Quand
le réveil de Ciro sonne, je ne me rend pas compte qu'il est encore
très tôt ; je vais discrètement à la cuisine pour faire du café
et écrire un peu tandis qu'il dort encore. Puis nous partons
ensemble en voiture ; nous quittons les vastes zones résidentielles,
très arborées, situées dans les ailes courbes du plan pilote, pour
déboucher sur « l'Eixo Monumental », l'axe central immense comme
son nom l'indique, long d'une douzaine de kilomètres et large de
plus de 300 m. Une grande pelouse sans arbre s'étend entre deux
boulevards, encadrée à cet endroit par les dix-sept immeubles des
ministères, des parallélépipèdes très sobres de dix étages,
tous identiques, séparés soit par des parkings soit par des
jardins. Je laisse là mon ami et me dirige vers l'extrémité Est de
cet axe, qui concentre les trois pouvoirs démocratiques autour de
cette grande esplanade dépouillée. Je commence par une visite
guidée du Congrès, signature emblématique de Niemeyer. Elle se
fait en portugais mais j'arrive plus ou moins à suivre. Nous
circulons dans plusieurs salons et halls occupés par des officiels
en cravate, jusqu'à l'Assemblée des députés, impressionnante
salle circulaire située sous la coupole. Nous poursuivons jusqu'au
Sénat, plus petit, coiffé lui du dôme. Tout ca est captivant mais
ca me prend deux heures. Alors je retourne observer de près le
Palais Présidentiel et la Cour Suprême tout proches, assez
similaires avec d'élégantes colonnes courbes et légères, la
spécialité de Niemeyer.
Puis
je rejoins Ciro qui m'emmène déjeuner avec des collègues dans la
cantine de l'Assemblée, où l'on mange très correctement, sans
plus. Tous ces fonctionnaires ont l'air plutôt décontractés,
certains arborant même piercings et tatouages, voire des cheveux
rouge vif. Et puis à deux pas, je vais visiter le Palacio Itamaraty,
le Ministère des Affaires étrangères qui est peut-être la plus
belle réussite du grand architecte. Encadré de hautes arches
verticales, il semble flotter au milieu de son bassin miroitant. Là
encore, le guide parle portugais mais qu'importe, l'intérieur tout
en raffinement et sobriété est superbe. Au rez-de-chaussée,
l'espace est incroyable : le plafond n'est soutenu par aucun pilier
tandis que les marches d'un escalier en colimaçon sont suspendues
comme par miracle. A l'étage, nous parcourons encore de vastes
salles embellies de nombreuses œuvres d'art. Cette visite aussi a
durée, si bien que l'après-midi est déjà bien avancée. Au delà
de l'esplanade des ministères, encore posée dans un immense espace,
je pénètre dans la cathédrale, très originale, qui tend ses
courbes de béton au dessus d'une spectaculaire coupole intégralement
réalisé en vitrail ; l'effet est saisissant.
Et
puis je prends le bus pour rentre à l'appartement. J'y passe un bon
moment à laver mon sac qui a baigné dans du jus de poisson dans la
cale du bus ; un scandale. Ciro, qui n'a pas été à son cours de
français puisque je suis là pour le faire pratiquer, rentre dans la
soirée. Nous bavardons longuement de sujets sérieux, de la ville et
du pays notamment. La discussion est passionnante car ce garçon sait
beaucoup de choses, et il les exprime avec un esprit critique pointu.
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