Quatre îles, deux mondes





NB : les images ne sont pas les miennes.

Après une halte quelque peu laborieuse à Dar es Salaam, je me remets dans le bon sens de la marche et je reprends finalement la route. Route que j'emprunte bien peu en fait, lors de ma traversée du canal du Mozambique via les îles de l'archipel des Comores, puisqu'elle s'accomplie dans les airs, pour des vols d'une durée ridicule, et surtout sur la mer, à bord d'embarcations aussi variées que mes rencontres au fil de l'eau.



Vu du ciel, quelques gros cailloux pointus émergent de l'infini bleu. Soumises à un climat tropical humide, évidemment sous influence océanique, ces quatre petites îles volcaniques au relief tourmenté sont couvertes d'une végétation exubérante.

D'abord peuplées par des bantous, originaires des côtes africaines, les îles de la lune sont conquises par des arabes du golfe Persique à partir du IXe siècle, qui vont peu à peu islamiser la classe dirigeante. Au XVIe siècle, l'arrivée massive des chirazis, en provenance de Perse, conduit à l'institution de sultanats, qui restent le système politique en vigueur jusqu'à la colonisation. Pendant ce temps, les îles servent d'escales aux explorateurs européens et aux pirates, alors que les Sakalavas, de Madagascar, y effectuent régulièrement des rafles d'esclaves. Privées d'un pouvoir centralisé, les Comores deviennent un protectorat français à la suite d'accords et de batailles, puis une colonie en 1892. Lors de l'indépendance de 1975, Mayotte, à l'Est, reste française suite à un référendum. Mais sur les trois îles les plus occidentales, les coups d'états succèdent aux velléités indépendantistes. En 2001, l'Union des Comores, état fédéral laissant une large autonomie à chacun des territoires, est instaurée. Mais aujourd'hui encore, Grande Comore, qui centralise le pouvoir, éprouve les pires difficultés à maintenir l'unité.

La société comorienne, très codifiée, est donc un métissage de racines africaines et de culture arabe, mâtiné d'influences malgaches et françaises. Elle fonctionne en vase clos pour la plus grande part des autochtones, sous-éduqués alors que les élites restent très liées à l'ancien colonisateur ; ils sont nombreux à posséder la double nationalité et à envoyer les enfants étudier dans l'Hexagone. Le clientélisme est monnaie courante, sans parler de la corruption. Les comoriens parlent le shikomor, issu du swahili, et l'Islam occupe une place prépondérante. Les gens sont souriants et serviables, et l'hospitalité reste une tradition très concrète, malgré la précarité généralisée.

En effet, la situation économique évolue dans une crise permanente : la plupart des 800 000 citoyens sont démunis et ruraux, vivant d'agriculture vivrière et de pêche. D'ailleurs, la suffisance alimentaire est loin d'être assurée. Les autres secteurs, tel l'industrie ou le tourisme, sont quasi inexistants, et presque tout les produits doivent être importés, impliquant des tarifs élevés. Les pénuries alimentaires et pétrolières sont récurrentes, ces dernières entraînant le rationnement de l'électricité et nuisant fortement au transport, routier ou marin. La diaspora, aussi nombreuse que la population locale, reste très solidaire et subvient de manière prépondérante aux besoins de ses compatriotes. Mais étant donné le contexte politique, on est en droit de se demander comment le pays peut sortir de l'impasse.



Ainsi, j'atterris sur l'île de Grande Comore, la plus vaste de l'archipel, environ soixante kilomètres par vingt, où vivent près de 400 000 personnes. C'est aussi la plus élevée puisque le volcan Karthala, toujours actif, culmine à 2360 mètres. A l'aéroport, le taxi veut m'imposer le prix touriste : je préfère marcher les dix kilomètres jusqu'à Moroni. Après une heure au milieu d'une épaisse verdure et de pierres noires acérées, une forte pluie tiède se met à tomber. Une voiture pleine à craquer s'arrête à ma hauteur, et le chauffeur insiste pour m'emmener ; c'est bien la première fois qu'un taxi me conduit gracieusement. Je me serre donc à l'arrière, et comme je suis contrarié par les prix des logements, le jeune homme assis à l'avant se propose de m'héberger.

Kota, est un jeune homme bientôt trentenaire, petit mais très musclé, employé à l'aéroport. Je l'accompagne dans sa banlieue populaire où sont éparpillées, sous les arbres, de petites bicoques de tôle cabossée le long d'un chemin rocailleux. La sienne est un peu plus large et surtout toute neuve : le métal scintille. En me montrant son quartier, mon hôte profite d'avoir un camarade blanc pour rouler des mécaniques. Il n'est pas bien perspicace, mais il est attentionné. Avec son accent très prononcé, il m'avoue avoir trois passions : la prière, la danse et les filles.

