lundi 29 avril 2013 - 927e jour


Sans réveil, je saute de mon lit à 4h30. C’est tôt, surtout vu la température extérieure, mais je sais qu’une longue journée à l’issue incertaine m’attend, alors je ne traîne pas : je m’habille chaudement et sors dans la nuit. La lueur de la lune, aux trois-quarts pleine, est suffisante : je range ma lampe frontale et commence à grimper, entre les silhouettes sombres d’étranges conifères se détachant sur le ciel bleu nuit. Après une large piste, j’atteints une plateforme aménagée suivie d’un escalier, et à un bon rythme, j’avance sur un étroit sentier pierreux quand le soleil commence à poindre. En quelques instants, la nature environnante s’illumine, puis soudain, au détour d’une corniche, le paysage s’ouvre devant moi. Je ralentis alors la cadence en ouvrant de grands yeux, là sur ces roses sauvages, ici sur ces arbres morts biscornus, et là-bas sur le tout dernier rocher de cette imposante falaise. Et après peut-être 3 h, j’atteints le sommet, accueilli à bras ouverts par la vierge Marie. Devant ce panorama époustouflant qui s’étale à 360 degrés, je m’aperçois que cet endroit est le point final de mes merveilleuses aventures asiatiques. La chaîne tourmentée de l’île de Timor s’allonge d’Est en Ouest, la mer de Timor se dévoile au Sud tandis qu’au Nord, le détroit d’Ombai s’étend entre la grosse île d’Alor et celle plus petite d’Atauro, face à Dili. Le symbole est fort : en tournant sur moi-même, je contemple donc d’un côté l’Océan Indien et de l’autre, le Pacifique. Et en mesurant le chemin insensé depuis que j’ai quitté la Réunion, je suis pris de vertiges. Tout en écoutant le son du vent dans les arbres, je reste planté là un long moment, en prenant conscience, un peu plus encore, de l’immensité de ma planète et de son extraordinaire beauté ; un miracle, semble me souffler la vierge derrière moi, dans un sourire magnanime. Minuscule dans ce tableau monumental, je ressens un fort sentiment d’humilité, partagé avec la fierté qu’un si petit bonhomme, moi, soit parvenu jusqu’ici. Mais il est temps de redescendre sur terre : pas certain de pouvoir rentrer de Hato Builico jusqu’à Dili dans la journée de demain, je dois dormir ce soir à Maubisse, sans avoir la garantie de trouver un moyen de transport. Il est déjà midi quand, après avoir plié mon sac et avalé une assiette de nouilles, je me remets en chemin. Sans même avoir pris le temps d’en faire le tour, je quitte ce singulier village escorté par un essaim d’écoliers en culotte courte. Deux heures plus tard, je franchis le premier col et je m’engage autour de la seconde vallée ; deux heures de plus et je souffle dans le même village que la veille. J’ai mal aux pieds, aux cuisses, au dos et aux épaules, mais il faut serrer les dents, car il me reste bien 8 ou 10 km jusqu’à la route. Et là, à l’endroit exact où le camion m’a ramassé hier, un autre arrive dans le sens opposé. Je suis bien placé pour savoir que la chance sourit aux audacieux ; je saute dans la remorque grandement soulagé. Plus tard, mes jambes me traînent machinalement dans le bourg de Maubisse, où je dégotte une chambre confortable. Heureux de ma promenade, 14 ou 15 h de marche en moins de 2 jours, mais exténué, je ne fais pas de vieux os.






1 commentaire:

Ade a dit…

Merci d'avoir poussé le son du vent de ton sommet à mon petit bureau ! Un moment à lire d'une beauté rare. A vivre.. j'ose à peine l'imaginer. Des bisous

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