du jardin d'Eden aux neiges éternelles

NB : chers lecteurs,
Même cause, même conséquence (voir message précédent) : les images présentées ci-dessous ne sont pas les miennes.




Pour le voyageur que je suis, la Tanzanie possède bien des attraits. état majeur d'Afrique de l'Est, avec son voisin kényan, de par sa taille et son influence culturelle, elle est riche non seulement de paysages très variés, mais aussi de son peuple, pacifique et toujours amical. C'est aussi une destination privilégiée pour les touristes du monde entier, attirés par ses parcs nationaux à la faune pléthorique, le gigantesque Kilimandjaro, les magnifiques plages de l'océan Indien, ou encore ses iles paradisiaques. Ainsi, j'oriente mon itinéraire en parcourant la partie septentrionale du pays, de l'extrême Ouest a la côte Est, alternant entre arrière-pays à l'authenticité préservée et quelques merveilles de la nature.




Située au Sud de l'équateur, la Tanzanie, presque un million de kilomètres carrés, jouit d'un climat tropical chaud et humide, deux saisons des pluies distinctes l'arrosant six mois par an. Tout le territoire est verdoyant, mais aussi marqué par un fort relief. Plusieurs très grands lacs, tel le Victoria, le Malawi ou le Tanganyika, se logent dans la vallée du grand rift, qui occupe toute la partie occidentale ; et certains de ses volcans s'élèvent en haute altitude. Le centre est constitué d'un vaste plateau drainé par une multitude de fleuves et rivières se jetant dans l'océan, et la plaine côtière fait face à l'archipel de Zanzibar, à l'importance primordiale dans l'histoire de la nation.

En effet, grâce aux vents favorables, des routes maritimes apparaissent dès le début de l'ère chrétienne le long de la côte est-africaine, alors occupée par des peuples bantous venus du centre du continent. Les perses sont les premiers colonisateurs, à partir du VIIIe siècle, à s'installer à Zanzibar, instaurant pour des siècles un pouvoir politique et économique. Grâce à l'or, l'ivoire et les esclaves, le commerce florissant attire de nombreux arabes et indiens. Au fil du temps, ce brassage permet l'émergence de la culture swahili, qui se diffuse non seulement sur les côtes mais aussi à l'intérieur des terres. Vers l'an 1500, les portugais s'installent dans la région par la force avant d'être chassé par les troupes du sultanat d'Oman fin XVIIe. Les allemands puis les anglais, au gré d'alliances et de batailles, colonisent alors la sous-région fin XVIIIe, jusqu'aux indépendances du XXe siècle. Fait rare, celle du Tanganyika se déroule sans violence en 1961, sous l'impulsion du jeune Julius Nyerere, "l'instituteur". Le nouvel état fusionne alors avec la nouvelle république de Zanzibar en 1964 pour former la Tanzanie. Nyerere, devenu président, veut créer une société égalitaire et instaure un régime socialiste pendant des décennies. Celui-ci s'avère un échec, son peuple s'enfonçant un peu plus dans la pauvreté. A la fin des années 70, l'Ouganda d'Amin Dada envahit le Nord-Ouest, mais est finalement repoussé, puis occupé, au prix d'une guerre qui cause de lourdes pertes. Peu après, l'instituteur commence à reconnaître la faillite de sa politique et débute très progressivement la libéralisation de l'économie. Finalement, en 1985, après plus de vingt ans de présidence, sans avoir imposé de régime dictatorial, il décide de se retirer de la vie politique.

Aujourd'hui, les quarante-quatre millions de Tanzaniens, menés par l'impopulaire président Kikwete, sont encore très peu à bénéficier de l'afflux massif des nouveaux investissements, qui se concentrent surtout dans la capitale économique, Dar es Salam, ville-champignon de quatre millions d'habitants, ainsi que dans les pôles touristiques. Le secteur industriel est encore très faible, et malgré l'accroissement constant des revenus du tourisme, l'agriculture représente encore plus des deux tiers des emplois. Et même si la nature est généreuse, le chômage est un problème chronique et l'immense majorité vit encore dans des conditions précaires, sans eau potable et sans électricité. Si le christianisme et l'Islam cohabitent facilement, les systèmes éducatifs et de santé par exemple, souffrent de graves lacunes.