Avec lui, ou avec son voisin Elamine, autrement plus instruit, je sillonne l'ensemble de la capitale, peuplée de quelque 50 000 habitants. Le long du littoral, la blancheur de la Mosquée du Vendredi se reflète dans le plan d'eau du port aux boutres ; tout autour s'étend le dédale grisâtre de la vieille médina étriquée. Vaguement rénovée à grand coup de béton et désertée par les commerces, elle est aujourd'hui un peu triste. Dans le centre-ville, plus récent, excepté deux ou trois banques élégantes, les bâtiments et les boutiques sont dénués de caractère. Visiblement, l'urbanisme n'est pas une priorité. Néanmoins, installé sur une terrasse avec Kota, je me délecte d'un vrai café bien serré et de viennoiseries savoureuses. Autour de nous, les hommes portent des vêtements ordinaires, même si certains arborent encore un élégant boubou blanc ainsi que le kofia, le bonnet
cylindrique, brodé de fils d'or. Du côté du marché, les dames ont le visage recouvert d'une étrange crème jaunâtre, censée protéger du soleil et éclaircir la peau. Elles sont souvent vêtues de pagnes bigarrés et voilées du chiromani, grand foulard rouge et blanc, symbole de la femme comorienne. Une petite fille vend des fruits et des cacahuètes sur une caisse, des vieux jouent aux dominos à l'ombre d'un manguier. Plus loin, de minuscules cases entassées les unes contre les autres longent l'épaisse forêt tropicale qui grimpe sur le flanc de la montagne. En hauteur, à l'écart de l'agitation, de belles demeures coloniales se cachent dans de grands jardins débordant de fleurs.

Le soir, la ville est plongée dans l'obscurité ; c'est à la lueur d'une lampe de poche que Kota et moi allons dîner, sur le trottoir, une gamelle de poulet frit et de fruits à pain. A sa manière, il m'éclaire sur les coutumes singulières de son peuple. Le grand mariage par exemple, qui coûte une fortune, même en euro, permet aux hommes d'accéder au rang de notable, Il lui est inaccessible.


 
Après trois jours dans l'humble capitale, je vogue vers Mohéli, l'île la plus sauvage ; occupée par 40 000 âmes, c'est aussi la plus réduite, seulement quarante kilomètres d'Est en Ouest. Pieds nus et pantalon retroussé, je monte dans une simple barque avec une dizaine d'autres. La mer est étonnamment calme, ce qui n'est pas le cas du ciel, qui déverse sur nous des trombes d'eau en un instant. Tandis que le gros roc vert foncé apparaît progressivement à travers les nuages, j'examine les poissons volants planant au dessus des vagues. Et je dialogue avec Ben-Omar, discret jeune homme de dix-neuf ans. Issu d'une famille de notable, il m'explique être le DJ attitré de l'unique boîte de nuit ; il m'invite spontanément chez lui.

Nous accostons sur une plage originelle de sable brun, puis nous atteignons Fomboni, bourgade de quelques milliers d'habitants. Entre les cases de pêcheurs en feuilles de palmiers et celles de terre des paysans, quelques habitations en dur longent l'unique rue. La maison familiale est de celles-là, rustique mais spacieuse. La maman de Ben-Omar, retraitée, habite seule le rez-de-chaussée. A l'étage, sa grande sœur m'accueille à bras ouverts, puis elle m'installe dans la meilleure chambre avant de me servir un copieux repas. Asmina, corpulente femme de trente-six ans au rire communicatif, veille avec bienveillance sur un foyer bien rempli. Greffière au modeste tribunal, elle élève ses deux jeunes garçons turbulents sans leur papa, déjà parti. Farouk et Fahad, respectivement quatre et trois ans, m'acceptent instantanément. Assad, un cousin de seize ans, râle après cette petite fille de huit ans à peine, adoptée car ses parents miséreux ne peuvent l'assumer. Elle est un peu jeune pour s'acquitter correctement des tâches ménagères, mais elle attendrit Asmina qui refuse de la renvoyer. Dans un coin, silencieuse, une très jeune femme s'occupe maladroitement de son bébé. Ben-Omar en est le père accidentel, mais il refuse obstinément d'y prêter la moindre attention. Asmina les recueille toutes les deux pour éviter la honte sur sa vieille mère. Pendant les quatre jours que je passe dans cette chaleureuse atmosphère, j'amuse souvent une ribambelle de neveux, nièces ou voisins bruyants. Et j'apprends la vie d'ici auprès des innombrables frères, sœurs ou oncles de passage, tous ravis de discuter avec l'étranger. En fin d'après-midi, j'apprécie d'aller m'asseoir seul sur le ponton qui surplombe l'océan, l'endroit parfait pour regarder s'écouler la vie paisible des gens de Fomboni. Les enfants barbotent, les plus grands jouent au foot. En retrait, les femmes se racontent les nouveaux potins, et au loin, sur leur pirogue, les pêcheurs remontent les filets. Le jour décline, les roussettes de Livingstone, des chauve-souris géantes, sont de sortie.

