Dans mon divan, je suis réveillé par le chahut des passagers qui tirent leurs chariots et leurs valises. J’ouvre donc les yeux devant un défilé de gens pressés, des blancs, grands, costauds ou obèses, et après un brin de toilette, je sors prendre le soleil. Derrière le parking, je parcours un joli jardin aménagé puis je traverse une grande route avant de me retrouver, presque machinalement, au beau milieu d’une belle forêt semi-sèche. J’examine un moment des espèces végétales inconnues, avant de retourner sagement attendre mon vol pour Brisbane, en gardant un oeil attentif au tableau des départs. Lorsque l’embarquement est annoncé, je sors tranquillement fumer une dernière cigarette avant de me diriger vers le guichet. Et là, le jeune homme en cravate m’annonce avec détachement qu’il est trop tard, l’avion décolle. Je poirote bêtement depuis 24 h dans ce fichu aéroport, les yeux rivés sur l’horloge depuis 2h, et j’ai trouvé le moyen de confondre check-in et embarquement. Plusieurs fois, j’ai dit que j’allais finir par rater un avion : je viens donc d’en raté deux en deux jours. Mais pas de panique : au comptoir de la compagnie, la dame m’arrange un billet direct pour Sydney pour 60 euros ; vu l’erreur grossière, je m’en tire bien, mais il est vraiment temps que j’arrête de courir. Je connais ce mal : pendant des mois, je m’impose une forte pression, que je trimbale d’abord avec aisance, puis qui s’alourdit au fur et à mesure que la route s’allonge, jusqu’à peser franchement sur mes frêles épaules. Depuis les plages de Goa, au Sud de l’Inde, jusqu’à la chaîne himalayenne, Nord Tibet, en passant par le Rajasthan ou Bénarès ; depuis la baie de Ha Long et les montagnes du Nord Viêt Nam jusqu’à Angkor, au fil du Mékong et du lac Tonlé Sap ; de Bangkok à Singapour en descendant la péninsule Malaise, dont l’île de Ko Tao ou Malacca, et en suivant encore l’interminable chapelet des îles indonésiennes, Java, Bali ou Florès ; j’ai vu tant d’endroits merveilleux, j’ai rencontré tant de gens adorables, j’ai tellement appris, à tous les niveaux, que j’en ai la tête qui tourne. Alors après 7 mois et demi d’aventures inouïes, 33 semaines ininterrompues, je supporte aisément de passer ma dernière nuit de nomade sur une pauvre chaise du gigantesque aéroport de Sydney, inhospitalier et froid. Une page de mon épopée se tourne, la traversée de toute l’Asie méridionale via 11 pays fascinants ; et le chapitre qui débute demain en Nouvelle-Calédonie, sur mon 4e continent, est un tournant. En 930 jours, j’ai accompli plus ou moins les trois-quarts du voyage, et je compte bien sillonner bientôt toute l’Amérique du Sud avant de boucler la Boucle. Mais désormais la tête en bas par rapport à mon point de départ, je me retrouve sans le sou. De plus, même si je sais que des proches essayent de me dégoter une solution, je n’ai pour l’instant aucun point de chute. Pourtant, cette situation délicate n’est pas un problème, juste un autre défi excitant ; je sais qu’avec de la bonne volonté, de l’énergie et du bon sens, je parviendrai à le relever. Dans un premier temps, je vais m’offrir une semaine de repos complet, surement en camping, sans sac à porter ni bus à prendre, et me laisser porter par le vent ; d’autres appellent ça la destinée ou la volonté de Dieu. A mon étoile ou inch’Allah, tout ira bien.
jeudi 2 mai 2013 - 930e jour
Dans mon divan, je suis réveillé par le chahut des passagers qui tirent leurs chariots et leurs valises. J’ouvre donc les yeux devant un défilé de gens pressés, des blancs, grands, costauds ou obèses, et après un brin de toilette, je sors prendre le soleil. Derrière le parking, je parcours un joli jardin aménagé puis je traverse une grande route avant de me retrouver, presque machinalement, au beau milieu d’une belle forêt semi-sèche. J’examine un moment des espèces végétales inconnues, avant de retourner sagement attendre mon vol pour Brisbane, en gardant un oeil attentif au tableau des départs. Lorsque l’embarquement est annoncé, je sors tranquillement fumer une dernière cigarette avant de me diriger vers le guichet. Et là, le jeune homme en cravate m’annonce avec détachement qu’il est trop tard, l’avion décolle. Je poirote bêtement depuis 24 h dans ce fichu aéroport, les yeux rivés sur l’horloge depuis 2h, et j’ai trouvé le moyen de confondre check-in et embarquement. Plusieurs fois, j’ai dit que j’allais finir par rater un avion : je viens donc d’en raté deux en deux jours. Mais pas de panique : au comptoir de la compagnie, la dame m’arrange un billet direct pour Sydney pour 60 euros ; vu l’erreur grossière, je m’en tire bien, mais il est vraiment temps que j’arrête de courir. Je connais ce mal : pendant des mois, je m’impose une forte pression, que je trimbale d’abord avec aisance, puis qui s’alourdit au fur et à mesure que la route s’allonge, jusqu’à peser franchement sur mes frêles épaules. Depuis les plages de Goa, au Sud de l’Inde, jusqu’à la chaîne himalayenne, Nord Tibet, en passant par le Rajasthan ou Bénarès ; depuis la baie de Ha Long et les montagnes du Nord Viêt Nam jusqu’à Angkor, au fil du Mékong et du lac Tonlé Sap ; de Bangkok à Singapour en descendant la péninsule Malaise, dont l’île de Ko Tao ou Malacca, et en suivant encore l’interminable chapelet des îles indonésiennes, Java, Bali ou Florès ; j’ai vu tant d’endroits merveilleux, j’ai rencontré tant de gens adorables, j’ai tellement appris, à tous les niveaux, que j’en ai la tête qui tourne. Alors après 7 mois et demi d’aventures inouïes, 33 semaines ininterrompues, je supporte aisément de passer ma dernière nuit de nomade sur une pauvre chaise du gigantesque aéroport de Sydney, inhospitalier et froid. Une page de mon épopée se tourne, la traversée de toute l’Asie méridionale via 11 pays fascinants ; et le chapitre qui débute demain en Nouvelle-Calédonie, sur mon 4e continent, est un tournant. En 930 jours, j’ai accompli plus ou moins les trois-quarts du voyage, et je compte bien sillonner bientôt toute l’Amérique du Sud avant de boucler la Boucle. Mais désormais la tête en bas par rapport à mon point de départ, je me retrouve sans le sou. De plus, même si je sais que des proches essayent de me dégoter une solution, je n’ai pour l’instant aucun point de chute. Pourtant, cette situation délicate n’est pas un problème, juste un autre défi excitant ; je sais qu’avec de la bonne volonté, de l’énergie et du bon sens, je parviendrai à le relever. Dans un premier temps, je vais m’offrir une semaine de repos complet, surement en camping, sans sac à porter ni bus à prendre, et me laisser porter par le vent ; d’autres appellent ça la destinée ou la volonté de Dieu. A mon étoile ou inch’Allah, tout ira bien.
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