Alors que ma pause réunionnaise se prolonge paisiblement, je récupère, pour un temps, la modeste case d’un camarade. Ainsi coupé du monde, j’en profite pour m’entretenir dans un cadre superbe, et je m’attelle surtout à une tâche grisante : la préparation de mon prochain parcours.
En arrivant ici, je pensais ne rester
chez Ben et Karine qu’une semaine ou deux. Mais avec eux, ainsi
qu’avec la petite Naturelle, je développe une franche amitié, si
bien qu’ils finissent par m’offrir spontanément de séjourner
parmi eux jusqu’à mon départ. Je suis ravi de bénéficier de
leur affectueuse compagnie et de leur maison douillette, d’un grand
réconfort pour un voyageur au long cours. Pourtant, un ami se
rendant en métropole pendant un mois me propose de demeurer chez
lui. Bâtie au pied de l’imposant piton Mont Vert, l’un de ces
innombrables cônes volcaniques disséminés dans le paysage, la
maison au confort précaire me vaut d’adopter un mode de vie
typiquement créole : la case, sans fenêtre, est plutôt
fraîche et humide, il n’y a pas d’eau chaude et des toilettes
sommaires sont bricolées dehors. Elle est nichée sur une colline,
au milieu d’un jardin à la pente abrupte ; l’arroser est
déjà un exercice en soi. Par contre, la vue panoramique est
grandiose. Aussi, je redécouvre mes lacunes culinaires, en mitonnant
par exemple ma spécialité : les pâtes au thon. Heureusement,
le jardin me fournit des tomates cerises et de gros avocats en
abondance. Sans téléphone, réseau ou moyen de transport, je
retrouve ma fidèle compagne, la solitude. Elle me permet
de méditer longtemps sur le bien-fondé de mon invraisemblable entreprise. J’en arrive toujours aux mêmes conclusions : je ne suis pas fou, ou alors juste un peu, et je garde la ferme intention de continuer ma route. En outre, les environs sont un parfait terrain de jeu ; je gravis régulièrement mon piton en petites foulées, j’explore de profondes ravines sauvages, et je descends même parfois jusqu’à la plage, à pied, à une dizaine de kilomètres plus bas.
Surtout, je passe la majeure partie de la journée attablé à l’ombre des filaos, équipé de mon nouvel investissement, un petit ordinateur portable. Au son des radios créoles, je rédige d’abord quelques chroniques avant de sérieusement m’attaquer à mon futur itinéraire, que j’intitule Indien – Pacifique, d’un océan à l’autre. D’habitude, internet est un outil très précieux, mais cette fois, j’ai pu emprunter ici ou là plusieurs livres, des guides englobant la quasi-totalité des pays que je souhaite traverser. Avec l’aide de mon atlas de poche, me revoilà agent exclusif de voyage, et celui que je me concocte promet d’être éblouissant. Le prologue aura lieu sur Maurice, pour m’échauffer, d’où je m’envolerai pour l’Inde, déjà un monde en soi, avec pas moins d’un milliard d’autres. En train, je compte traverser le sous-continent du Sud au Nord, en passant par des mégapoles, des cités antiques, des déserts et des jungles, jusqu’à me trouver juste au pied l’Everest, quelques 5000 kilomètres plus au Nord, au Népal. Pour de sombres histoires de visa, je ne pourrai me rendre ni au Bangladesh, ni en Birmanie. Qu’à cela ne tienne, puisque je dois prendre l’avion, autant filer depuis Katmandou jusqu’à Hanoï, au Nord-Vietnam, et ramer un peu (au sens propre) dans la mythique baie d’Ha-Long. Dans de vieux tacots, j’aurai le temps de découvrir la campagne laotienne et les villages aux éléphants, puisque je suivrai le fil du Mékong et ses dauphins d’eau douce jusqu’à Phnom Penh, capitale du Cambodge, 1500 kilomètres en aval. Après avoir joué à Indiana Jones, sans mon fouet mais à bicyclette, parmi les temples légendaires d’Angkor, je rejoindrai la Thaïlande et Bangkok, sa métropole frénétique. De là, je parcourrai la si longue péninsule malaise, via la Malaisie donc, et le port ancestral de Malacca, jusqu’à la pointe Sud et la ville-état ultramoderne de Singapour. A partir d’ici, je basculerai à nouveau dans l’hémisphère Sud en débarquant en Indonésie, sur l’île géante de Sumatra. Après Java la surpeuplée, et un break sous les cocotiers de Bali, j’espère égrener plein Est les îles de la Sonde jusqu’au bout, au Timor Oriental, une nation naissante. D’après mon agenda, d’une précision ministérielle, j’aurai besoin de six mois d’aventures épileptiques pour en arriver là. Fort de mon expérience et à contrecœur, je prends donc la sage décision d’oublier l’Australie, pourtant à moins d’une heure d’avion, et donc la Nouvelle-Zélande, bien trop loin. Tant pis, ce sera pour le deuxième tour. C’est simplement par les airs, et non grâce à je ne sais quel voilier (quoique), que je rejoindrai la Nouvelle-Calédonie, mon pays d’outre-mer, encore. D’ici-là, mes premiers hôtes sont déjà prêts à m’accueillir les bras ouverts ; et les suivants ne le savent pas encore, mais ils m’attendent aussi. 