Un après-midi, j'entraîne Ben-Omar sur le terrain de basket. Sous les cocotiers aussi, on enfile les paniers. Le suivant, je le motive pour grimper sur cette crête verdoyante qui barre l'horizon, six-cent mètres au dessus de nos têtes. A ma grande surprise, il ne l'a jamais fait ; qu'à cela ne tienne, je passe devant. Nous partons tout droit à travers les cases et les champs, et sur un sentier abrupte, nous nous enfonçons dans la superbe forêt, plantée entre autres de hauts palmiers, de grands manguiers biscornus ou d'arbres à pain majestueux. Plus haut et bien plus tard, la pente se durcit encore, jusqu'à devenir presque vertical. sur la fin, il faut s'agripper aux branches et se frayer un chemin dans une broussaille inextricable. Enfin au sommet, mon acolyte escalade un cocotier et me jette trois énormes noix vertes. Nous dégustons notre délicieux goûter assis dans l'herbe, sous le vent, en silence. Pour la première fois, l'enfant du pays observe son petit monde vu d'en haut.



Suite à deux faux départs, car les bateaux manquent de carburants, je tourne en rond sur le quai du port, impatient de voguer vers Anjouan, l'île au relief le plus accidenté, et la plus densément peuplé avec environ 350 000 habitants. Les dockers déchargent des sacs de ciment d'un petit cargo rouillé, sous une chaleur caniculaire et dans un nuage de poussière. Là, je sympathise avec un compatriote qui attend lui aussi le départ : nous échangeons nos expériences de voyageurs. Pendant la traversée, il me convie à séjourner chez lui.

Olivier est un expatrié de vingt-sept ans, chargé par son entreprise de travaux publics de diriger les travaux d'une route. Il s'avère également être un guitariste habile et un peintre talentueux. Comme sa petite amie malgache a du mal à s'adapter à la société anjouanaise, il occupe seul une magnifique villa blottie dans un jardin tropical soigné, à l'écart de Mutsamudu, la capitale. D'ailleurs, il éprouve lui aussi des difficultés à composer avec les us et coutumes locaux : ses ouvriers sont en grève, ils réclament pas moins de quatre-vingt pourcents d'augmentation. Et alors que mon compère est séquestré plusieurs heures dans son bureau, je me prélasse dans le luxe de son palace. Vautré dans le canapé douillet, devant l'écran large, la bonne m'apporte le déjeuner.

Puisque Olivier est empêtré dans d'interminables réunions syndicales, Je sympathise avec son amie Zeitoun, qui est aux petits soins pour moi. Arabe née aux Comores et revenant d'une brillante carrière à Paris, elle me raconte, avec un impressionnant débit de paroles, que son grand-père yéménite est venu faire fortune ici. Elle m'invite à manger un excellent repas traditionnel et m'emmène découvrir la ville de son enfance. Nichée dans une minuscule plaine enclavée entre océan et montagne, cette cité crasseuse habitée par plus de 30 000 personnes emplit toute la zone constructible. Pierres volcaniques ou béton attaqué par l'humidité, le noir domine. Le long des ruelles, de vilaines bâtisses neuves jouxtent d'anciennes demeures en ruine. La gestion des déchets est simple : on les jette par dessus le muret qui borde le rivage. Sur les hauteurs, l'ancien palais du Sultan s'écroule, mais il a pourtant récemment reçu une couche de peinture blanche. Dans le labyrinthe de la médina, Zeitoun me présente à la moitié de la ville, elle me décrit les coutumes religieuses devant la mosquée ou les subtilités de diverses cérémonies sur la place centrale. Elle devient mélancolique quand nous arrivons devant la très grande maison de son grand-père. Malgré une position centrale, elle est dans un état de délabrement avancé. De petites boutiques occupent encore le rez-de-chaussée, mais l'étage, sans toit, est envahi par la végétation.

Le lendemain, son cousin Mohamed nous conduit sur la côte Sud, jusqu'au village de Moya. Pendant la longue route sinueuse, je m'extasie devant la nature extravagante qui défile. L'épais manteau vert semble s'écouler dans l'océan. Sur une terrasse ombragée, nous dévorons des langoustes fraîches ; en contrebas, la mer est grosse. De hautes gerbes blanches jaillissent quand les vagues s'écrasent contre les rochers sombres. Le soir, nous retrouvons Olivier chez lui. Comme ses problèmes s'arrangent, il nous arrose de whisky écossais et de vin millésimé. Guilleret, j'en profite pour le remercier de son accueil quatre étoiles.



