béatitude en milieu hostile



Dimanche 24 août 2014 – 1408e jour






Il y a bien longtemps que je rêvai d’arpenter l’Altiplano, gigantesque plateau à mi-chemin du ciel et de la terre et brûlé par le soleil du Capricorne. Alors que je m’apprête à le sillonner pendant des semaines, j’ouvre avec gourmandise un nouveau chapitre, le coeur des cultures andines millénaires.






J’en ai franchi des frontières, des dizaines et des dizaines, souvent rocambolesques, mais des comme ça, jamais. Depuis le désert d’Atacama, au Nord Chili, et pour rejoindre le Sud de la Bolivie, mon jeune camarade basque et moi-même avons choisi d’investir dans une expédition de trois jours en 4x4 pour traverser le Sud Lipez, une région volcanique ou il ne pleut jamais, située entre 4 et 5000 m d’altitude. Nous avons bien fait.

Au volant, nous avons Joy, aimable quechua de 50 ans et, privilège de l’âge, je prends la place du co-pilote. Derrière, Juan prends celle du clown, sans parvenir à dérider sa voisine, une française solitaire, alors qu’au fond se serrent trois petits gars hi-tech de Hong-Kong. A peine franchi le ridicule cabanon des douaniers, nous entrons sur une autre planète, où la nature a encore inventé des couleurs qui n’existent pas. Du matin au soir, sous un bleu intense et une lumière aveuglante, le puissant véhicule trace deux sillons dans d’infinies étendues de sables blonds ou bruns, d’où jaillissent d’augustes volcans teintés de rouge et d’orangé, de cuivre et d’argent. Régulièrement, nous nous arrêtons en des lieux plus surnaturels les uns que les autres, comme cette étincelante lagune blanche, car gelée, ou cette autre vert turquoise, couronnée d’une végétation d’une résistance extrême. Puis on file à travers le désert de Dali, aux dunes parsemées de gros rochers biscornus, effectivement surréaliste. Nous observons encore des sources chaudes ou de puissants geysers, jusqu'à atteindre un grand lac rouge cerné de roches noires, beau à pleurer.

Nous rejoignons alors la caravane de dizaines de voyageurs dans un refuge spartiate. Le froid et l’altitude font de sérieux dégâts et au petit matin, nombreux sont ceux à être encore assommés, mais moi je pette la forme. Ainsi, nous reprenons la route dans cette hallucinante symphonie de couleurs chaudes et je n’en perds pas une miette. Perplexes, nous nous arrêtons au milieu de quelques étrangetés rocheuses, devant une série de petits lacs peuplés de flamands roses, ou au pied de l’énorme cône fumant de l’Ollagüe. Puis nous prenons nos quartiers en bordure du fameux Salar d’Uyuni, plus grand lac sale du monde, dans une curieuse auberge construite en briques de sel.

Le lendemain, nous patrouillons encore longuement sur l’épaisse croute de sel de l’aveuglant Salar, dont le plat absolu est parfois percé par quelque mystérieux îlot planté de cactus géants. Ce glorieux pèlerinage s’achève dans une pauvre bourgade poussiéreuse, sans intérêt, alors Juan et moi sautons dans un bus qui part à l’instant. C’est d’ailleurs le dernier que nous prenons ensemble, puisqu’il fonce rejoindre son frère au Pérou. Ce grand gaillard fut non seulement un excellent camarade, mais aussi un très bon prof d’espagnol. Grace à lui j’ai clairement passé un cap, et j’arrive désormais à échanger dans les situations courantes.














Terre d’exception, l’Altiplano est aussi le berceau de nombreuses civilisations oubliées. Et aujourd’hui, leur héritage culturel continue d’évoluer à travers leurs descendants directs, sachant que des dix millions de boliviens, deux tiers sont indigènes. Après les derniers mois passés dans des nations largement occidentalisées, je suis très curieux de connaitre une nouvelle facette de l’Humanité. Je ne suis pas déçu, mon arrivée à Potosi est un choc, à tous les niveaux. Déjà, située à 4200 m, cette ville est la plus haute du monde ; dans la journée la casquette est obligatoire, et le soir le bonnet est indispensable. Si elle existe en un lieu si hostile, c’est pour une seule raison : le Cerro Rico. Les espagnols la fondèrent au pied de cette grosse montagne rouge qui recelait tant d’argent qu’elle fit presque à elle seule la fortune de l’Empire. En forçant les autochtones à se tuer à la tâche, il exploitèrent le plus gros filon de l’Histoire pendant deux siècles. On dit même qu’à l’époque, les splendeurs de Potosi égalaient celles de Londres.