17 500 kilomètres de route et de mer en six mois (plus 12 500 dans les airs), soyons optimistes, ça n’est pas très raisonnable, mais ça m’a l’air faisable.
de méditer longtemps sur le bien-fondé de mon invraisemblable entreprise. J’en arrive toujours aux mêmes conclusions : je ne suis pas fou, ou alors juste un peu, et je garde la ferme intention de continuer ma route. En outre, les environs sont un parfait terrain de jeu ; je gravis régulièrement mon piton en petites foulées, j’explore de profondes ravines sauvages, et je descends même parfois jusqu’à la plage, à pied, à une dizaine de kilomètres plus bas.
Surtout, je passe la majeure partie de la journée attablé à l’ombre des filaos, équipé de mon nouvel investissement, un petit ordinateur portable. Au son des radios créoles, je rédige d’abord quelques chroniques avant de sérieusement m’attaquer à mon futur itinéraire, que j’intitule Indien – Pacifique, d’un océan à l’autre. D’habitude, internet est un outil très précieux, mais cette fois, j’ai pu emprunter ici ou là plusieurs livres, des guides englobant la quasi-totalité des pays que je souhaite traverser. Avec l’aide de mon atlas de poche, me revoilà agent exclusif de voyage, et celui que je me concocte promet d’être éblouissant. Le prologue aura lieu sur Maurice, pour m’échauffer, d’où je m’envolerai pour l’Inde, déjà un monde en soi, avec pas moins d’un milliard d’autres. En train, je compte traverser le sous-continent du Sud au Nord, en passant par des mégapoles, des cités antiques, des déserts et des jungles, jusqu’à me trouver juste au pied l’Everest, quelques 5000 kilomètres plus au Nord, au Népal. Pour de sombres histoires de visa, je ne pourrai me rendre ni au Bangladesh, ni en Birmanie. Qu’à cela ne tienne, puisque je dois prendre l’avion, autant filer depuis Katmandou jusqu’à Hanoï, au Nord-Vietnam, et ramer un peu (au sens propre) dans la mythique baie d’Ha-Long. Dans de vieux tacots, j’aurai le temps de découvrir la campagne laotienne et les villages aux éléphants, puisque je suivrai le fil du Mékong et ses dauphins d’eau douce jusqu’à Phnom Penh, capitale du Cambodge, 1500 kilomètres en aval. Après avoir joué à Indiana Jones, sans mon fouet mais à bicyclette, parmi les temples légendaires d’Angkor, je rejoindrai la Thaïlande et Bangkok, sa métropole frénétique. De là, je parcourrai la si longue péninsule malaise, via la Malaisie donc, et le port ancestral de Malacca, jusqu’à la pointe Sud et la ville-état ultramoderne de Singapour. A partir d’ici, je basculerai à nouveau dans l’hémisphère Sud en débarquant en Indonésie, sur l’île géante de Sumatra. Après Java la surpeuplée, et un break sous les cocotiers de Bali, j’espère égrener plein Est les îles de la Sonde jusqu’au bout, au Timor Oriental, une nation naissante. D’après mon agenda, d’une précision ministérielle, j’aurai besoin de six mois d’aventures épileptiques pour en arriver là. Fort de mon expérience et à contrecœur, je prends donc la sage décision d’oublier l’Australie, pourtant à moins d’une heure d’avion, et donc la Nouvelle-Zélande, bien trop loin. Tant pis, ce sera pour le deuxième tour. C’est simplement par les airs, et non grâce à je ne sais quel voilier (quoique), que je rejoindrai la Nouvelle-Calédonie, mon pays d’outre-mer, encore. D’ici-là, mes premiers hôtes sont déjà prêts à m’accueillir les bras ouverts ; et les suivants ne le savent pas encore, mais ils m’attendent aussi. 17 500 kilomètres de route et de mer en six mois (plus 12 500 dans les airs), soyons optimistes, ça n’est pas très raisonnable, mais ça m’a l’air faisable.