Quatre jours après mon arrivée, je m'apprête déjà à quitter Anjouan pour Mayotte, ma dernière escale sur l'archipel. Zeitoun, adorable, vient me saluer et m'apporte même de quoi grignoter. Cette fois, je vogue sur une vedette neuve réservée au transport de passagers, celle-là même qui raccompagne les nombreux clandestins comoriens cherchant à immigrer vers ce petit bout d'Occident. Lors du débarquement, les passagers sont parqués derrière des grilles selon leur nationalité. Les douaniers mal embouchés, noirs ou blancs, fouillent les bagages de fond en comble. Après vingt-neuf pays, c'est bien la première fois que ça m'arrive. Pas de doute, malgré la latitude, je suis de retour au pays.

Mayotte est la plus ancienne des îles de la lune. Il en résulte un relief de faible altitude très vallonné. Même si une quarantaine d'îlots de toutes tailles composent ce département d'outre-mer, les 270 000 résidents se repartissent sur Petite Terre, qui rassemble notamment les installations militaires et l'aéroport, et surtout sur Grande Terre, quarante kilomètres du Nord au Sud. Depuis son acquisition par l'Empire en 1841, Mayotte est restée sous la coupe de la France. Ainsi, la culture locale ancestrale se dilue peu à peu dans la civilisation dominante. Les paysages sont semblables à ceux des îles précédentes, et les mahorais ressemblent évidemment aux autres comoriens ; ces messieurs jouent au dominos en tapant aussi fort sur la table, ces dames ont toujours les jouent peinturlurées de crème dorée. Mais la qualité des infrastructures et l'organisation administrative sont assurément métropolitaines.

En accostant à Mamoudzou, le chef-lieu, je comprends que je suis ici dans un autre monde. Tout est parfaitement agencé et minutieusement nettoyé. Devant la marina où mouillent quelques voiliers, le front de mer inclut un vaste marché couvert et un bel office de tourisme. Sur une longue promenade, on peut se désaltérer sur la terrasse de cafés bien tenus. La rue principale est un billard où roulent des voitures de ce siècle, les trottoirs sont propres, les vitrines des boutiques joliment décorées, les bâtiments administratifs soignés. Le soir, chaque recoin est éclairé. Et les moyens ont permis d'urbaniser les pentes. Ainsi, sur les collines, des escaliers bétonnés forment un dédale de ruelles escarpées. Les prix sont également plus en phase avec ceux pratiqués chez moi : pour une chambre d'hôte sommaire, loin du centre, je dois débourser trente euros. Mais en questionnant un commerçant, je m'en dégote une autre, un peu moins chère, dans une maison gigantesque, au sommet d'une butte. Outre une salle de bains luxueuse, je bénéficie d'un salon spacieux encadré par une immense baie vitrée. De là-haut, j'ai une vue imprenable sur le quartier, niché dans un vallon, ainsi que le lagon bleu clair et ses îlots vert foncé.

Seul, pour une fois, je réalise de longues marches à travers le centre-ville ou les quartiers résidentielles ; d'un côté, certains natifs habitent des cahutes simplistes ; d'un autre, certains métropolitains vivent dans des pavillons confortables. Je ne me prive pas non plus d'explorer la splendide forêt préservée toute proche. Mais j'emploie surtout les trois premiers jours à trouver une place sur un cargo, en partance pour Madagascar. En stop, en barge, à pied ; du centre-ville au port de marchandise en passant par les bureaux de la police des frontières, je parviens à convaincre le commandant d'un navire malgache, celui de la capitainerie, l'armateur et l'affréteur. Les gradés de la police se renvoient la balle, moi en l'occurrence, jusqu'à ce qu'une blonde mal aimable m'annonce que j'ai théoriquement le droit de prendre ce navire, mais qu'en pratique, c'est impossible ; vive la France. Après lui avoir poliment précisé que le port de l'uniforme ne dispense pas de la politesse, je me résigne à acheter un billet d'avion coûteux.

Avant de conclure ma semaine mahoraise, afin de me réconforter, je me permets un baptême de plongée sous-marine dans l'un des lagons les plus fameux de la planète. Ceinturant intégralement l'île à quelques milles des côtes, le récif corallien abrite une faune et une flore exceptionnelles. J'ai déjà pu contempler, ailleurs, la vie aquatique avec palmes et tuba, mais enfiler une bouteille d'oxygène et évoluer librement dans cette autre monde n'a plus rien à voir. Dans un premier temps, je suis les recommandations, par signes, de l'expérimenté moniteur ; je m'efforce de respirer calmement et j'essaie de stabiliser ma nage entre deux eaux. Une fois à l'aise, je prends la mesure des merveilles qui m'entourent. Dans l'eau clair, je me faufile au milieu d'extravagants coraux de plusieurs mètres, une indescriptible explosion de formes et de couleurs. Bien sûr, des poissons bariolés de toutes les tailles foisonnent ; ici, une raie camouflées sur le fond, là de gros mérous immobiles, des myriades de demoiselles bleues, des murènes léopard, des poissons papillons, globes ou chirurgiens, des poissons diables, anges ou clowns, des tortues, des crustacés, des coquillages, des étoiles de mer... Glissant lentement dans ce décor extraordinaire, comme envoûté, j'oublie mon guide et j'en viens à comprendre l'ivresse des profondeurs.