Pourtant, la Bolivie demeure extrêmement pauvre et en voyant ces banlieues, un empilement de vilains immeubles de parpaings rouges, je m’aperçois vite que je suis de retour dans le Tiers-Monde. Dans le centre-ville aussi la misère est omniprésente, mais au-delà de ce triste constat, l’ensemble est fascinant. Autour de nombreuses églises s’alignent d’antiques demeures coloniales qui tombent en décrépitude, s’inclinant jusqu’à se toucher dans certaines ruelles, avec leur portes massives et leurs balcons de bois façon moucharabieh, qui menacent de s’effondrer sur les trottoirs. Les trottoirs justement débordent de vie, puisque devant de modestes boutiques il y a encore un tas de stands, jus de fruits frais, beignets ou cornets de glace, sans compter de petites grands-mères assises par terre qui proposent des pâtisseries ou des feuilles de coca. Même les petites places sont envahies de marchés ; on dirait que tout le monde a quelque chose à vendre. Bien sur la jeunesse est habillée à l’américaine mais c’est surtout l’habit de ces dames qui est hautement folklorique, avec leur jupe à froufrous et leur large chapeau qui laisse échapper deux longues couettes noires. Et la tenue n’est pas complète si elles ne portent pas un gros ballot ou un bébé sur le dos, emballé dans cet inimitable tissu aux rayures éclatantes.

En général, je suis plus à l’aise dans les modes de vie simples et je m’adapte à celui-ci en un clin d’oeil, surtout que les prix sont ridicules. Terminés les supermarchés, finis les dortoirs : pour 1 ou 2 euros, de souriantes cantinières me servent des repas complets, à base de riz et de patates, et pour moins de 3, je dors dans des chambres rustiques soit, mais pour moi seul. Aussi, allégé de mon ordinateur encombrant, j’ai plus de temps à consacrer au voyage : pour écrire et pour étudier, encore et toujours, et surtout pour quadriller soigneusement cet endroit si pittoresque ou j’apprends tellement.

Le patrimoine architectural est très ancien et même s’il est souvent dans un état de délabrement avancé, il recèle bien des trésors. Comme ces superbes églises baroques, réalisées par les autochtones eux-mêmes, aux façades de pierres richement sculptées, aux intérieurs exubérants et autels couverts d’or. A l’heure de la messe les gens s’y pressent avec ferveur, même s’ils n’ont jamais oublié les croyances de leurs ancêtres.

J’y fais aussi deux visites lourdes de sens. L’immense Palais de la Monnaie d’abord, qui est une véritable usine du Moyen-Age, avec ses vieilles presses en bois actionnées jadis par des esclaves ou des chevaux. Ce sont des quantités astronomiques de lingots qui sortirent d’ici pour traverser les océans. En contrepartie, je me joins à un groupe organisé pour voir les mines de mes propres yeux, sachant que 6000 mineurs rongent encore le Cerro Rico de l’intérieur. Cette montagne est un vrai gruyère et il vaut mieux que le guide connaisse son chemin pour nous emmener dans d’interminables galeries à l’atmosphère fétide, à la lumière faiblarde des loupiotes. Les conditions dans lesquelles travaillent ces pauvres types, à la main et à la dynamite, sans jamais voir la lumière du jour, sont abominables. Pire, ils savent très bien qu’ils mourront prématurément de silicose.















Pourtant, le plaisir de la découverte est total et déjà, j’adore ce pays. Plus au Nord, je m’intéresse à une autre ville, moyenne en taille mais importante dans l’histoire de la nation : depuis que Bolivar y a signé la déclaration d’indépendance, elle est restée capitale officielle. Apres Potosi l’ouvrière, Sucre la bourgeoise ; ses faubourgs ne sont guère plus reluisants, mais son centre historique a gardé beaucoup d’élégance.

