Après
avoir vu les plus grands bidonvilles d'Afrique à Nairobi, et d'Asie
à Bombay, je tiens à traverser le plus vaste d'Amérique, Rocinha,
qui s'étend à l'Ouest du quartier huppé de Leblon. Je
descends du bus juste à l'entrée et je m'y infiltre. De longue
date, c'était une zone de non-droit où les gangsters régnaient en
maître, mais il a été « pacifié » par les unités du BOPE, le
GIGN local. Néanmoins, la tension reste palpable, comme en témoigne
ce jeune gars qui déambule avec un revolver à la main ; alors je
fais profil bas, la casquette bien vissée sur la tête. La zone,
occupée par des dizaines de milliers de gens, est très entendue et
il me faut deux longues heures pour en ressortir à l'opposée. C'est
une ville dans la ville, le tiers-monde au coeur d'une cité
opulente. Bien sûr le plat n'existe pas dans le coin, quelques
petites rues donnant accès à des milliers de ruelles extrêmement
étroites, qui ne voient jamais le soleil. Il y a bien de petites
boutiques et des bars, mais l'ensemble est clairement insalubre avec
des déchets partout et des égouts ignobles qui dégoulinent entre
les habitations. Il y a tant de monde que je passe inaperçu, même
si j'aboutis maintes fois dans des culs-de-sac. Je trouve finalement
une issue qui débouche sur le quartier de Sao Conrado, où une large
autoroute sépare des immeubles de standing moyen d'une longue et
belle plage, conclue par des hôtels de luxe. Rio est vraiment la
ville de tous le contrastes.
Je
grignote sur la plage puis j'entreprends de traverser le parc
national de Tijuca, la plus grande forêt urbaine au monde et dernier
vestige de la forêt atlantique. Une petite route abrupte grimpe en
lacet au milieu d'énormes montagnes, comme les gigantesques Pedra da
Gavea et Pedra Bonita. C'est clairement la jungle, et je monte à un
rythme soutenu dans cette végétation dense. Comme j'ai un long
chemin à faire, je reste sur cette route au bord de laquelle des
gens fortunés possèdent de belles villas protégées par de hauts
murs et des gardiens. En effet, la forêt est immense et il me faut
plusieurs heures pour atteindre le sommet. Plus loin au Nord, un
petit quartier chic aux allures de village s'étend dans une vallée
encaissée que l'altitude rend plus fraîche. Je continue à
descendre tandis que l'urbanisation reprend peu à peu ses droits en
suivant la même logique qu'ailleurs : des favelas sur les pentes les
plus escarpées, puis plus bas de vilains immeubles, puis des zones
commerciales et des buildings plus hauts et plus élégants. Les
alentours sont très verdoyants et je continue à avancer malgré la
fatigue. Ce n'est qu'après sept heures de marche, pour une trentaine
de kilomètres, que j'entre dans un station de métro qui me ramène
chez moi. Epuisé, j'y passe une soirée paisible parmi l'équipe que
je connais bien désormais, et les autres qui ne font que passer
comme les milliers d'autres visages que j'ai déjà croisés dans les
mêmes conditions.
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