Bongo Dar es Salaam





Bongo, ça signifie "cerveau" en swahili. C'est comme ça que les habitants de Dar es Salam, "la maison de la paix" en arabe, surnomment affectueusement leur cité, soulignant ainsi à quel point il faut être vigilant quand on emprunte ses rues. Ici, tout le monde court après la même chose, le billet rouge de dix mille. Accueilli par deux garçons des rues adorables, je ne réalise pas vraiment que je suis usé par trois mois de route depuis mon départ de chez mon frère. Je vais pourtant m'en rendre compte à mes dépends, puisque du fait de mon relâchement et d'une invraisemblable déveine, j'encaisse une avalanche de coups tordus, aussi coûteux que blessants.




Comme je n'ai pas pu prendre le boutre de mes rêves naïfs pour les Comores au départ de Zanzibar, me voilà de retour à Dar es Salam pour dénicher une place sur un cargo, autrement moins poétique. J'ai déjà arpenté cette immense métropole deux semaines plus tôt. Comme si mon séjour à Stone Town n'avait duré qu'un instant, j'y retrouve immédiatement mes repères : même quartier, même hôtel, même chambre. Grâce à diverses sources concordantes, je déniche facilement Monsieur Comores, un agent de voyage qui officie dans un minuscule bureau près du port. Un caboteur est sur le point de jeter l'encre avant de reprendre le large pour Moroni. Frank connaît le capitaine, dans une semaine tout au plus, je navigue à nouveau sur le canal du Mozambique. Au point où j'en suis, je ne suis plus à ça près, et d'ailleurs, j'ai du travail. Suite à deux journées studieuses en solitaire, je retombe sur Kevin et Noah, deux gars attachants croisés lors de ma première venue. Sur le capot d'une voiture, ils m'avaient exposé leurs peintures, nous avions conclu une petite affaire d'ordre végétal. Pendant que nous sirotons une Tusker bien fraîche, nous faisons plus ample connaissance. Le courant passe bien, ils en viennent à me proposer de loger chez eux. Je reste sur mes gardes, mais comme la confiance et la curiosité sont deux principes fondateurs de mon épopée, j'accepte.

Ils m'emmènent alors chez eux via trois dala-dala, les transports en commun : forcément pleins à craquer, ce sont des cars fatigués dans lesquels subsistent encore des kanji japonais. A une dizaine de kilomètres, dans une banlieue aux airs de village sans fin, mes deux compères partagent une humble maison grise au toit de tôle, semblable à toutes les autres alentour. Le séjour étriqué est rempli d'une table noyée sous un monceau de papiers, d'une table basse, d'une télé qui ne fonctionne plus et d'une chaîne hi-fi qui grésille. Seif, le frère de Noah en visite, dors dans le canapé râpé, tandis que les souris circulent librement. La chambre, à peine plus grande, est entièrement occupée par un lit king size sur lequel on tient facilement à trois. Des barreaux et des grillages font office de fenêtres, la douche et les toilettes sont de simples latrines en parpaings, dans un coin de la cour, ouverte sur la seule voie goudronnée du coin. Bien sûr il faut aller chercher l'eau au puits, à quelques ruelles ensablées, mais le vrai problème, c'est l'électricité. Parfois elle clignote, très souvent elle coupe de longues heures. Sachant que l'obscurité tombe dès dix-huit heures, si l'installation solaire sommaire ne marche pas, on s'éclaire à la bougie. Heureusement, mon enceinte miniature à piles égaie nos bavardages nocturnes. Une nuit, alors qu'un orage violent éclate, un fracas tonitruant nous fait bondir. Le matin venu, nous observons, navrés, la famille voisine faisant ses valises. Le toit de leur maison, arraché par le vent, n'est plus qu'un amas de ferraille dans la cour.