Ce trajet immense à une telle allure nécessitera une organisation pointue, c’est pourquoi j’ai voulu m’équiper d’un ordinateur. C’est un kilo de plus à porter et autant à surveiller. Un défi de taille consiste à ne pas le perdre, de même que mon nouvel appareil photo, déjà le quatrième ; qui prend les paris ? J’ai assez usé de stylos et de cahiers d’écolier ; j’ai visité tous les cybercafés d’Afrique. L’Asie semble plus moderne, je me remets donc au numérique. J’ai aussi passé trop de temps à écrire, notamment pour ce blog, c’est pourquoi désormais, je publierai directement mon journal de bord. Bruts, mes prochains écrits seront donc moins soignés dans la forme : puisque le français est une langue vivante, je le rédigerai à ma sauce, comme le font les créoles réunionnais. C’est d’ailleurs avec joie que j’écris cent quatre-vingt-quatorze en toutes lettres pour la dernière fois. Quant au fond, mes petites leçons vont se réduire comme les glaciers du Kili, mais j’encourage vivement le lecteur curieux à consulter les pages de Wikipédia ou autre (en d’autres termes, débrouillez-vous). En ce qui me concerne, mes cours sont déjà stockés dans mon disque dur, de même qu’une multitude de cartes et de plans. En bon libertaire, je bannirai également la censure (mais je garde quand même deux ou trois jokers dans la manche). Vous lirez mes impressions personnelles et ma vie quotidienne, celle d’un voyageur pressé, avide de découvertes et de rencontres. Vous aurez de l’action, du suspens, des rebondissements (pas trop quand même). Et je m’efforcerai de publier tout ça le plus régulièrement possible. Alors plus que jamais, chers amis, suivez le fil, et rendez-vous le 15 septembre à Port-Louis (ou le 16, voire le 17…).
Ma retraite monacale s’achève et vient déjà le moment de réintégrer, pour
la dernière fois, le foyer de mes amis. Cette fois, le compte à
rebours est enclenché, je suis prêt, bien entraîné et
parfaitement préparé. D’autre part, je complète ma découverte
de cette île extraordinaire, la Réunion. Juste avant de partir, une
sortie sur l’océan afin de saluer les baleines est prévue, et
j’espère parcourir, en autonomie pendant deux ou trois jours, le
Cirque de Mafate, qui ne contient aucune route. En attendant, Ben et
Karine sont motivés à l’idée de m’accompagner jusqu’au point
culminant de l’île : le Piton des Neiges, à plus de trois
mille mètres d’altitude. Il nous faut toute l’après-midi pour
grimper jusqu’au gîte, à deux mille six cent mètres, par un
sentier moins fréquenté et plus long que les autres voies. Ce
chemin est un splendide condensé des différents écosystèmes
présents ici. Nous traversons d’abord des prairies verdoyantes,
puis des plaines plantées de courts buissons. Nous nous enfonçons
alors dans divers types de forêts, toutes plus féériques les unes
que les autres. Nous longeons enfin longuement une crête
vertigineuse dominant le Cirque de Cilaos, avant d’atteindre le
gîte pour le coucher du soleil.
