus prodigieux les uns que les autres. Outre la Basilique Santa Maria et l'Eglise du même nom, le clou du spectacle reste la majestueuse Place San Marco, classée au Patrimoine Mondial. On y trouve le Palais des Doges, l'ancienne assemblée ; le Campanile, tour qui domine la cité ; et surtout la Basilique San Marco, renconstruite autour de l'an mil, chef d'oeuvre d'architecture byzantine. A l'intérieur, tout le plafond des coupoles est ornée d'impressionnantes îcones sur fond d'or. Et tout cela est composé de minuscule carreaux de mosaïque ! Inouï...
Pourtant, quand j'ai découvert cette vaste place, les visiteurs avançaient péniblement, en une seule file indienne, montés sur d'étroites estrades de bois. La mer, au plus haut, recouvrait d'au moins cinquante centimètres les dalles de marbre de l'ensemble de la place : la plus belle piscine au monde... Sous son poids invraisemblable, inexorablement, elle s'enfonce. En effet, en guise de fondations, les vénitiens ont planté dans le sol sablonneux de grand pilier de bois, recouvert de plateformes composées de rondins solidement arimés. Partout, l'eau affleure les quais, parfois les déborde. Et même si le lendemain la marée est plus basse, j'observe, en m'enfonçant dans les quartiers excentrés, plus populaires, que la ville se désagrège de toutes parts, et que les ouvriers qui s'affairent ça et là font face à une tâche insurmontable.

Dans mille ans, Venise ne sera peut-être plus qu'un mythe, tel l'Atlantide de nos jours. A moins qu'on ne la visite en sous-marin...

2 commentaires:

alain a dit…

Va te ballader à Chioggia. C'est Venise, façon vie ! De là, tu te ballades en vaporetto dans la lagune...
La bise
Alain

Jérome a dit…

Désolé Alain, je suis déjà à Zadar, en Croatie. le temps que j'écrive et que je publie, il y a un petit décalage... J'y passerai peut-être au deuxième tour ?

Enregistrer un commentaire