mercredi 26 novembre 2014 - 1502e jour



Ca fait un moment que je le dis, mais cette fois c'est sûr : ça sent la fin. Comme d'habitude, la nuit dans ma chambrée de dix a été ponctuée des allers et venues des uns et des autres. Et comme d'habitude, Sophie et moi prenons le petit-déjeuner ensemble, en silence. Je passe ensuite un bon moment dans la salle de bains avant de plier mes affaires, une fois de plus. Vers midi, je sors déjeuner et traverse une dernière fois mon quartier très agréable, largo de Machado, rua de Catete, pour un bon bain de foule. Puis je viens récupérer mon sac et saluer tout le monde avant d'aller prendre le bus qui me conduit à l'aéroport. Le centre, que je connais bien, défile sous mes yeux, puis les quais, et enfin les immense banlieues Nord par où je suis arrivé il y a deux semaines. J'en ai vu des métropoles, sur tous les continents, mais j'ai été vraiment fasciné par Rio, que j'ai arpentée en long et en large, et qui restera définitivement l'une de mes favorites. Et après deux bonnes heures d'attente dans les halls de l'aéroport, je m'envole finalement vers le Sud et quitte le Brésil où je serai resté quarante excellents jours. Comme un signe du destin, j'atterris trois heures plus tard à, Buenos Aires, là où j'ai commencé mes aventures sud-américaines il y a huit mois environ. Il s'en est passé des choses, depuis tout ce temps.

















D'ailleurs, j'apprends que mon avion suivant décolle depuis l'autre aéroport. Un bus fait la liaison directement et je traverse donc la ville du Nord au Sud. En longeant le Rio de la Plata, je reconnais les rues que j'ai arpentées à l'époque ; c'est rare que je revienne ainsi sur mes pas, l'impression est étrange. Aussi, je reviens à l'aéroport Ezeiza : un mauvais souvenir celui-là, puisque je débarquai ici après deux jours pénibles dans les airs, sans le moindre sou en poche puisque j'avais perdu argent et carte Visa à Melbourne. J'ai trois heures d'attente ici, alors je traîne dehors ou dedans, entre les terminaux. Il fait déjà plus frais ici qu'à Rio, un avant-goût de ce qui m'attend en Espagne. L'été est fini, je retourne en hiver.




mardi 25 novembre 2014 - 1501e jour



Ca y est, voilà mon dernier jour plein à Rio de Janeiro, la cité merveilleuse. Pour conclure en beauté, je souhaite m'évader de l'agitation de la ville et trouver une plage tranquille avant de retourner en Europe, dans l'hiver. Comme d'habitude désormais, je commence la journée paisiblement en traînant à l'hôtel toute la matinée. Je me renseigne notamment sur une île que m'a conseillé Fabio en pleine ville, dans une lagune forcément polluée, alors je préfère me rendre jusqu'à une plage réputée sauvage, loin à l'Ouest. Le réceptionniste m'explique comment y aller, via trois bus, mais à l'arrêt indiqué, je poirote plus d'une demi-heure sans voir mon bus arriver. Je reviens donc vers lui pour demander une alternative et je repars dans l'autre sens vers la station de métro. Je ressors de sous terre sur une grande place d'Ipanema, où je monte dans un bus. Comme celui-ci traverse toute l'agglomération en s'arrêtant très souvent, on avance très lentement. La route, qui longe le littoral accidenté, est magnifique, mais il est déjà tard alors je change mes plans.



Je débarque dans une immense gare routière de la nouvelle Rio. Cette banlieue lointaine, Barra de Tijuca, s'allonge entre l'océan et plusieurs lagunes, avec toujours d'énormes montagnes qui barrent l'horizon. Ce quartier moderne et luxueux est en pleine expansion, suivant un urbanisme à l'américaine. Autour de très larges avenues s'élèvent des grappes de hautes tours, jusqu'à trente étages, et les plus grands centres commerciaux de la métropole. Les piétons ne sont pas à leur avantage ici, même s'il y a de nombreux espaces verts barricadés au pied des immeubles. Au delà de la route du littoral s'étend une plage d'une vingtaine de kilomètres, où je vais poser ma serviette. Mais avant ça , vu l'heure, j'entre dans un petit fast-food : le sandwich, accompagné de chips et d'un soda, est probablement le plus cher que je n'ai jamais acheté : 8 euros. Je m'installe ensuite sur cette bande infinie de sable blanc, sans avoir aucun mal à trouver un coin isolé. La mer est trop fraîche pour que je m'y baigne, alors je m'allonge sous le soleil voilé : ne rien faire pendant deux heures n'est pas si facile pour moi. Les yeux fixés sur le grand bleu parsemé de quelques îlots, je médite sur mon prochain retour au pays. Et puis je m'en retourne en car, en regardant défiler l'avenir de Rio jusqu'à revenir dans le centre. Je descends un peu avant la station de métro pour marcher un moment sur la plage d'Ipanema à la fin du jour, où flâne la bourgeoisie carioca. Plus tard à l'hôtel, je passe un moment sur internet pour régler quelques détails, notamment répondre à une fille de Madrid qui accepte de me recevoir. Puis je rejoins sur le toit l'équipe que je connais bien désormais, dont Sophie, la belge, ou Philippe, l'autrichien. En sirotant une bière, je passe un bon moment avec eux, dans la moiteur de la nuit.