De part et d'autre de la frontière, aux abords du lac Victoria, les campagnes et la vie quotidienne se ressemblent beaucoup ; outre une nouvelle monnaie, la principale différence pour moi réside dans le fait que la plupart des gens ne parlent pas anglais. Avec mon swahili balbutiant, je communique surtout par gestes. Decidé à atteindre au plus vite Arusha, centre d'aiguillage des touristes, je traverse le Nord-Ouest en quelques jours, à bord de grands cars au confort raisonnable, sur de belles routes neuves ou des pistes médiocres. Par la fenêtre, le tableau défile, superbe : sur des collines verdoyantes et dans des vallées couvertes de champs, la végétation est d'une étonnante diversité. Je vois des pins à côté de bananiers, des figuiers à côté d'acacias ou des cocotiers à côté d'eucalyptus. En se rapprochant du lac Victoria, le plus vaste d'Afrique, le relief s'accentue ; il est dominé par d'énormes rocs granitiques arrondis, entassés les uns sur les autres, dont l'équilibre paraît incertain. A Musoma, paisible bourg où je m'arrête vingt-quatre heures, j'ai la confirmation de la forte influence du grand Congo, de l'autre côté, l'ambiance étant typique de l'Afrique centrale. Après une chaude après-midi à marcher, je m'offre une petite séance d'escalade en
grimpant au sommet d'un amas de rochers ronds, mesurant parfois deux mètres, parfois vingt. De là-haut, j'aperçois des enfants qui se baignent à proximité. L'occasion est trop tentante, je descends les rejoindre. Alors qu'ils s'amusent de ma couleur de peau, je me paye une baignade rafraîchissante en sautant, comme eux, du haut des rochers. La soirée se prolonge en douceur, en compagnie d'un homme et de sa soeur, charmants, devant une bière fraîche et un bon tilapia grillé.


Un peu plus au Sud, je stoppe à Mwanza, seconde ville du pays, peuplée par deux millions d'âmes. Quand je pars de bon matin à sa découverte, je ne mesure pas son étendue. En passant par une large route ou d'étroits chemins, il me faut un bon moment pour atteindre le centre-ville, presque désert en ce dimanche, et plutôt modeste pour une cité de cette taille. Je longe alors les berges du lac, occupées par de beaux jardins potagers, puis je gravis une grande colline de pierres où sont bâties de modestes maisons en briques. D'ici, je remarque que la ville s'étend sur chaque parcelle de la rive, par ailleurs très découpée. Je vise ensuite une nouvelle hauteur, au loin, qui surplombe les eaux. Je descends dans une vallée étriquée, où se niche un quartier aux allures de village, jusqu'à la plage où je devise avec des pêcheurs. À la fin du jour, je termine l'ascension d'autres rocs aux dimensions considérables. Assi sur mon gros caillou, je contemple le soleil, semblant plonger dans les eaux calmes du lac Victoria, qui s'étire à l'infini.



Je passe ensuite deux journées entières dans les bus ou les gares routières pour atteindre Arusha, où je trouve rapidement un bon prix pour deux jours de safari ; deux cent quatre-vingts dollars tout de même. Dès le lendemain, j'embarque dans un grand 4x4 avec un couple de hollandais, une japonaise et une australienne, en direction du parc national du lac Manyara. Le site, de taille assez réduite, est splendide. Le lac, en cours d'assèchement, est entouré d'une savane sèche, et longé plus loin par un haut escarpement du rift. Au pied du mur, une mince mais épaisse forêt tropicale abrite, entre autres, de larges baobabs et de grands palmiers roniers. La voiture devant rester sur la piste, on ne peut s'approcher trop près ni du lac, ni des animaux. Mais on admire quand même de nombreux babouins, des zèbres, des gnous et des gazelles, quelques élégantes girafes et hippopotames massifs, et d'innombrables oiseaux bigarrés, quatre cent cinquante espèces étant répertoriées. En fin de journée, une famille d'éléphants curieux vient tout près ; je me demande alors qui regarde qui.

Après une bonne nuit sous nos tentes, l'équipe internationale et moi-même nous dirigeons vers le mythique cratère du Ngorongoro, réputé pour être l'un des plus beaux sites naturels du monde, et raison de ma présence dans les parages. Ancien volcan qui s'est effondré sur lui-même, c'est une vaste caldeira de vingt-cinq kilomètres de diamètre dont les parois plutôt raides s'élèvent à environ cinq cent mètres au-dessus du fond. Au sommet de la crête, le panorama est éblouissant : les pentes sont plantées d'une forêt luxuriante qui se prolonge un peu dans la plaine. Le reste du cratère, quasi-plat, est une grande savane d'herbes jaunies parsemée de quelques arbres. Au milieu, un petit lac bleu clair est cercle de blanc. On distingue à peine des milliers de minuscules points noirs qui sont autant de bêtes sauvages. J'ai sous les yeux le jardin d'Eden, et j'ai besoin de longues minutes pour réaliser le privilège de me trouver là. Une fois en bas, nous roulons toute la journée dans ce lieu féerique, qui n'a pas changé depuis des temps immémoriaux. Il y a ici des oiseaux de toutes sortes, dont des grues, des autruches, et une ribambelle de flamands roses qui contrastent avec le bleu du lac. Ébahis, nous observons des milliers de zèbres, gnous, gazelles et buffles, ainsi que des hyènes, des hippopotames, et j'en passe. Après le pique-nique, le long d'un ruisseau, nous avons tout le temps d'admirer un groupe de lionnes sortant de leur cachette alors que la chaleur baisse. Pas dérangées le moins du monde par notre présence, ces dames se laissent approcher au plus près. Puis le chauffeur se met soudain à foncer : nous arrivons à temps pour voir un imposant rhinocéros noir, une rareté, qui s'éloigne doucement dans la brousse. plus tard aussi, nous distinguons une femelle léopard qui fait la sieste dans les fourrés. Lorsqu'elle s'en va, nous constatons qu'elle est prête à accoucher. D'ordinaire si agile, elle se déplace aujourd'hui péniblement. En partant, jusqu'à la dernière seconde dans la caldeira, je ne perds pas une miette de ce spectacle fabuleux.