Dans un premier temps, j'occupe mes journées à battre le pavé avec mes nouveaux camarades. Certains immeubles du centre-ville sont de vieux blocs gris massifs, d'inspiration soviétique, d'autres flambant neufs sont des tours élancées, enveloppées de vitres bleutées. Partout, des chantiers d'envergure transforment la cité. Sur les trottoirs envahis d'étals bricolés, nous nous faufilons parmi les passants en costume et les mendiants en haillons. Malgré l'affluence et l'effervescence, il y règne une atmosphère assez joyeuse ; je m'y sens comme un tilapia dans l'eau. Puisque Kevin et Noah parlent bien anglais, appris sur le tas, ils arpentent sans relâche les artères principales en pistant les mzungu, les blancs. En tant que peintres habiles, ils essaient d'écouler leurs oeuvres, ou encore les babioles d'autres artisans du trottoir, voire de l'herbe ou n'importe quel service. Il leur arrive même de vendre un peu d'amour aux étrangères en goguette. Souvent, nous nous postons avec des collègues exposant des bijoux sous un arbre. Derrière, il y a un hôtel de touristes qui, pour la plupart, ne daignent même pas tourner la tête malgré la grande politesse dont les gars font preuve. En face, une famille de masaï a quitté sa brousse pour vendre des cigarettes sur un tour en bois, devant une bâtisse en ruine. Après d'incalculables allées-retours, autant de rendez-vous manqués et d'argumentaires plein d'éloquence, nous nous reposons parfois avec d'autres copains, qui installent chaque matin un petit stand sur un grand boulevard, a l'ombre d'immenses tours jumelles en cours de finition. Et puis il faut rentrer, quelquefois avec un bon billet en poche. Les embouteillages sont à la hauteur de la densité de la population. Dans les dala-dala, les places assises sont chères.

C'est ainsi que je m'aperçois que mes acolytes sont des jeunes hommes travailleurs et honnêtes. Noah, presque trente ans, grand et mince, coiffé de fines tresses, est un peu timide et rêveur. Placide, il arbore constamment un sourire franc et espère que l'une de ses conquêtes voudra l'emporter dans son pays. Kevin, un peu plus jeune, petit et costaud, est plus nerveux et bavard. Il campe un parfait commercial. Malin, il attend sans trop y croire le gros coup, celui qui lui permettra de retourner s'occuper de sa mère, restée seule dans une lointaine campagne.




Pendant ce temps, Frank, qui me chante chaque matin son refrain de bateau qui attend sa cargaison de vaches et de moutons, commence sérieusement à m'agacer. Mais comme nous somme samedi soir, j'approuve la proposition de mes camarades d'aller se divertir dans un cabaret en plein air, coincé entre deux hauts buildings. Sur la piste, au rythme saccadé des musiciens, ils s'en donnent à coeur joie. Quant à moi, je m'amuse vissé sur ma chaise, bavardant à gauche ou à droite, tout en gardant un oeil sur les jolies filles. Et comme par hasard, celle que je regarde plus que les autres vient s'asseoir à mes côtés. Malicieux sourire, yeux en amande, coupe afro assumée et silhouette galbée, Farida est une jeune étudiante naturelle et spontanée. Malgré son anglais hésitant, elle est plutôt directe, et comme je le suis aussi, l'affaire est vite entendue. Au milieu de la nuit, nous nous échappons dans un lodge, établissement qui offre une batterie de chambres dans un jardin clôturé. Dans l'intimité, je comprends que je ne m'étais pas trompé sur cette fille ; c'est un festival.

Nous ne sortons pas beaucoup pendant les trois jours qui suivent, si ce n'est pour nous restaurer dans ce quartier périphérique gentiment animé. Une après-midi tout de même, mademoiselle, qui cherche à gagner ma confiance, tient à m'emmener chez elle. Dans une grande maison vétuste, je rencontre sa maman, ses soeurs, une vieille et une kyrielle de gamins. Malgré une évidente pauvreté, je fais bonne figure, on me sert un plat typique, Farida est aux anges. Pourtant, une fois revenus dans notre nid, je dois sécher ses larmes quand elle me raconte que jadis, la famille vivait heureuse. Puis son père l'a quittée pour une autre et tout a basculé. Quoi qu'il en soit, mon attente est beaucoup plus supportable auprès d'elle. Un matin, alors que je dois sortir, mon amante est brûlante, avec tous les symptômes de la crise de palu. Je lui donne une aspirine et lui souffle que si elle ne va pas mieux à mon retour, je la conduirai à l'hôpital. Inquiet, je reviens deux ou trois heures plus tard, mais la malade s'est envolée, emportant avec elle mon argent et mon appareil-photo. Je tombe de si haut que j'en ai le vertige. C'est ce qui s'appelle se faire bien...