lundi 24 novembre 2014 - 1500e jour



Après avoir vu les plus grands bidonvilles d'Afrique à Nairobi, et d'Asie à Bombay, je tiens à traverser le plus vaste d'Amérique, Rocinha, qui s'étend à l'Ouest du quartier huppé de Leblon. Je descends du bus juste à l'entrée et je m'y infiltre. De longue date, c'était une zone de non-droit où les gangsters régnaient en maître, mais il a été « pacifié » par les unités du BOPE, le GIGN local. Néanmoins, la tension reste palpable, comme en témoigne ce jeune gars qui déambule avec un revolver à la main ; alors je fais profil bas, la casquette bien vissée sur la tête. La zone, occupée par des dizaines de milliers de gens, est très entendue et il me faut deux longues heures pour en ressortir à l'opposée. C'est une ville dans la ville, le tiers-monde au coeur d'une cité opulente. Bien sûr le plat n'existe pas dans le coin, quelques petites rues donnant accès à des milliers de ruelles extrêmement étroites, qui ne voient jamais le soleil. Il y a bien de petites boutiques et des bars, mais l'ensemble est clairement insalubre avec des déchets partout et des égouts ignobles qui dégoulinent entre les habitations. Il y a tant de monde que je passe inaperçu, même si j'aboutis maintes fois dans des culs-de-sac. Je trouve finalement une issue qui débouche sur le quartier de Sao Conrado, où une large autoroute sépare des immeubles de standing moyen d'une longue et belle plage, conclue par des hôtels de luxe. Rio est vraiment la ville de tous le contrastes.












Je grignote sur la plage puis j'entreprends de traverser le parc national de Tijuca, la plus grande forêt urbaine au monde et dernier vestige de la forêt atlantique. Une petite route abrupte grimpe en lacet au milieu d'énormes montagnes, comme les gigantesques Pedra da Gavea et Pedra Bonita. C'est clairement la jungle, et je monte à un rythme soutenu dans cette végétation dense. Comme j'ai un long chemin à faire, je reste sur cette route au bord de laquelle des gens fortunés possèdent de belles villas protégées par de hauts murs et des gardiens. En effet, la forêt est immense et il me faut plusieurs heures pour atteindre le sommet. Plus loin au Nord, un petit quartier chic aux allures de village s'étend dans une vallée encaissée que l'altitude rend plus fraîche. Je continue à descendre tandis que l'urbanisation reprend peu à peu ses droits en suivant la même logique qu'ailleurs : des favelas sur les pentes les plus escarpées, puis plus bas de vilains immeubles, puis des zones commerciales et des buildings plus hauts et plus élégants. Les alentours sont très verdoyants et je continue à avancer malgré la fatigue. Ce n'est qu'après sept heures de marche, pour une trentaine de kilomètres, que j'entre dans un station de métro qui me ramène chez moi. Epuisé, j'y passe une soirée paisible parmi l'équipe que je connais bien désormais, et les autres qui ne font que passer comme les milliers d'autres visages que j'ai déjà croisés dans les mêmes conditions.