Arrivé à Moshi, où il fait une chaleur écrasante, je prends mes quartiers dans le dortoir d'une auberge de jeunesse exclusivement fréquentée par des visiteurs étrangers. J'espère y dénicher une bonne affaire pour l'ascension du Kilimandjaro, dont les prix démarrent autour de mille dollars. La somme est exorbitante pour mon maigre budget, mais je tiens à l'accomplir ; pour la performance d'abord, pour le prestige aussi, mais surtout pour le symbole. En effet, après avoir arpenté le continent dans tous les sens pendant plus d'un an et sachant que je le quitte bientôt, j'estime que conquérir le plus haut sommet d'Afrique représente une belle conclusion à l'aventure. Dans la rue, je commence donc la partie de pêche dont je suis moi-même le poisson, les rabatteurs me tombant dessus comme des mouettes affamées. A ce petit jeu, je suis à deux doigts de partir avec seulement un guide, quand la plupart des visiteurs montent avec une équipe complète. Après plusieurs tentatives, je finis par mordre à l'hameçon du patron d'une agence, qui me joint à l'expédition d'une américaine. Nous serons accompagnés de deux guides, deux porteurs et un cuisinier. Durant les négociations, je précise que je porterai moi-même mes affaires et qu'il doit inclure les pourboires dans son tarif : sept-cents dollars pour cinq jours, tout compris, imbattable.

A l'entrée du parc, à 1800 mètres d'altitude, alors que nous attendons la fin des formalités au pied d'eucalyptus géants, je regarde, mi-amusé mi-inquiet, la légion de randonneurs de toutes nationalités, vêtus des pieds à la tête d'équipements dernier cri. Moi, je monte habillé comme d'habitude ; pantalon de toile, t-shirt et baskets, plus le minimum vital dans mon petit sac à dos. Ma coéquipière américaine, Jessica, la quarantaine, est aussi petite que large. Je lui trouve bien du courage de se lancer un défi pareil.
Enfin, Paul, le guide en chef, nous demande de partir devant avec son second. Lourdement chargé, il avance très lentement, ce qui convient bien à ma partenaire. Quant à moi, pas vraiment pressé mais excité comme un gosse, je pars devant, seul. Le bas de la montagne est couvert d'une épaisse forêt, ni plus ni moins qu'une jungle, composée de grands arbres biscornus, de buissons inextricables, de larges fougères et de mousse ; magnifique. La pente est faible, la piste parfaitement entretenue, et je gambade ainsi jusqu'au camp Mandara, 2700 mètres, que j'atteins après deux heures alors que la moyenne est de trois. Trop peu pour moi, je double la durée en explorant les environs, enchanteurs. Puis on nous installe dans de petits chalets rustiques, avant la nuit, nous dinons un bon repas dans une grande salle à manger peuplée des grimpeurs du jour, et tout le monde se couche tôt.


Le lendemain, le trajet s'effectuant en cinq heures jusqu'au camp Horombo, mille mètres plus haut, nous partons en milieu de matinée avec un pique-nique sur le dos. Je pars avec Alfred, mon guide, qui ne parle pas anglais. Peu m'importe, puisque lesté de son fardeau, il est bien trop lent ; je le distance vite. En montagne, la nature change brusquement selon l'altitude, et je me promène d'abord au milieu de conifères, arbres ou arbustes, flanqués de cette étrange mousse pastel qui pend aux branches ; au sol, de grosses touffes d'herbe dorée ondulent dans le vent. Plus haut, la vue se dégage, sur la plaine à gauche, sur des collines à droite, et au fond, sur le gigantesque mont Kibo et ses glaciers légendaires. Par ici, la steppe est dans les nuages, il n'y a plus que des buissons fleuris, des herbes hautes, et une étonnante plante grasse, en nombre. Un gros tronc courbé de plusieurs mètres supporte une touffe unique de larges feuilles en forme de fleur de lotus. Pourtant parti dans les derniers, je double et salue poliment les randonneurs les uns après les autres, avec une facilité déconcertante. J'arrive avec deux heures d'avance sur l'horaire, le fumeur asthmatique vous salue bien. Pourtant, même si les coréens m'appellent l'express et si les suisses me congratulent, je me garde bien de faire le malin. Je sais que le danger principal n'est pas l'effort à fournir, mais le mal des montagnes, qui peut frapper n'importe qui. Sur le chemin, je croise d'ailleurs cinq ou six porteurs qui dévalent le chemin à vive allure ; dans un brancard équipé de deux grosses roues, ils transportent un touriste inconscient, blanc comme la glace du Kibo.

