Mon
séjour à Rio touche à sa fin et je suis allé à peu près partout
dans le centre-ville et alentours. En ce dimanche pluvieux, je me
dirige vers l'un des derniers vieux quartiers résidentiels, qui
domine la zone du haut de sa colline. Je suis rentré fin saoul hier
soir et ce matin encore, je suis en petite forme : une bonne marche
devrait me remettre d'aplomb. Je débute la journée en attendant la
fin d'une averse à l'endroit exact où j'ai terminé la soirée avec
Sophie, au pied de l'escalier qui grimpe à Santa Teresa. Il n'y a
pas d'immeubles ici, mais des maisons colorées du 19e siècle ;
certaines sont de superbes villas bourgeoises, d'autres sont plus
modestes et moins entretenues. Cet endroit attire de longue date les
artistes, ce qui lui vaut sa réputation bohème même si l'inflation
le transforme en quartier pour les classes aisées. L'ensemble
s'aligne le long de ruelles sinueuses et pentues, ce qui lui confère
un charme certain. J'apprécie de m'y perdre jusqu'à tomber sur une
vénérable demeure en ruine, en partie rénovée avec du verre et du
métal et noyée dans un beau jardin tropical. Tout en haut sur la
terrasse, on domine toute la cité et au delà, la baie, pour un
nouveau point de vue fabuleux. A proximité, la maison moderne d'un
puissant homme d'affaires du 20e siècle est convertie en musée : ce
n'est pas très grand mais les collections sont admirables.
Je continue ensuite à monter et descendre au hasard des rues pavées, en passant devant des ateliers de peinture ou de petits bistrots. Plus haut encore, j'aperçois un étroit passage qui sinue vers une favela. Sachant que mon quartier se trouve quelque part de l'autre côté, je m'engage. Je zigzague donc dans cet empilement précaire de briques et de béton, et dévalant des couloirs minuscules. Il n'y a pas de blancs ici ; des noirs et des métis sont assis ici ou là sur les marches, et quelques jeunes en train de fumer de l'herbe me regardent passer avec un oeil noir. Je ne m'attarde donc pas, circulant comme si de rien n'était en sifflotant un air de samba. En bas, je rejoins la ville via une rue très arborée, bordée d'immeubles luxueux surprotégés, qui, débouche directement sur mon boulevard. Je n'ai marché que quatre heures et vu mon état, c'est assez pour aujourd'hui ; je passe au supermarché faire quelques courses avant de rentrer. Je reste un moment sur internet puis je passe la soirée avec la jeunesse du Monde entier : le groupe de Sophie, qui vient étudier l'enseignement alternatif, dont un rasta autrichien et des filles de Hollande, Allemagne, Espagne, ainsi qu'avec mon copain chilien Ulyses, toujours le mot pour rire.
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