dimanche 23 novembre 2014 - 1499e jour



Mon séjour à Rio touche à sa fin et je suis allé à peu près partout dans le centre-ville et alentours. En ce dimanche pluvieux, je me dirige vers l'un des derniers vieux quartiers résidentiels, qui domine la zone du haut de sa colline. Je suis rentré fin saoul hier soir et ce matin encore, je suis en petite forme : une bonne marche devrait me remettre d'aplomb. Je débute la journée en attendant la fin d'une averse à l'endroit exact où j'ai terminé la soirée avec Sophie, au pied de l'escalier qui grimpe à Santa Teresa. Il n'y a pas d'immeubles ici, mais des maisons colorées du 19e siècle ; certaines sont de superbes villas bourgeoises, d'autres sont plus modestes et moins entretenues. Cet endroit attire de longue date les artistes, ce qui lui vaut sa réputation bohème même si l'inflation le transforme en quartier pour les classes aisées. L'ensemble s'aligne le long de ruelles sinueuses et pentues, ce qui lui confère un charme certain. J'apprécie de m'y perdre jusqu'à tomber sur une vénérable demeure en ruine, en partie rénovée avec du verre et du métal et noyée dans un beau jardin tropical. Tout en haut sur la terrasse, on domine toute la cité et au delà, la baie, pour un nouveau point de vue fabuleux. A proximité, la maison moderne d'un puissant homme d'affaires du 20e siècle est convertie en musée : ce n'est pas très grand mais les collections sont admirables.







Je continue ensuite à monter et descendre au hasard des rues pavées, en passant devant des ateliers de peinture ou de petits bistrots. Plus haut encore, j'aperçois un étroit passage qui sinue vers une favela. Sachant que mon quartier se trouve quelque part de l'autre côté, je m'engage. Je zigzague donc dans cet empilement précaire de briques et de béton, et dévalant des couloirs minuscules. Il n'y a pas de blancs ici ; des noirs et des métis sont assis ici ou là sur les marches, et quelques jeunes en train de fumer de l'herbe me regardent passer avec un oeil noir. Je ne m'attarde donc pas, circulant comme si de rien n'était en sifflotant un air de samba. En bas, je rejoins la ville via une rue très arborée, bordée d'immeubles luxueux surprotégés, qui, débouche directement sur mon boulevard. Je n'ai marché que quatre heures et vu mon état, c'est assez pour aujourd'hui ; je passe au supermarché faire quelques courses avant de rentrer. Je reste un moment sur internet puis je passe la soirée avec la jeunesse du Monde entier : le groupe de Sophie, qui vient étudier l'enseignement alternatif, dont un rasta autrichien et des filles de Hollande, Allemagne, Espagne, ainsi qu'avec mon copain chilien Ulyses, toujours le mot pour rire.







samedi 22 novembre 2014 - 1498e jour


Sans savoir l'heure qu'il est quand je me réveille, je monte au 3e où le petit-déjeuner est servi ; je suis le premier, il est à peine 7h. Au rez-de-chaussée ensuite, j'accapare l'ordinateur pour envoyer une bonne douzaine de demandes d'hébergement pour Madrid. En fin de matinée, je retourne dans le centre pour le troisième jour ; il est quand même vaste et très dense. Je reprends logiquement là où je m'étais arrêté hier, au niveau de la place du 15 Novembre où se déroule une brocante. J'observe la magnifique église Notre-Dame des Candelaria. Je prolonge jusqu'à l'extrémité Nord-Est de la ville, sur une petite colline qui s'élève au dessus de la baie. C'est là que fut bâtie la toute première église, Sao Bento. Celle-ci est ouverte mais en rénovation, remplie d'échafaudages du sol au plafond. On devine néanmoins un intérieur regorgeant de sculptures et de dorures. J'attaque ensuite le front de mer Nord, bouché par les installations portuaires : j'escalade un vieux quartier pentu avant de longer les docks, qui subissent aussi une rénovation de grande ampleur. Cela me conduit jusqu'à des faubourgs très populaires, au milieu de constructions dans un sale état. Je reviens vers le Sud en traversant les environs de la gare, énorme bâtiment Art déco. Jusque là les rues étaient quasi désertes mais ici il y a foule ; ces gens font clairement partie de la majorité pauvre. Tandis qu'il fait une chaleur écrasante aujourd'hui, ce thermomètre affichant 37 degrés, je traverse un grand parc suivi d'un quartier commerçant, les boutiques se logeant dans des maisons coloniales colorées. Me voilà à nouveau dans le centre, où de vieilles demeures subsistent au milieu de tours modernes. Je sillonne les allées du marché populaire Saara avant de bifurquer vers la cathédrale Sao Sebastiao. Cet impressionnant cône contemporain est plutôt vilain de dehors, mais à l'intérieur, immense, il règne une grande ferveur puisqu'on célèbre une messe et que les milliers de fidèles entonnent des cantiques.