Le matin du troisième jour, levé tôt, j'observe la bonne centaine de montagnards plier bagage. Nous grimpons aujourd'hui jusqu'au dernier camp, à 4700 mètres d'altitude. Comme je ne suis jamais allé aussi haut, je démarre aux côtés de Freddy, lentement, selon les recommandations. Dans la première montée, abrupte et rocailleuse, nous dépassons aisément la plupart des randonneurs. La végétation se résume alors à quelques buissons chétifs et des herbes éparpillées parmi de gros rochers bruns. Sur un long faux plat où nous doublons déjà les premiers, je m'applique à respirer profondément, je contrôle mon pouls. Comme tout va très bien, j'accélère encore la cadence et finis par distancer mon guide dans un désert de pierres et de poussière. Quand j'aperçois le camp, histoire de pousser la machine, j'essaie de finir au trot. Mon footing à 4500 mètres au-dessus de la mer ne dure que cinq minutes, les limites sont atteintes. Je plie quand même la marche du jour en un peu plus de deux heures quand la norme est de cinq. Évidemment, si haut, il fait froid, et je me rechauffe sous le soleil en escaladant un gros rocher. Tout autour, la mer de nuages emplit l'horizon ; devant moi, l'inquiétant mont Mawenzi aux arêtes extrêmement acérées ; derrière, le monumental mont Kibo au sommet arrondi, d'où coulent imperceptiblement les derniers glaciers, en phase de retrait accéléré. L'ascension est prévue cette nuit, mais dans la soirée, victimes de nausées, nombreux sont ceux qui préfèrent jeter l'éponge.

Ainsi, Freddy me réveille à deux heures du matin dans un camp presque désert, les autres étant partis depuis minuit. Emmitouflé dans tous mes vêtements, le pantalon de ski loué en bas, mon fidèle blouson de snowboard, des gants chauds que l'on m'a prêtés, mon bonnet éthiopien et mes trois paires de chaussettes dans mes pauvres baskets, je suis fin prêt. Dehors, la température est glaciale, peut-être moins dix degrés, et à la lueur de la pleine lune, je vise l'énorme masse sombre du Kibo et la glace blanche 1700 mètres au-dessus de ma tête, ma cible. La piste, en lacets, monte à travers un large passage de poussière noire et de graviers ; la pente est raide, très raide. Cette fois, pas question de foncer, je reste dans les pas lents et assurés de Freddy qui m'ouvre la voie. Au début, je croise autant de gens qui redescendent en titubant que j'en dépasse. À mi-chemin, je rattrape Jessica qui se repose avec Paul ; le froid s'accentue encore, on m'annonce moins vingt, j'ai les pieds congelés. Et l'oxygène se raréfiant de plus en plus, j'évolue dans un état second, comme sous l'emprise d'une drogue mystérieuse. Plus le temps passe, plus j'ai besoin de m'arrêter souvent, à chaque virage sur la fin. Je n'ai plus aucune notion du temps quand je vois le bout du tunnel, le haut de la pente en l'occurrence. Dans mon dos, à l'Est, la nuit étoilée s'éclaire progressivement. Sur les bords du cratère, c'est un autre monde : le fond est tapissé de glace, et plusieurs glaciers immenses sont disséminés ici ou là, tandis que le ciel se pare de couleurs hallucinantes. Mes jambes avancent désormais en automatique, chaque pas est un nouveau défi, je cherche mon souffle. Le long de la crête, nous escaladons des rochers ou enjambons des vaguelettes de glace pointues, vers l'ultime point haut du cratère, le pic Uhuru, "liberté" en swahili, comme par hasard.


Enfin, je viens à bout de 5892 mètres du Kili comme j'ai conquis l'Afrique entière, entre efforts démesurés et béatitude. J'entends à peine les félicitations de mon guide et je m'éloigne des autres vainqueurs, vacillant, tournant sur moi-même, en extase devant ce décor extraterrestre. Assi face au soleil rouge, juste devant un glacier de trente mètres de haut, je contemple ce dernier, comme un iceberg dans un océan de cendres, qui s'illumine de teintes tantôt bleutées, tantôt rosées. Alors que je mesure l'impensable chemin qui m'amène jusqu'ici, depuis la Sologne de mon enfance, je me retiens difficilement d'éclater en sanglots. Sur le retour, je croise ma partenaire, concentrée ; elle y est presque. Dans la descente, trop fatigué pour retenir mes pas lourds, je préfère courir à grandes enjambées dans la cendre, comme on le ferait dans la neige fraîche.