Bâtie un peu plus bas, elle est dotée d’un climat plus clément, et comme je n’avais pas vu d’arbre depuis longtemps, je flâne d’abord dans un très joli parc. Puis je circule au milieu de magnifiques palais et de belles demeures à patio, parfaitement entretenus et tous d’une blancheur éclatante. Voilà un superbe écrin pour ses habitants métis, sobrement vêtus à l’occidentale, qui déambulent devant des vitrines contemporaines ; on croise tout de même quelques indigènes pur souche venus des quartiers pauvres pour s’occuper du commerce de rue. Quant à l’immanquable Plaza de Armas, c’est un véritable bijou d’architecture baroque. Des jardins ombragés par de hauts palmiers sont encadrés d’augustes bâtiments classiques, tous blancs eux-aussi, comme l’est l’impressionnante cathédrale et ces grands clochers.

Là encore, je me régale de ses églises et musées même si, d’ordinaire paisible, la cité est en effervescence à l’approche de la fête nationale. A Potosi déjà, j’avais assisté à plusieurs défilés, mais dans la capitale, le phénomène prend de l’ampleur. Ils sont mignons tous ces enfants qui paradent en costume et en musique, mais l’exercice est impose à tous les écoliers jusqu’aux étudiants, et tout ce monde complique drôlement mes allers et venues. Amusé tout de même, je reviens dans la soirée sur la place illuminée. Apres les fonctionnaires, c’est le tour des policiers suivis par les militaires, dont les fanfares s’adonnent un concours de décibels.












Puisque c’est ainsi, j’achète des vivres et je m’échappe de cette agitation pour aller à la rencontre des Jalq’a, une communauté rurale enclavée dans les montagnes alentour. Et comme j’y pars en autonomie, en jonglant avec des transports aléatoires, mon expérience de baroudeur m’est bien utile ; tout comme mes jambes.

Je commence par voyager debout dans un car plein à craquer, roulant sur une mauvaise piste qui grimpe sec avant de basculer dans une pente vertigineuse. C’est à ce point spectaculaire que je rate mon arrêt pour débarquer à Potolo, le moins petit des villages des environs. Les Jalq’a sont réputés pour tisser de très belles étoffes, que j’admire dans un modeste musée, même si je ne comprends rien à ce que me raconte la dame en quechua. Par contre, j’accepte volontiers un bol de soupe de maïs. Dehors, autour de fermes simplistes en adobe peuplées de tous les animaux de la basse-cour, les paysans s’affairent dans les champs. Là, un homme s’échine à bécher dans la caillasse ; ici, une vieille impassible prend racine devant sa cabane. Comme ces gens sont plutôt  timides et qu’en plus ils ne parlent pas plus espagnol que moi, je file vers le village suivant dans un antique minibus. Je pensais devoir camper mais à Chaunaca, on m’installe poliment dans un gite douillet accroché à la pente. Bien sûr, je grimpe sur un sommet pour mesurer l’ampleur du panorama ; ou je descends jusqu’au ruisseau pour examiner la végétation ; puis je conclue en pique-niquant à la fraiche, à la lueur de milliards d’étoiles.

Il n’y a pas de route ou je vais ensuite, alors il faut marcher. Je m’y emploie toute la matinée sur un chemin somptueux, en remontant une profonde vallée barrée par une chaine impressionnante de montagnes verticales. Tout au bout, je me hisse jusqu’au clou du spectacle, l’hypnotique cratère de Maragua. Si cet endroit est si spécial, c’est qu’il fut creusé par une météorite, qui s’écrasa sur le massif avec une force colossale. Au centre, une zone chaotique teintée de rouge, de violet, de noir, est complètement encerclée d’étonnants plateaux arrondis qui se relèvent doucement vers l’extérieur, comme autant de pétales qui dessineraient une fleur de 10 km de diamètre. Et il y a bien une poignée de gens qui vit ici, de la même manière depuis toujours.

