De bon matin, j’emprunte les transports en commun, à savoir l’un de ces minibus usés, un mikrolet, pour me faire déposer devant un musée d’art contemporain. Chez moi, on appellerait cette série de bâtiments délabrés, occupés par une bande d’artistes à dreadlocks, un simple squat. Ces gars recyclent tout ce qu’ils trouvent pour bricoler de drôles de sculptures, et peignent sur divers supports, souvent avec maladresse. Mais le style direct, brut, exprime avec force les souffrances et l’espoir de leur peuple ; c’est l’essence même de l’art. Dans un autre mikrolet bourré d’écoliers en uniforme, je retourne alors dans le centre pour étudier le musée de la résistance qui lui, est tout neuf. A part des photos percutantes, peu de choses sont exposées ici, mais la succession de panneaux racontent parfaitement la sombre période de l’occupation indonésienne. Quatre années furent nécessaires au puissant envahisseur pour mater la rébellion ; pendant cette période, on estime qu’un tiers de la population a disparu, tué par les balles ou par la faim. Indifférente pendant près de 2O ans, la communauté internationale finit par se réveiller. Le gouvernement indonésien sous pression accepte l’idée d’un référendum, mais ses soldats refusent l’écrasante victoire des indépendantistes. Il faudra l’intervention de l’ONU pour arrêter le massacre. Moins de 15 ans plus tard, on comprend que la jeune nation soit encore très marquée par ces évènements. Après ces histoires de tragédies et de héros, j’ai grand besoin de me changer les idées : je file donc en taxi jusqu’au cap Fatucama, la fin de la grande courbe que trace la côte devant la capitale. Le Roi-Christ veille sur elle du haut du piton rocheux, que je contourne sans voir les escaliers. Plus loin, le chemin est coupé par une falaise abrupte battue par la houle, mais plutôt que de faire demi-tour, je préfère escalader la paroi quasi-verticale. Au sommet, la statue de 27 m est impressionnante, tout comme la vue sur la cité lointaine. Mais je reste surtout bouche-bée en découvrant, de l’autre côté, une crique sublime qui s’offre à moi. Je profite de ce décor de rêve pour accomplir une séance de sport complète : natation, jogging, exercices au sol. En repartant, j’évite soigneusement la piste en coupant par cette belle colline herbeuse, quand soudain, le ciel se couvre ; 10 secondes plus tard, il tombe des gouttes grosses comme le pouce. Je parviens quand même jusqu’à la route, et après avoir séché devant l’océan, je rentre en taxi. Et comme je n’ai rien avalé depuis ce matin, je m’offre deux diners consécutifs. Enfin, dans la soirée, je réfléchis encore à la suite du programme. La facilité serait d’attendre sagement mon vol, le 1er mai, mais j’estime qu’en deux jours, j’ai correctement fait le tour de Dili. La décision est prise : malgré le timing serré, je veux relever un dernier défi. Demain, je pars dans les terres pour gravir le mont Ramelau, le point culminant du pays.
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