Avec soixante degrés d'amplitude en deux jours, je prends un repos bien mérité à Moshi, avant de rejoindre la côte et Dar es Salam, dernière métropole africaine de mon périple. Il y fait trente-cinq degrés à l'ombre, les rues sont agitées et bruyantes, mais peu m'importe, j'en ai fini avec la route pour des semaines ; très bientôt, je compte bien naviguer d'îles en îles sur l'océan Indien.

la gazelle et le lion

NB : chers lecteurs,
A la suite d'une première faute d'une grande naïveté, laisser mon appareil-photo sans surveillance pendant cinq minutes, et d'une autre due à un stupide excès de confiance, n'avoir pas copié la carte mémoire depuis des mois, j'ai perdu l'engin et surtout de très nombreuses photos. Celles présentées ici ne sont que des pâles illustrations des endroits où je me suis rendu. Les insultes sont les bienvenues.



Puisque je sors d'un programme chargé en Ethiopie et que celui que je me réserve en Tanzanie est au moins aussi excitant, je décide de ne pas m'attarder au Kenya, en proie à des troubles de diverses natures. Ainsi, je traverse rapidement le pays du Nord au Sud-Ouest en effectuant des trajets raisonnables et de courtes haltes. Néanmoins, je prolonge mon séjour à Nairobi, capitale frénétique, du fait de la rencontre d'une jeune femme d'une incroyable gentillesse. Aussi, avant de franchir la frontière, je ne peux pas manquer de partir à la découverte de la vie sauvage lors d'un éblouissant safari.



On peut simplifier la géographie du Kenya, 580 000 km2, par deux lignes perpendiculaires. La première, l'équateur, est virtuelle : au Nord, le climat est généralement désertique, tandis que le Sud est doté de pluies abondantes, dues à l'influence de l'Océan Indien, qui borde le pays sur plus de cinq cents kilomètres. La seconde ligne, on ne peut plus concrète celle-là, puisqu'il s'agit du grand rift, imprime un fort relief du Nord au Sud. Deux grands lacs occupent ses failles, le Turkana et ses deux cent cinquante kilomètres de long, et surtout le gigantesque lac Victoria, partagé avec l'Ouganda et la Tanzanie, océan d'eau douce plus vaste que l'Irlande. Au centre le Mont Kenya, ancien volcan, irrigue les hauts plateaux forcement plus tempérés.

Comme souvent sur le continent, et même si la région est considérée comme le berceau de l'humanité, l'histoire connue du Kenya débute par sa colonisation. Ce sont d'abord les Arabes et les Perses qui investissent la côte dès le VIIIe siècle. Bien plus tard, a la fin du XVIIe siècle, les troupes du sultanat d'Oman chassent les Portugais arrivés presque deux cents ans plus tôt. Puis les Allemands sont les premiers étrangers à s'imposer à l'intérieur des terres avant de céder leur protectorat aux Britanniques fin XIXe. Confrontés à une rébellion de plus en plus virulente, ils accordent l'indépendance au Kenya en décembre 1963. L'emblématique Jomo Kenyatta reste président pendant quatorze ans, suivi à sa mort par son vice-président, Daniel Arap Moi, qui s'accroche sans scrupule au pouvoir jusqu'en 2002. Pendant ce temps, la nation devient un modèle de développement et de stabilité pour ses voisins, tandis que la culture anglo-saxonne s'impose.

L'actuel président Mwai Kibaki remporte largement le premier scrutin plus ou moins démocratique. Mais sa réélection d'un cheveu, très controversée, en 2007, enflamme le pays pendant des mois, faisant plus d'un millier de victimes, jusqu'au partage du pouvoir entre les deux prétendants. En sachant que la transition s'achève dans quelques mois après des présidentielles sous hautes tensions ; en ajoutant les opérations militaires en Somalie et les représailles d'Al-Shabaab sous la forme d'attentats à la grenade ; et en oubliant pas les conflits inter-ethniques dans les régions septentrionales, on comprend que la patrie est aujourd'hui dans l'expectative.

En outre, malgré d'énormes disparités, la structure économique ressemble à celle d'un pays développé. L'agriculture n'emploie qu'un cinquième de la population active, et l'autosuffisance alimentaire est assurée depuis longtemps. Les ressources minérales sont quasi-inexistantes et la production énergétique se borne à l'hydroélectricité. Le secteur industriel reste faible, alors que les services utilisent les deux tiers de la main-d'oeuvre, pour une part équivalente du PIB.

Très largement chrétiens, protestants ou catholiques, les quarante millions de kényans se repartissent en quarante ethnies, dont certaines conservent encore leur identité. Mais les différences culturelles s'observent surtout entre les citadins et les ruraux. Dans les campagnes, on vit encore dans de petites huttes en terre, sans eau ni électricité, on porte l'habit traditionnel, on travaille la terre ou on élève du bétail. A la ville, on habite plutôt de grands ensembles de béton, on s'habille en costume ou tailleur saillant, on prend le bus pour aller au bureau. Quant au système éducatif, il semble efficace et la majorité des gens est trilingue : ils parlent indifféremment l'anglais et le swahili, la langue véhiculaire d'Afrique de l'Est, mais les plus jeunes maitrisent de moins en moins le dialecte du village.