Je jette mon sac dans un gite et fonce explorer cet incroyable amphithéâtre naturel, en adoptant la technique de la spirale. Je traverse des champs très secs en cette saison, puis des canyons ocre aux courbes douces ou d’autres de roche grise aux angles droits. J’observe aussi quelques hameaux très isoles, construits en terre crue et en pierre, et je salue le tout dernier paysan, qui soigne des pousses d’eucalyptus protégées par des cylindres de cailloux, tandis que madame va chercher de l’eau dans une citerne. Et pour être monté au sommet du pétale le plus haut, je suis récompensé par une vue époustouflante. Derrière, de hautes montagnes rayées de cultures en terrasse se succèdent à l’infini, et devant le cratère s’ouvre sur la cordillère. De là, on distingue Sucre entre deux pics, à la fois si proche et si lointaine.

Enfin, en repartant dans une remorque remplie de femmes et d’enfants, le chauffeur stoppe tout en haut du col. J’ai la chance qu’une fête champêtre se déroule a cote de la chapelle, et il y a foule. Sur la scène se relayent des musiciens en costumes traditionnels, tandis qu’autour des stands proposent des plats typiques de chaque communauté.

















Apres cette parenthèse emplie d’air pur, je suis prêt pour m’enfermer une nuit entière dans un très bon bus, et me mêler à la cohue de la Paz. Là encore, le site choisi pour édifier cette métropole vibrante de 2 millions et demi d’habitants est des plus singuliers. De misérables banlieues tentaculaires s’étendent toujours plus sur les steppes désolées de l’Altiplano, à 4000 m de haut. Puis des falaises dégringolent jusqu’au centre, niché dans un immense canyon. A l’horizon, les arêtes enneigées de l’Illimani culminent à 6400 m. J’y déniche une chambre minuscule dans les ruelles du vieux quartier colonial, populaire et très authentique. Au pied de demeures fatiguées, une bonne moitié des rues sont encombrées de marchés divers. A celui des sorcières, de vieilles femmes vendent grigris et autres potions magiques, tandis que des foetus de lamas séchés, offrande a la Pachamama, pendent aux étals. Plus bas, la rivière coule désormais sous le bitume de l’avenue principale. Des petits comiques déguisés en zèbre y font la circulation dans les nuages noirs des taxis et des bus américains des années 50. Une rangée d’immeubles miteux fait face à l’imposante église San Francisco, qui trône sur une vaste esplanade. Il s’y mêle une foule bigarrée d’hommes en costume-cravate, de petites femmes rondes coiffées d’un chapeau melon, et de quelques touristes a l’air un peu perdu. Beaucoup de gens prennent le soleil en grignotant sur la Plaza Murillo, qui expose le triumvirat du pouvoir, les distingués palais présidentiel, congrès et cathédrale. Elle se
prolonge dans une avenue piétonne bondée jusqu’à une belle ruelle d’époque et ses vénérables demeures bien rénovées. Aussi, je prends de la hauteur en grimpant sur une colline aménagée en parc, en empruntant le labyrinthe des escaliers crasseux de quartiers pauvres. Puis via une improbable passerelle qui zigzague au-dessus de la mêlée, je rejoins le quartier des affaires, presque moderne, installé tout en bas, là où il fait le moins froid. Jalonné d’une vingtaine de buildings pas bien hauts et plutôt moches, c’est le secteur d’une population privilégiée, plus métissée donc, qui s’engouffrent dans des grands magasins du 20e siècle.

Je reste sage pendant mon séjour ici : sociable quand j’échange des conseils avec d’autres voyageurs dans les volutes de fumée, studieux quand je travaille dans ma chambre. A proximité, je m’offre une sortie scolaire vers les ruines de Tiwanaku, un peuple expert en astronomie et en agronomie qui connut son âge d’or entre le 8e et le 12e siècle. Ce sont les vestiges du centre politique et religieux qui gisent ici et à côté d’une colline, jadis une pyramide, s’étend l’admirable temple de Kalasasaya, vaste plateforme carrée délimitée par des murs de pierres d’une rectitude parfaite. Au centre trônent la magistrale porte du soleil, sculptée de divinités, ainsi qu’un énorme monolithe représentant une personnalité de très haut rang, dont le regard continuer d’hypnotiser.











Et puis je retourne à ma solitude pour une plongée vertigineuse dans la nature, en empruntant l’un des nombreux chemins précolombiens qui subsistent encore. Celui-ci relie les hauteurs froides de l’Altiplano à la chaleur étouffante du bassin amazonien, dévalant le flanc Est du plateau pour un dénivelé négatif démentiel de 3500 m.