J'appelle Noah à la rescousse mais il n'y a rien à faire, si ce n'est de retourner chez lui. Dès le lendemain, décidé à ne pas perdre la face sans rien tenter, j'entreprends de retrouver la maison de ma petite voleuse. Je n'ai aucune idée d'où elle se trouve, nous avions pris deux dala-dala et un touk-touk pour nous y rendre. Mais je me rappelle parfaitement d'une image : une belle villa toute proche et l'océan dans le prolongement de la rue. Mon plan est simple : partir du centre-ville vers le Nord parallèlement à la plage, jusqu'à reconnaître cet endroit précis ; chercher une maison au hasard dans une ville de quatre millions d'habitants, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Pourtant, après une très longue marche et contre toute attente, je stoppe enfin devant la fameuse villa. Plus loin, je reconnais cet énorme baobab qui empiète la chaussée, et enfin, la maison. C'est déjà une petite victoire, mais après cinq ou six heures à cogiter sous un soleil de plomb, je n'en veux même plus à Farida ; la tentation était trop grande. Avec mes trois mots de swahili et ses trois mots d'anglais, j'explique à sa maman scandalisée la raison de ma venue. Elle ne l'a pas revue, mais promet de tout arranger dès qu'elle aura de ses nouvelles. Borné, je me repointe le jour suivant et je me plante dans la cour. Après plusieurs heures encore, je suis à deux doigts de renoncer quand, dans l'enfilade de la porte d'entrée, le couturier d'à côté me fait discrètement signe d'approcher. Il me chuchote que la coquine est là, dissimulée dans une chambre au fond de la cour. Et en effet, je l'entrevois par une étroite ouverture. Mon sang ne fait qu'un tour, comme elle ne répond pas à mes appels, je défonce la porte déjà bancale. Je la trouve gisante sur un lit, encore souffrante, c'est une certitude. N'ayant pas le courage de l'accabler, je préfère tenter de l'amadouer. La maman comprend que je ne lui veux aucun mal en me voyant lui tenir la main. Puisque Farida délire, gémissant des histoires farfelues, je consens à la veiller pour la nuit. On nous sert le diner et on nous prépare une chambre. Au matin, alors qu'elle va déjà beaucoup mieux, je hausse le ton, mais elle persiste dans ses mensonges. Cette fois, j'en ai ras la casquette, je feins d'aller faire une course et je file au commissariat le plus proche. Mais l'administration tanzanienne est archaïque et je ne reviens escorté par deux agents que deux heures après, dans un taxi qu'il me faut moi-même payer. Evidemment, la belle s'est fait la belle. Maintenant que j'ai fait le maximum, je peux sauter dans le premier avion pour Moroni. J'oublie cette fille, mes quelque cent trente euros, et mon appareil photo tout neuf. A ce propos, puisque j'ai perdu le précédent au pied du Kili à peine trois semaines plus tôt, je décrète que les photos, c'est terminé jusqu'à nouvel ordre.




En attendant, je ne mets plus les pieds en ville et me remets de mes émotions dans la quiétude de la maison de mes précieux amis. Je m'habitue au quartier, des milliers de petites bicoques bâties sur la sable, dissimulées sous un épais manteau d'arbres fruitiers. Comme tout le monde, je vais au puits, ce qui fait bien rire les enfants, je lave mon linge dans un seau, je vais chez le barbier ou au cybercafé. Quelquefois, avec Seif, le frère cadet de Noah, nous allons voir un match de foot sous une grange, avec des dizaines d'autres, dans une ambiance survoltée. Je devise aussi fréquemment avec lui. Tête de gangster et accent à couper à la machette, il est déçu de ne pas avoir pu étudier plus longtemps et mon atlas de poche à l'appui, il se passionne pour mes leçons de géographie en général et par l'itinéraire de mon voyage en particulier. Voyageur lui aussi, il connaît bien la partie australe du continent pour l'avoir traversée à maintes reprises, se rendant en clandestin en Afrique du Sud, l'eldorado dans la sous-région. Désormais en règle et installé là-bas, tenant une modique boutique d'accessoires auto, il revient superviser les travaux de la maison qu'il fait construire sur le terrain acheté lors de son précédent retour. Seif ne perd pas son temps ; il a fait la meilleure école de commerce du pays : coaxer dans un dala-dala, se faufilant dans la masse compacte des usagers, les encaissant chaque jour par centaines. Et puis dans la soirée, l'animation revient en même temps que Kevin et Noah. Et même s'ils rentrent souvent bredouilles, ils n'en perdent pas pour autant leur bonne humeur. Je les aide modestement en payant régulièrement le petit déjeuner, chapatis et thé au gingembre, ou le diner, omelette frites ou bol de riz en sauce. Une fois, Kevin n'en revient pas d'avoir pris trois repas dans la même journée.

Mais alors que je m'apprête à les quitter, j'ai besoin de changer une grosse liasse de shillings contre des dollars. Plein centre, j'examine les pancartes des agents de change, quand un vieux bonhomme rondouillard m'aborde pour m'offrir un taux légèrement meilleur. J'entends souvent qu'il ne faut pas changer d'argent dans la rue, mais j'en ai vu d'autres : généralement, aux frontières, il n'y a pas d'autres solutions. Et puis ce gentil monsieur, poli et jovial, ne ferait pas de mal à une mouche tsé-tsé. Sous une arcade, nous conversons gentiment en attendant son collègue. Puis il me remet mes trois cents dollars, que je recompte deux fois ; il a même l'élégance de me saluer en français. Plus loin, je rejoins Kevin, en pause dans un parc, qui m'avoue n'avoir jamais vu de gros billet vert. Stupeur : mes trois cents dollars n'en sont plus que vingt-neuf. Le vieux pirate m'a fait un tour de magie. J'ai beau retourner sur place immédiatement et les jours suivants, je ne le reverrai jamais. J'encaisse donc de plein fouet un second cas d'école. Comme le plafond de retrait hebdomadaire de ma carte est atteint, je repars m'enterrer au village en attendant le début de la semaine.