Quand je rentre au Kenya, j'ai l'espoir de voyager sur de bonnes routes et dans des véhicules confortables. Erreur : pendant sept heures, j'effectue mon premier trajet sur une piste défoncée et sur le toit d'un camion, accroché aux barres d'acier au-dessus d'une vingtaine de vaches, dans la poussière et sous un soleil brûlant. Du haut de mon perchoir, au milieu d'une savane dessèchée, je n'aperçois aucun signe des violences tribales que fuient pourtant des dizaines de milliers de personnes. Délaissé par le gouvernement, le Nord a des airs de western. Ainsi, je ne fais que passer dans de gros villages désordonnés où les bâtiments, tantôt des commerces peints aux couleurs de marques de soda, tantôt des habitations sommaires au toit plat et couvert d'herbes jaunies, sont disséminés au hasard sur la terre ocre. Je fais certainement un piètre cowboy, mais les indiens du coin sont particulièrement impressionnants. Aux habitants habillés de manière ordinaire, se mêlent d'autres indigènes : longilignes, la peau très foncée, ils portent un espèce de pagne coloré en guise de culotte, parfois un autre sur les épaules. Torse nu, ils arborent des bracelets en métal ou plastique aux chevilles, aux poignets et aux bras. Autour du cou, ils portent une large parure de minuscules perles et sur la tête, ils ont la tignasse teintée avec de la terre ou surmontée d'une plume. En plus d'une lame à la ceinture, ils tiennent une longue lance en fer. Dans une boutique où j'achète à boire, je me place entre deux d'entre eux ; la scène paraît surnaturelle.

A Marsabit, où un mystérieux microclimat provoque chaque matin l'apparition d'un épais brouillard, je fais équipe avec un anglais et un austro-pakistanais pour sillonner les vertes collines environnantes. A Isiolo, où la savane est encore clairsemée, je traverse seul des champs de céréales, discutant avec les paysans, puis une rivière où se baignent des gamins, avant de gravir une petite montagne rocheuse en me faufilant avec moult precautions à travers divers épineux. De là-haut, alors que la lumière baisse, je contemple au loin le mont Kenya et ses 5200 mètres. Mais je résiste à l'appel de son sommet blanc ; en effet, j'ai la ferme intention de grimper plus haut encore dans peu de temps.



Enfin correctement installé dans un bon car roulant sur une belle autoroute, j'atteins les interminables banlieues de Nairobi, capitale peuplée par peut-être quatre millions d'habitants, et réputée pour être l'une des cités les plus animées de toute l'Afrique. Tout autour, des centaines de grands bâtiments se dressent : les parpaings restent apparents, mais les squelettes de béton armé sont peints de couleurs vives, des tuiles recouvrent les toits. Plus loin, nous longeons de misérables bidonvilles de terre et de tôle rouillée, puis nous stoppons au beau milieu d'un carrefour d'un faubourg très gris et très sale, où s'active une foule dense. Je parviens à dénicher un bus urbain qui me dépose dans l'excitant centre-ville : une forêt de gratte-ciels, neufs ou bien entretenus, des publicités géantes, des rues et des trottoirs propres et bien organisés, des feux aux carrefours, des espaces verts soignés, et une masse de gens disciplinés, habillés à la dernière mode occidentale, costume de ville ou streetwear ; un petit New York à la sauce swahilie. Dans un parc où je retrouve mes esprits, je donne rendez-vous à Lynette, à qui j'ai demandé l'hospitalité sur internet. Ma nouvelle hôte, vingt-deux ans, s'avère être une fille pétillante, danseuse professionnelle de surcroit. Grâce à son métier, elle a pu voyager plusieurs fois en Europe, mais en ce moment, elle gagne sa vie dans un cabaret des quartiers chics en se produisant trois nuits par semaine. Le soir-même, c'est avec son frère Arnold que j'arpente le centre. D'un bon restaurant a une démonstration de breakdance, je découvre une métropole africaine trépidante au parfum anglo-saxon. Les rues animées sont parfaitement éclairées et sécurisées ; les bars et les clubs rivalisent d'élegance. La nuit, c'est une autre ville lumière. plus tard, nous rejoignons Lynette à l'endroit de son spectacle. Dans une grande salle, les fêtards mangent, boivent et dansent devant la scène ou se démènent musiciens et danseuses. La musique oscille entre rumba congolaise et sonorités arabisantes de la côte. Et les filles démontrent qu'elles ont autant le sens du rythme qu'a l'Ouest du continent.