C’est donc en haute altitude que débute ma randonnée, à 4800 m, au départ d’un col qui perce d’énormes montagnes gelées et qui s’abîme dans un gouffre monumental. Plus bas, dans un vaste bassin, le froid est moins piquant et la végétation s’épaissit. Sur le chemin inca pavé de grosses pierres, une véritable autoroute pour piétons, je m’enfonce dans les brumes de vallées verdoyantes, croisant une poignée de villages très isolés. Le 2e jour, mes genoux endoloris ne m’empêchent pas de cheminer gaiement sur les flancs d’une nouvelle vallée, à l’échelle démesurée et coiffée de sommets blanchis. Il faut des heures pour contourner des ravines profondes, jusque dans les creux où chantent des cascades enfouies sous une merveilleuse forêt luxuriante. Puis après une autre nuit à la belle étoile, je conclue rapidement ma promenade de 50 km sous une violente averse. La pluie ne m’avait pas manquée, j’atteints el Chaino complètement trempé. Evidement il fait très bon à seulement 1300 m de haut, mais j’espérais une météo plus clémente pour me reposer dans le coin. Je profite donc  d’un camion qui remonte vers la Paz pour filer vers des horizons nettement plus élevés. Quant à l’Amazonie toute proche, qui couvre une large partie du pays, elle m’appelle mais je feins de ne pas l’entendre. Je me la réserve pour plus tard ; je n’en ai pas encore fini avec les Andes.











Ainsi, je retourne à la rigueur de l’Altiplano pour me poser sur les rives du mythique lac Titicaca. Avec ces 8000 km2, cette mer 4 km au-dessus de la mer est si étendue qu’elle en modifie le climat ; d’ailleurs ses rives hospitalières sont habitées depuis la nuit des temps.

Copacabana est déjà ma dernière étape bolivienne. Ce modeste centre de villégiature est peu séduisant mais il vaut surtout par son cadre exceptionnel. Il déploie ses rues poussiéreuses autour d’une crique enroulée de crêtes douces, qui s’évanouissent dans les eaux du lac infini d’un étincelant bleu cobalt. A l’horizon, sur l’autre rive dont on distingue à peine le relief, c’est le Pérou qui m’attend. Mais j’ai besoin de repos et surtout je dois écrire ; l’endroit est idéal pour freiner un temps ma chevauchée. L’écriture, c’est mon baromètre, l’un des très rares repères auquel je puisse m’accrocher pendant que le Monde défile autour de moi. Pourtant l’exercice est toujours aussi laborieux, surtout que je dois m’enfermer des journées entières dans des cybercafés obscurs, pas aidé de surcroit par des maux de ventre aigus. Trop souvent, je me permets des sorties récréatives, pour flâner sur la plage, visiter la cathédrale disproportionnée, ou soigner mes courbatures en escaladant les collines alentour.

Mon estomac va mieux quand je parviens enfin à publier toutes ces pages, alors avant de reprendre la route, je vais voguer jusqu’à l’Ile du Soleil. Genèse de la mythologie inca, ce gros caillou idyllique est la parfaite introduction à cette glorieuse civilisation, que je vais bientôt étudier de près. J’y découvre d’intrigants vestiges avant de parcourir le chemin sacré qui longe la crête, ébloui par le panorama fantastique. Tout autour de l’île, des promontoires rocheux forment de ravissantes petites criques, et au-delà des îlots mystérieux s’éparpillent dans le grand bleu ; en arrière-plan brillent les centaines de sommets blancs de la Cordillère Royale qui gouverne toute la région.












C’est donc en ce lieu magique que je fais mes adieux à la Bolivie. J’ai été enchanté au plus haut point par ce merveilleux pays, d’autant plus que depuis un bon moment j’ai trouvé la bonne carburation. Finalement adapté à l’hiver, j’avance à un rythme soutenu, tout en maîtrise. Je voyage désormais sans plans précis, mais je sais que je suis désormais à moins de 100 jours de boucler la boucle. Ayant atteints une certaine plénitude, je vais faire en sorte de maintenir le cap pour déguster toutes les merveilles qu’il me reste encore à découvrir.