C'en est assez, surtout par cette canicule, je rentre à l'hôtel. J'écris un moment puis je discute longuement avec Sophie ; d'avenir notamment. Cette fille de mon âge se cherche encore : elle vient à Rio pour enquêter sur les méthodes d'enseignement alternatives et projette de rester plus longtemps pour rédiger un doctorat sur le sujet. Et puisque nous somme samedi, nous sortons vers 22h30. Comme il y a quelques jours, nous allons vers le quartier de Lapa, mais ce soir il est extrêmement animé. Les jeunes cariocas remplissent les bars, où jouent presque partout des groupes live, ou bien ils s'amassent sur les trottoirs et les places dans la joie et la bonne humeur. Ainsi, nous circulons dans cette atmosphère très festive en enchaînant quelques bières suivies de caïpirinhas. Ce cocktail à base de rhum est très fort : deux verres pris sur le trottoir suffisent à me faire monter l'ivresse et j'en profite largement, baigné d'une atmosphère torride. Cette ville est incroyable.



vendredi 21 novembre 2014 - 1497e jour


Ce matin encore, je prends mon temps : petit-déj', journal de bord, internet. Et puis vers midi, comme l'hôtel est complet, je prends mes cliques et mes claques et je déménage une nouvelle fois. Je retourne dans un établissement de la même rue où j'ai séjourné en arrivant, et je retrouve Ulises et Laura au comptoir, puisque nous sommes venus réserver ensemble hier. C'est un peu l'usine ici, la façade de l'immeuble est étroite mais il est très profond et les couloirs sont interminables. Pour une seule nuit, je pose mon sac dans un dortoir étriqué de quatre lits. Ici aussi l'eau est coupée :la saison sèche se prolonge anormalement et Rio fait face à une pénurie. En outre, je ne pars pas avec mes collègues traînards aujourd'hui : je reprends mon exploration du centre-ville, là où je l'avais laissée avant-hier. Je sors de terre à Cinelandia, là où on risque un torticolis en regardant le sommet des gratte-ciel. Sous un porche, je m'arrête d'abord pour écouter un orchestre de jazz, excellent, et puis je fonce vers le front de mer, cette partie qu'on a gagnée sur l'océan et qui subit des transformations de grande ampleur. J'entre dans le musée d'histoire, logés dans plusieurs bâtiments très anciens, dont l'arsenal de l'époque coloniale. Ils ont été parfaitement rénovés et aménagés et le musée, qui retrace admirablement toute l'histoire du pays, s'avère passionnant. Pendant deux bonnes heures, je circule dans les salles qui retracent la préhistoire, la culture indigène, la colonisation, l'Empire, et la République jusqu'à aujourd'hui. En sortant, je suis satisfait de maîtriser l'histoire brésilienne. L'après-midi est déjà bien avancée alors je me concentre sur la zone historique coincée entre les hautes tours, autour de la place du 15 Novembre. Un gentil garçon me fait visiter le Palacio Tiradentes, superbe bâtiment néo-classique du début du 20e siècle, qui fit office d'Assemblée Nationale jusqu'à son déménagement à Brasilia. Il abrite désormais l'Assemblée de l'Etat de Rio. Juste à côté, j'entre dans l'ancien Palais Royal, vaste édifice sans fioriture qui hébergea un temps la cour du Roi du Portugal lorsqu'elle dût fuir les armées napoléoniennes.









Après mes leçons, j'arpente quelques unes des plus anciennes rues de la ville, où les vieilles maisons coloniales abritent désormais d'élégants cafés. Je rente finalement vers 19h, fatigué encore, et je retrouve le couple germano-chilien. Nous ressortons un peu plus tard sur la place Sao Salvador toute proche, aussi remplie de monde qu'hier soir, mais là encore la musique s'est déjà arrêté. Après une bière au milieu de la foule, nous rentrons nous coucher.