Lynette vit avec un frère et deux soeurs parmi les huit de sa fratrie, mais par manque de place, elle me loge chez une amie de la famille, Anne, la cinquantaine, qui habite avec son fils Kamau dans un lointain faubourg résidentiel. Mais mon amie, soucieuse de mon bien-être, pousse l'hospitalité jusqu'à s'installer dans la maison pendant mon séjour. Même si celle-ci est un peu bruyante puisque des ouvriers lui ajoutent quatre étages, elle n'en est pas moins très confortable. Bénéficiant de ma propre chambre, j'y retrouve surtout la chaleur d'un foyer. Anne, que j'appelle Mum, fait les gros yeux quand je rentre à la nuit tombée, avant d'éclater de rire. Elle me prépare de bons petits plats, je l'accompagne de temps en temps au marché. Kamau, souvent absent, m'emmène parfois boire une bière dans les bars des environs ou bien il regarde avec moi des matchs de foot sur la télé du salon. Et Lynette, extrêmement serviable, attend chaque matin que je me réveille pour nous servir le petit-déjeuner et me gratifier de sa bonne humeur. Elle lave mon linge, fait mon lit et la cuisine ; elle modifie aussi son emploi du temps afin de se rendre disponible, le tout avec un sourire désarmant. Dans ces conditions et sous l'insistance de tous, je prolonge, pour quelques jours encore, mon escale en ville. Avec ma charmante camarade, nous allons visiter le très beau musée national ou un centre culturel au milieu des bois, ou encore assister à divers spectacles de danse traditionnelle. Outre sa finesse d'esprit et son étonnante maturité, elle maitrise fort bien les cultures de son pays et fait donc un excellent guide. Surtout, sa compagnie me permet de goûter la vie quotidienne locale : faire les courses, se faufiler dans la foule, flâner dans les parcs ou les centres commerciaux, diner dans les cafétérias bondées ou s'amuser dans les boîtes de nuit surchauffées, le tout ponctué de franches rigolades. Aussi, nous passons de longues heures dans les embouteillages monstres, à bord des matatus. N'hésitant pas à sauter les trottoirs si nécessaire, ces minibus auraient tous de bonnes chances dans un concours de tuning. Ils exhibent des peintures excentriques et de larges inscriptions, et ils sont tous équipes d'une sono a faire pâlir une discothèque. Une nuit, un client se dispute avec le coaxer ; a cette heure-ci, il ne rend pas la monnaie. Sous la lumière rouge des néons, malgré le peu de place dont ils disposent, ils en viennent à se bagarrer. Pourtant à moins d'un mètre, je n'entends rien de leurs cris, couverts par du hip-hop si puissant que le véhicule entier tremble en rythme.

Après quelques jours et malgré les recommandations, je ne peux pas m'empêcher d'aller voir l'envers du décor de cette fascinante métropole du XXIe siècle. Je préfère me rendre seul à Kibera, un million d'habitants à la louche, réputé le plus grand bidonville d'Afrique. Désormais expérimenté, je sais que je ne crains pas grand-chose au milieu des gens, en plein jour, avec trois fois rien dans les poches. Et je sais aussi qu'ils sont comme vous et moi pour la plupart, simplement moins chanceux de naissance. C'est donc confiant que je me fais déposer en matatu à un carrefour bondé, d'où je descends dans le bas-fond. Pendant trois ou quatre kilomètres, je marche à travers le quartier d'Ouest en Est. J'arpente ainsi de larges chemins ou d'étroites ruelles en pente, tapissés de pierres, de terre et de tant de déchets que le sol est meuble. Les habitations et les boutiques entassées les unes sur les autres sont misérables, bricolées avec des morceaux de bois, de la tôle autant rouillée que cabossée, de la terre mêlée de détritus. J'enjambe parfois des ruisseaux d'un noir opaque, et devant une école pitoyable, des enfants en uniforme jouant dans la crasse viennent me serrer la main. Mais ma présence furtive n'engendre, au pire, que l'indifférence, ou au mieux, la sympathie des résidents. Je ne crois pas qu'on puisse utiliser une échelle de la misère, mais cet endroit est particulièrement vaste et désolant.

Même une semaine passe vite, et après trois jours d'écriture à la maison, où je me sens comme chez moi, et une dernière soirée à applaudir les talents de ma gazelle, il me faut rechausser mes baskets et reprendre mon chemin.