C'est à ce moment que Besta, un vieil ami de Kevin, du Malawi, vient lui aussi loger parmi nous. Chétif, l'oeil vif et le verbe assuré, il se joint sans peine à nos parties de rigolade. Dorénavant, Noah dort sur la moquette du salon, ses longues jambes coincées sous la table basse. Heureusement, mes compagnons me permettent de relativiser ; mes soucis sont bien futiles comparés à l'âpreté de leur vie.

Un soir, vers vingt-deux heures, alors que j'attends seul que les uns ou les autres ne rentrent, c'est Besta qui se pointe le premier. Il m'apprend qu'il a revu une connaissance, qui officiait jadis dans la rue de mon escroc. Il a le bras long et a entendu parler de l'intrigue. Sceptique, je saute néanmoins dans mes baskets et nous filons en ville. Dans un bar sombre, il me présente un homme élégant et aimable, et il m'emprunte les vingt-neuf dollars pour appuyer son exposé. Dans la foulée, il demande aussi le portable du barman et sors téléphoner. Incroyable, Il ne reviendra jamais, me laissant sans le sou et aux prises avec le barman furieux. Déconfit, je suis dans l'obligation de laisser à ce dernier mon passeport en caution. Maintenant, le coup du faux frère : je commence à croire que toute la ville m'en veut et que ma bonne étoile a cesser de briller. Plus tard, à la maison, je relate ma nouvelle péripétie aux gars effarés. Le bandit, prétextant devoir se changer, a également emporté un de mes t-shirts, les chaussures de Noah, ainsi que mon fidèle lecteur mp3, qui me suit depuis le début. Il avait tout prémédité. Kevin est scandalisé par la traîtrise de son vieux camarade et ne compte pas en rester là.

Dès le lendemain, après deux ou trois coups de fil, il retrouve la piste de Besta dans un bar de banlieue. Une fois devant l'établissement, je passe devant et le surprends attablé devant son verre, déjà à moitié ivre malgré l'heure matinale. Sans me préoccuper de l'entourage, je m'approche et lui assène une bonne gifle, histoire de le dessaouler. Un masaï très costaud s'interpose avec un anglais parfait, Noah saisie notre crapule et l'envoie valdinguer sur le sol. Avec Kevin, ils le traînent ensuite à l'extérieur, tandis que je calme l'assistance. Dehors, Besta se débat en vociférant. Très vite, des dizaines des badauds nous encerclent, et comprenant la situation, ils commencent à prendre à partie notre captif. Nous déguerpissons avant qu'il ne se fasse lyncher par la foule. De retour dans le centre-ville, où Kevin et Noah sont chez eux, les explications avec leurs collègues vont bon train. Comme le traître s'enfonce dans ses boniments, l'un d'eux lui inflige une sévère correction. C'est à ce moment qu'un gros pick-up de la police s'arrête à notre hauteur. Sans même descendre, deux agents musculeux se saisissent du coupable et m'invitent à monter aussi ; direction le commissariat central. Bien sûr, l'attente et la rédaction, à la main, de ma déposition n'en finissent pas.

Et les deux jours suivants, je constate avec consternation l'extrême nonchalance de mon inspecteur. Entre les heures à observer la vie très tranquille du grand bureau où officient une demi-douzaine d'officiers, et les infinies palabres en swahili dans le bar, avec cet idiot qui garde mon passeport en otage, j'en viens même à me demander si le pauvre bougre mérite bien ce qui va lui arriver, à savoir passer plusieurs semaines derrière les barreaux. Le problème n'est pas tant ce qu'il a dérobé, mais la manière scandaleuse dont il a agi. Et puis ce n'est pas moi qui l'ai emmené ici, il s'y est mis tout seul.




Mes papiers enfin en poche, je termine mon séjour à Dar es Salam, lessivé. J'espérais ne rester que quelques jours, mais cette rocambolesque illustration de la loi des séries aura stoppé ma course folle un mois entier, une éternité pour mon planning serré. Ces histoires malheureuses me coûtent aussi pas moins de cinq cents euros, mais elles sont surtout de grandes leçons d'humilité. Désormais, une indicible fissure fend mon armure de grand voyageur orgueilleux. Un doute s'installe, le premier depuis mon départ de Sologne, faisant enfin éclater au grand jour une évidence : je suis en retard et mes comptes sont dans le rouge. Je ne suis plus très loin de la Réunion : là-bas, je devrai aviser. Mais en attendant, la route continue.