jeudi 20 novembre 2014 - 1496e jour



Aujourd'hui, je passe tout la journée en compagnie d'Ulises et Laura. Cette jeune allemande de 21 ans est rigolote, mais c'est surtout avec ce type de 27 ans que j'ai beaucoup de points communs. Ils vivent ensemble en Allemagne et Ulises a pas mal bourlingué, ayant vécu en Nouvelle-Zélande par exemple. Comme je connais bien la ville désormais, je conduis l'équipe. Nous allons en métro jusqu'au centre, que je laisse de côté aujourd'hui, puis nous prenons le ferry qui nous voit traverser l'immense baie de Guanaraba. La minuscule Ilha Fiscal est occupée par un palais néo-gothique tout droit sorti d'un conte de fée, qui contraste avec le pont Costa e Silva de 14 km de long en arrière-plan. Sur l'autre rive, Niteroi est devenu partie intégrante de la mégapole, une banlieue riche un peu à l'écart de son agitation. Tout près du port, nous parcourons une esplanade qui comprend plusieurs constructions futuristes de Niemeyer, rappelant forcément Brasilia. Comme mes amis supportent mal la chaleur, nous prenons le bus pour longer le littoral jusqu'à l'un des chefs d'oeuvre du célèbre architecte, une grande soucoupe volante perchée sur une falaise. Il abrite un intéressant musée d'art moderne et en le visitant, je dois m'adapter au rythme nonchalant de mes camarades. Nous déjeunons dans un bon restaurant avant d'aller bronzer sur la plage tout en continuant à échanger.










Plus tard, nous passons rapidement à l'hôtel pour dîner, puis je nous emmène vers Copacabana pour dénicher un bar musical historique. Perdu au milieu des tours, l'établissement est minuscule. Une trentaine de personnes sont rassemblées dehors tandis qu'un guitariste virtuose joue des airs de bossa-nova depuis le pas-de-porte. Pourtant mes amis s'ennuient, alors nous allons marcher un peu sur la plage immense illuminée par de puissants projecteurs, surtout par soucis de sécurité à mon avis. Nous flânons un moment dans le quartier, relativement calme, avant de rentrer du côté de Catete. Encore en suivant mes tuyaux, nous faisons un court détour vers la place Sao Salvador. Nous sommes stupéfiés de la trouver noire de monde, occupé par un bon millier de gens qui descendent des quantités astronomiques de bières. La musique est déjà terminée mais l'ambiance reste très chaleureuse. Nous nous en imprégnons en buvant un verre avant de retourner à l'hôtel. Laura va se coucher mais Ulises et moi continuons nos bavardages. Il me fait quelques tours de magie avec des cartes, puis me raconte longuement le sujet du livre qu'il projette d'écrire. Il s'agit de science-fiction et son scénario est aussi original qu'élaboré. Je me demande si ce type est un génie ou un fou ; à moins que ce ne soit un peu des deux.




mercredi 19 novembre 2014 - 1495e jour


Puisque mon dortoir donne directement sur la rue, je dors mal ces jours-ci et avec la très longue journée d'hier, je me lève encore bien fatigué. Ce matin encore, je prends mon temps pour profiter du petit-déjeuner et du l'ordinateur à disposition, puis je me motive en fin de matinée. Je traverse mon quartier droit jusqu'à l'immense plage de Flamengo qui donne sur la baie. Entre celle-ci et les grands boulevards qui longent le littoral, un long parc aménagé aboutit à une petite anse artificielle où mouillent de nombreux voiliers et quelques yachts. De l'autre côté, j'entre dans le bâtiment contemporain du musée d'Art moderne, quelque peu décevant, puis je traverse quatre ou cinq boulevards d'affilé pour me trouver face à la forêt de gratte-ciel du centre-ville. C'est l'heure de la pause déjeuner et les rues sont bondées d'employés de bureau qui fourmillent entre d'immenses tours de verre plus ou moins récentes. Autour d'une vaste place, quelques très beaux bâtiments classiques se mêlent à l'architecture contemporaine, comme le Teatro Municipal inspiré de l'Opéra de Paris, ou le musée des Beaux-Arts que je ne manque pas de visiter. Je reste vraiment fatigué alors après avoir traîné dans le centre historique, qui conserve de belles bâtisses coloniales, je rentre en métro, comme d'habitude, pour me reposer.

Concernant ce genre d'hôtels où se croisent des voyageurs du Monde entier, je suis rodé, bien que ces endroits impersonnels ne sont pas ceux où je préfère séjourner. Quant un type me salue alors que je suis en train d'écrire, je prends un air étonné et réplique qu'en général, les occidentaux ne sont pas si courtois. C'est normal, il est chilien, en vacances avec sa petite amie allemande. Nous bavardons longuement et j'accepte avec plaisir de les accompagner à Niteroi demain. D'ici là, je passe un moment sur l'ordinateur avant d'aller me coucher de bonne heure.





mardi 18 novembre 2014 - 1494e jour


Avant de raconter cette belle journée, je dois préciser que j'ai eu une excellent conversation hier soir, avec ma copine belge et un charmant monsieur de soixante ans environ qui partage mon dortoir. Comme il nous offre un verre de vin, nous nous asseyons avec lui. Il nous apprend qu'il est un vrai carioca, qui est né et a vécu toute sa vie à Rio avant de partir à la campagne pour faire du fromage. Son anglais est approximatif mais qu'importe, ce type est brillant. D'une voix posé et plein d'humilité, il nous parle de ses voyages, plus jeune, de ses filles, ainsi que de l'évolution de Rio et du Brésil. La discussion se prolonge jusqu'à 1h du matin et, fan de musique comme tous les brésiliens, il me donne plein de tuyaux sur les lieux où en écouter ; je n'attendais que ça.