Ma prochaine destination n'est rien de moins que la mythique réserve du Masaï Mara. Bien installé, j'accomplis les premières heures de route sur un bon réseau mais sur le dernier tronçon, l'antique car d'écoliers effectue un vrai rallye sur une piste dans un état déplorable. Allongé de multiples arrêts dans la campagne, le trajet de quarante kilomètres dure cinq heures. Toujours à l'affût du meilleur prix, je prends mes quartiers dans un campement de jolis bungalows, mais côté camping, dans ma tente miniature. Le restaurant gastronomique me met l'eau à la bouche, mais les tarifs m'envoient tout droit à l'humble cafétéria du village avaler le plat unique : haricots, pommes de terre, épinards et salade, accompagné de thé noir et de chapati, le pain local, le tout pour soixante-dix centimes d'euros. Même ici, à Talek, bourgade de quelques centaines d'âmes, les Masaïs changent. Fameux pour leurs traditions séculaires préservées, éleveurs semi-nomades se nourrissant surtout de lait et de sang, j'en croise encore beaucoup gardant leur troupeau, portant fièrement une tunique vermillon et drapés dans une grande étoffe à carreaux aux teintes éclatantes, rouge, orange ou violet, du plus bel effet, portant des bijoux métalliques à tous les membres. Mais un certain nombre sont désormais sédentaires, devenus agriculteurs, voire mécaniciens ou instituteurs, et leurs vêtements banals ne permettent pas de les différencier des autres. J'en viens à m'interroger sur ce qui qualifie un vrai Masaï, quand ceux qui trainent leurs sandales dans les villes sont parfois raillés par les citadins.


Puis dès l'aube, appareil au poing, j'embarque avec une canadienne, un allemand et un chauffeur masaï, couteau a la ceinture et portable à l'oreille, dans un pick-up adapté au safari. Le jour se lève sur le paysage, superbe. A cette époque, les grandes pluies sont terminées et les cours d'eau qui irriguent les environs se réduisent. il y a bien quelques bosquets d'arbres et des buissons éparpillés ici ou là, mais l'essentiel est composé d'immenses plaines légèrement vallonnées, parfois ponctuées d'un grand arbre isolé. Le vent creuse des vagues dans les hautes herbes, partant d'un vert tendre à un jaune doré vers la pointe. Et la ballade commence bien : une douzaine de lions apparaissent en même temps que le soleil. Le groupe, qui passe à moins de dix pas sans daigner nous regarder, précède à bonne distance le gros mâle et sa longue crinière, le roi, qui balance lentement ces épaules, avec légèreté et puissance. Tout autour, même à l'autre bout de la prairie, chacun de ses sujets, petit-déjeuner potentiel, s'immobilise. Les impalas, les topis, les troupeaux de gazelles de Grant ou de Thomson, les bubales et le gnous, tous fixent le lion sans bouger une corne, jusqu'à ce qu'il disparaissent à l'horizon. Plus discrets, les chacals et les hyènes rodent en quête d'une proie facile. À proximité, les grues couronnées et les vautours feintent de ne pas les voir, prêts à s'envoler à la moindre alerte, tandis que sur les branches, d'innocents oiseaux multicolores piaillent à tue-tete. Sur le retour, nous nous approchons d'une élégante girafe, un vieux mâle, qui mâchouille les meilleures tiges d'un haut acacia.

Alors que la chaleur monte, vient le temps, pour la ménagerie comme pour les chasseurs d'images, de se rafraichir et de se reposer. En fin d'après-midi, nous repartons explorer une autre partie du parc, délimité par un escarpement. Debout sur mon siège, le nez au vent, je constate que la rumeur n'avait pas menti ; il y a des animaux partout, par centaines. Des phacochères s'enfuient la queue en l'air quand la voiture passe un peu trop prêt ; un zèbre solitaire, mal en point, vit peut-être ses dernières heures. Plus loin, nous avons raté le leopard de peu : dans un arbre, une gazelle pend la tete en bas, en attendant d'être dévorée pour le diner. Un aigle garde la carcasse, mais perdant patience, il a déjà commencé le repas. Au fond de la réserve, nous stoppons devant le fleuve Mara ; le guide nous autorise enfin à descendre. Je m'avance avec assurance, mais soudain, je ne fais plus le malin : à dix mètres à peine, une bonne douzaine de crocodiles énormes se rechauffent la gueule grande ouverte. Et de l'autre côté, ce sont une vingtaine d'hippopotames encore plus gros qui barbotent. Les uns et les autres se craignent et restent sagement dans leur coin. Puis le soleil, désormais rouge, descend encore, et dans une lumière irréelle, une famille nombreuse d'éléphants nous frôle tout doucement ; je peux presque les toucher. Pendant que nous fonçons vers le camp, je me dis, comme chaque jour, que j'ai une chance extraordinaire. Soit, la journée m'a couté cher, mais la magie n'a pas de prix.



Enfin, je me dirige vers la frontière, à l'extrême Sud-Ouest. En me rapprochant du lac Victoria, la nature change encore, et par conséquent, le mode de vie des gens aussi. C'est déjà presque un autre pays. Un peu plus tard et déjà très loin, j'écris à ma gazelle de Nairobi que j'avais un peu plus que de l'admiration pour elle ; elle m'avoue qu'elle aussi aurait voulu venir un plus près, parfois, sans oser. Je réponds qu'en effet, c'est bien dommage, mais on ne réécrit pas l'histoire. Et d'ailleurs, la nôtre est très belle ainsi.