Après un copieux diner créole, la nuit en dortoir est courte : dès trois heures du matin, nous entamons, au milieu des rochers et par une température négative, l’ascension de l’impressionnante montagne à la lueur d’une lampe. Arrivés au sommet à l’aube, nous contemplons le spectacle époustouflant, à 360 degrés, de l’intégralité de l’île illuminée par le soleil rougeoyant. Les remparts colossaux dégringolent dans les trois cirques gigantesques ; à l’Est, le lointain Piton de la Fournaise se dessine majestueusement à l’horizon et l’océan s’étend tout autour de nous. La redescente, quoique magnifique, est interminable, surtout pour la pauvre Karine, épuisée par quinze heures de randonnée, sans compter les six heures de la veille. Nous ne rejoignons la voiture que vers dix-huit heures, éblouis par cette incroyable balade, un souvenir d’ors et déjà indélébile.
Après un copieux diner créole, la nuit en dortoir est courte : dès trois heures du matin, nous entamons, au milieu des rochers et par une température négative, l’ascension de l’impressionnante montagne à la lueur d’une lampe. Arrivés au sommet à l’aube, nous contemplons le spectacle époustouflant, à 360 degrés, de l’intégralité de l’île illuminée par le soleil rougeoyant. Les remparts colossaux dégringolent dans les trois cirques gigantesques ; à l’Est, le lointain Piton de la Fournaise se dessine majestueusement à l’horizon et l’océan s’étend tout autour de nous. La redescente, quoique magnifique, est interminable, surtout pour la pauvre Karine, épuisée par quinze heures de randonnée, sans compter les six heures de la veille. Nous ne rejoignons la voiture que vers dix-huit heures, éblouis par cette incroyable balade, un souvenir d’ors et déjà indélébile.
En gravissant son plus haut sommet, c’est symboliquement l’île tout entière que j’ai conquis avec mes camarades. Je peux donc quitter la Réunion et mes amis l’esprit léger et m’attaquer vaillamment à la deuxième moitié de mon odyssée.
5 commentaires:
mon cher Jérôme
une fois de plus, je prends plaisir à te lire, je suis ravie de savoir que tu as aimé ton séjour parmi nous.
J'ai été très contente de te connaître et d'avoir partager avec toi ces trois mois de pause sur notre île magnifique.
Tu as été un tonton merveilleux avec Naturelle qui je suis sûr ne t'oubliera pas de si tôt!!
Je ne manquerais pas de te suivre via ton blog pour connaître tes nouvelles aventures....et je sais déjà au fond de moi que nous nous reverrons quelque part sur notre belle planète bleue....
je te souhaite un bon voyage mon pote et que tu concrétises tes rêves les plus "fous".
et comme on dit ici : natrouv'
mille bisous
karine & Naturelle
Comen ilé les filles ?
L'expression consacré "mille mercis" n'est pas suffisante, c'est plutôt 10 000 remerciements qu'il me faut vous adresser à tous les 3.
C'est une évidence, à un de ces jours, quelque part...
Ah, les randonnées à la Réunion, que de bons souvenirs !
Je te souhaite une bonne suite de voyage, on a été ravis de t'accueillir chez nous.
Joanna
Coucou Jay!
Nouveau grand départ en perspective...
Je vois que tu as bien profité de cette magnifique île qu'est la Réunion (j'en garde d'extraordinaires -quoique lointains- souvenirs!)et que tu y as rencontré encore de bien belles personnes.
Bonne continuation de tes aventures, gros bisous
Flo
je ne sais pas quoi dire. trois mois a la reunion et pas le recit d une innocente creole qui t aurais trousse au crepuscule?
il reste un truc que je n ai pas encore experimente depuis les annees ou nous voyagions sur la banquette arriere d une opel ascona couleur moutarde, une aurore avec toi eveille (les retours de fetes ne comptent pas)
apparemment tu en experimentes souvent ces derniers temps, quelque chose a du changer pendant tes perigrinations.
vivement qu on se revoit
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