Levé tard donc, je prends tout mon temps pour déjeuner en feuilletant un National Geographic ; et puis comme le virement de mes toutes dernières économies est effectif, j'achète mon billet d'avion pour Madrid, pour 500 euros : départ dans une semaine, le 26. Vers midi enfin, je décolle, et je poursuis mon exploration de Rio en remontant depuis le Sud. Les yeux grands ouverts, je patrouille longuement dans le secteur de Botafogo, situé entre les plages au Sud et le centre au Nord, et engoncé entre plusieurs pics granitiques, dont le vertigineux Corovado surmonté du Christ 700 m plus haut. Ce quartier ressemble à ceux que j'ai déjà vu, tout en étant un peu moins luxueux. Il y a de grandes avenues, des rues plus étroites et de vastes places, toutes très arborées et assez animées. Quelques vieilles bâtisses classiques se retrouvent cernées entre des grappes d'immeubles immenses. Sur les hauteurs, une favela aux bicoques bariolées voisine avec un quartier résidentiel de villas très distinguées. Gauche, droite, droite, gauche, j'entre ensuite dans un très vaste cimetière où des centaines de statues d'anges veillent sur les sépultures gothiques. Je prolonge sur un boulevard commerçant puis escalade une colline pour prendre une collation au calme. De là-haut, je peux contrôler tout le chemin que je viens d'accomplir, et de l'autre côté, surgit d'entre les arbres le fameux Pain de Sucre ; c'est décidé, je vais aller le voir de plus près.







Comme toujours, je marche à vive allure, traverse plus lentement une honorable université, et aboutit à une superbe petite crique encadré par deux montagnes. Sur le flanc de l'une d'elles, un sentier s'enfonce dans les bois en direction du Pain de Sucre. La question ne se pose pas, je m'engage joyeusement, sans même chercher à savoir combien coûte le téléphérique qui glisse dans le ciel. Au bout du chemin qui surplombe l'Atlantique, un panneau interdit de continuer sans un guide professionnel : exactement ce qu'il ne faut pas me dire. Je commence à grimper mais rapidement la pente devient impossible : le roc colossal s'élèvent devant moi, incroyablement vertical, à 400 m au dessus de la mer. Planté juste à l'entrée de la Baie de Guanabara, il en est la vigie naturelle. En revenant sur mes pas, je ne peux pas m'empêcher de m'enfoncer dans la jungle en espérant trouver un passage entre les deux pics. La végétation n'est pas si dense et après peut-être 1h30 d'ascension, je bascule en effet sur l'autre versant. La pente est bien trop raide par ici, alors je suis un sentier qui me conduit au sommet du Morro da Urca. Puisque le téléphérique s'arrête ici, il y a une grande plate-forme aménagée, avec plusieurs bars et leurs terrasses panoramiques, très chers évidemment. Je profite un moment de la vue fabuleuse et redescend au pas de course.





De retour à Botafogo, comme j'ai besoin d'un pantalon pour éventuellement sortir ce soir, j'arpente un immense centre commercial ultramoderne de six étages, mais j'en ressors bredouille et retourne à l'hôtel. Là, Sophie, la belge, est disposée à aller voir ce concert dont nous a parlé ce vieux carioca hier. Nous ressortons vers 23h pour aller en plein centre à Lapa, le quartier le plus animé de la ville. Néanmoins, en ce mardi, c'est plutôt calme. Nous sirotons une bière au pied d'un grand aqueduc où joue une fanfare composée d'une bonne quarantaine de musiciens, puis nous flânons dans les rues en bavardant. L'établissement que nous visons est fermé mais nous effectuons plusieurs haltes devant des bars où se produisent des groupes. Nous rentrons finalement vers 1h30 : j'ai dû marcher environ dix heures aujourd'hui, je suis exténué.



lundi 17 novembre 2014 - 1493e jour


En sortant vers 10h, je file tout droit vers le train du Corovado. Je connais le chemin cette fois et il y a beaucoup moins de monde aujourd'hui. A la gare, j'achète mon ticket à 50 reales et comme le départ est dans 1h30, je vais faire un tour dans le quartier. Une ruelle qui monte à sec attire mon attention : après quelques minutes, me voilà dans une favela ; c'est ainsi qu'on appelle ces quartiers pauvres aux constructions anarchiques qui s'entassent dans les pentes abruptes, là où les bâtiments classiques ne peuvent pas être bâtis. Celle-ci est assez petite et très calme ; les gens que je croise sont indifférents à ma présence. Je suis monté par une rue et je redescends entre les maisons à l'équilibre précaire, par des escaliers très raides qui zigzaguent entre les parpaings rouge. L'expérience était brève, mais je compte me rendre plus tard dans la plus grande favela de la ville.

D'ici là, je me mêle à la foule des touristes plus ou moins fortunés pour monter dans le train à crémaillère qui embarque des milliers de passagers chaque jour. La voie ferrée escalade la côte en serpentant dans une belle forêt puis nous débarquons sur une première plate-forme aménagée. Je gravis les escaliers sans m'arrêter devant les nombreuses boutiques de souvenirs et atteins le sommet du Corovado, qui se dresse à 700 m d'altitude au beau milieu de l'agglomération. J'observe un moment l'impressionnante statue de 40 m de haut puis je me faufile dans une foule compacte jusqu'au bout du belvédère. La vue est hallucinante : on domine toute la ville et surtout son environnement exceptionnel. Plusieurs pics isolées couverts de forêt surgissent des tours de béton, et la baie de Guanabara révèle son gigantisme, cernée de montagnes qui ondulent jusqu'à disparaître à l'horizon.




J'en profite longuement avant de redescendre et de sauter dans un bus en direction de Copacabana. Je circule d'abord entre les buildings du quartier, toujours verdoyant, et je débouche sur la plage mythique, démesurée, un arc de sable blanc de 8 km. En partant de son extrémité Est, je la parcours intégralement jusqu'au fort à l'opposé, les pieds dans l'eau et face au soleil éblouissant. De l'autre côté de l'avenue qui la borde se dresse une ligne ininterrompue de grands immeubles luxueux. Ici, un simple appartement se négocie plusieurs millions de dollars. Même un lundi, la plage est occupée par des milliers de gens qui s'adonnent à un concours de bronzage, ou de fesses rebondies. Je circule encore un peu dans les rues commerçantes à l'américaine avant de rentrer en métro. Tout de même, cette ville est incroyable. 
 



dimanche 16 novembre 2014 - 1492e jour




Rio est coûteuse et pour réduire les frais, comme d'habitude, je me gave au petit-déjeuner que je prends en compagnie de la belge. Dehors, je m'apprête à aller visiter quelque musée, mais le ciel a l'air de se dégager. C'est décidé, je monte direct au Coravado, l'énorme piton rocheux où est planté l'emblème de la cité, le Christ Rédempteur. Sur mon plan, le train qui y conduit démarre tout au bout de cette rue, disons quinze minutes de marche. En fait je mets plus d'une heure, ce qui veut dire 6 ou 7 km ; cette ville est immense. Sur place, je constate que qu'il y a une queue interminable, logique en ce dimanche ensoleillé ; alors je change encore mes plans. Trop heureux d'enfin voir le ciel bleu, je saute dans un bus qui affiche « Jardim botanico ». Celui-ci, crée il y a plus de cent ans pour l'empereur de l'époque, est aussi vaste que merveilleux. C'est assurément l'un des plus beaux qu'il m'est été donné de voir et je flâne deux bonnes heures dans ces allées bordées de palmiers de quarante mètres et dans ces différents jardins à thème, époustouflé par l'ampleur de la collection, des arbres de tous les continents dont certains que je me plais à reconnaître. En sortant, le Christ là-haut continue de me narguer, même s'il semble minuscule au sommet de cette montagne monumentale aux pentes quasi verticales. Il paraît qu'un sentier y monte mais ça me prendrait des heures, surtout en sandales ; je reviendrai.








Je bifurque donc au Sud pour déboucher sur le vaste lac Rodrigo de Freitas, entouré de montagnes un peu moins imposantes et d'une multitude de buildings. Les alentours sont chics, comme en témoigne le luxueux club de voile. Tout autour du lac, j'emprunte une agréable promenade où des types musculeux font du jogging jusqu'à une large aire de jeux où s'amusent des centaines de gamins. Je fais un break pour grignoter du pain et du fromage achetés plus tôt, quand soudain, ce n'est pas anodin, une jolie fille en uniforme de l'office des forêts m'apporte un rafraîchissement, tout naturellement. Ca, ça n'arrive pas tout les jours. Plus tard, au Sud, je pénètre dans les quartiers les plus riches de Rio, Leblon et Ipanema. Dans le premier, je zigzague dans les avenues bien quadrillées, à l'ombre d'innombrables immeubles de standing. Ils n'ont rien d'exceptionnel mais sont quand même assez modernes et très élégants ; on peut sentir l'odeur du luxe. Surtout, les larges trottoirs sont parfaitement aménagés et plantés d'arbres et de plantes en tout genre. En descendant encore, je croise des badauds légèrement vêtus et au bout de la rue, j'atterris sur une plage superbe, très large et longue de plusieurs kilomètres. Elle est remplie de milliers de gens qui se prélassent dans des chaises longues, ou jouent au volley entre les stands de boisson ou de la police. Le sable blanc est très propre et les eaux claires de l'Atlantique, parsemées de quelques îlots rocheux, s'étendent à l'infini. Le soleil brille, il fait chaud, alors je tombe le t-shirt et avance les pieds dans l'eau dans ce décor sublime.








Je remonte ensuite voir les rues d'Ipanema, semblables à celles de Leblon, et au bout d'une succession de boutiques de luxe, je traverse une grande place toujours luxuriante où se déroule une joyeuse feria hippie. Je déambule un moments entre les stands de peinture et d'artisanat avant de retourner sur la plage. Celle-ci se termine à l'Est par un gros rocher sur lequel s'entassent des centaines de personnes venues admirer le coucher du soleil. Je fais de même en sirotant une bière, sur les rives de la cité merveilleuse. C'est vrai qu'elle est belle Rio, mais c'est surtout le site qui est exceptionnel, entre la forêt atlantique préservée, ses incroyables pitons rocheux et toutes ses plages de rêve. Pour rentrer, je m'engouffre ensuite dans le métro bondé : là aussi il y a de la cuisse au m2, et même juste en face de moi, une adolescente exhibe au décolleté un préservatif et même le lubrifiant, au cas où je suppose. On aura tout vu.






samedi 15 novembre 2014 - 1491e jour


Le temps est toujours frais et pluvieux ce matin ; vraiment, je ne reconnais pas ce climat soit-disant tropical. Bon, ce n'est pas grave, je continue à recharger les batteries. Après un copieux petit-déjeuner, je passe un long moment à la salle de bain collective. Lors de l'inspection générale, j'arrache les dernières petites bestioles, des genres de tiques, solidement accrochés à ma peau depuis la forêt d'Ouro Preto, et j'opère une petite infection à un orteil ; pas si petite finalement vu le trou qu'elle laisse. Et puis comme l'hôtel est complet en ce jour férié, je dois déménager. Néanmoins je ne vais pas bien loin, dans cet hostel que j'ai réservé hier. Il est plus étriqué mais l'atmosphère y est plus conviviale, notamment grâce à sa cuisine ouverte à l'étage. Décidé à découvrir Rio par beau temps, je termine de rattraper le retard dans ces pages avant de sortir déjeuner. Je repère d'abord mon quartier, rues et avenues, ainsi que cette grande place arborée ; les arbres immenses prouvent qu'on est bien sous les tropiques, malgré la pluie fine et les vingt petits degrés. Je m'arrête dans un fast-food, aussi cher qu'en France, et je fais des courses dans un supermarché impeccable, aux prix tout aussi élevés. Puis je m'en retourne en sifflotant sous la pluie.



Finalement, cette auberge n'est pas si géniale que ça maintenant que tous ses occupants sont rentrés. La place manque vraiment, j'ai bien du mal à trouver un petit coin pour manger. Et puis ces occidentaux sont toujours aussi impolis : pas un bonjour, pas un sourire, rien. Heureusement les quelques brésiliens remontent le niveau, de même que cette belge sympathique. Elle n'en croit pas ses oreilles quand je lui dit depuis combien de temps je voyage. C'est clair, j'ai un ticket, mais elle est plutôt vilaine. Et puis je débute la rédaction d'un nouveau texte pour le blog, sur le Pérou, avec plus de deux mois de retard. Déjà, quand je suis au calme, j'ai grand peine à me lancer, alors là, avec le foutoir ambiant c'est impossible. Je capitule et je vais feuilleter un magazine féminin en français dans ma chambrée de huit.