samedi 8 novembre 2014 - 1484e jour



Ca y est presque, j'arrive au bout de mon rêve. Mais je sais que je ne dois pas encore me relâcher, ou juste un peu, en profitant de la douce vague de l'Amazone. Et en routard drôlement aguerri, je continue d'enchaîner les kilomètres et de débarquer dans les stations de bus. Forcément j'ai mal dormi à bord mais j'ai le plaisir de voir le lever du soleil sur une région montagneuse boisée. C'est l'état du Minas Gerais qui, au 18e siècle, produisait presque tout l'or du monde. Il en résulte quelques superbes petites cités coloniales comme celle où je me rends. Aujourd'hui, la région reste lourdement industrialisée, puisqu'on extrait toujours d'énormes quantités de métaux (fer) ; comme en témoignent plusieurs grosses usines qui ont grignoté toute une colline. Je ne m'arrête pas dans la capitale Belo Horizonte, 5 millions d'habitants et une forêt dense de buildings ; je ne fais que la traverser entièrement d'une station de métro à une vaste gare routière. J'aime beaucoup le paysage qui défile pendant les trois heures suivantes, quand les montagnes n'ont pas été pelées. Encore une gare routière, petite celle-là : j'y trouve une carte et un téléphone, et appelle Fabio, mon nouvel hôte, peut-être le dernier d'une liste incroyable, qui en suivant arrive en vélo. Nous allons ensemble jusqu'à chez lui, dans un quartier très tranquille proche des limites de la ville. Derrière un garage, nous entrons dans une toute petite maison en duplex. C'est simple mais c'est grand, et surtout très relax ; bref, c'est parfait. Fabio est un peu intimidé mais moi j'ai l'habitude : je suis d'emblée très à l'aise. Ce jeune homme jovial et paisible de 24 ans est donc étudiant en ingénierie civile, et il ne peut m'accueillir mieux puisqu'il paye sa weed d'entrée. Ses parents ne sont pas bien riches me dit-il, mais ils lui payent son logement et ses études qu'il termine très bientôt. Visiblement très ouvert, il m'avoue être un peu solitaire, et finis par me glisser, l'air de rien, qu'il est gay. Ca a le don de bien nous faire rire, puisque je viens juste de débattre du sujet avec Ciro de Brasilia, homo lui aussi. Mais qu'importe, ce garçon est charmant, et en plus il m'amuse. Il est aussi très curieux et admiratif de mon grand voyage, que je lui raconte avec plaisir.




Puis il doit écrire un papier alors je le laisse travailler et je rechausse mes vieilles baskets. En suivant ma méthode éprouvée, je passe de longues minutes devant la porte et dans les rues adjacentes pour bien repérer les lieux. En levant les yeux, je fixe cette colline abrupte au-dessus du quartier : vendu, je grimpe là-haut pour évaluer les environs à plus grande échelle. Je monte d'abord jusqu'aux quartiers les plus hauts perchés, bien content de me dérouiller les cannes dans des ruelles escarpées ou d'étroits escaliers. Je demande l'autorisation à ce type pour traverser son jardin et j'atterris dans une broussaille assez épaisse. J'attaque la pente en me faufilant dans de minuscules sentiers, voire hors piste, et au sommet, la vue embrasse toute la vallée encaissée d'Ouro Preto. La jolie bourgade s'étale en contrebas, coiffée de moult clochers baroques, avec tous ces toits de tuiles qui ondulent en épousant le relief. Guilleret, je redescends vers le centre à quelques kilomètres. J'y vais juste pour humer l'atmosphère, car je compte bien explorer cette cité historique dans les règles de l'art. En effet le centre est ravissant, avec ces venelles pavées et toutes ces demeures coloniales parfaitement restaurées, aux murs blancs et menuiseries colorées. C'est aussi très touristique, comme le prouvent toutes ces boutiques d'artisanat ou de vêtements, dont certaines très chics et même quelques luxueux hôtels. C'est une petite ville mais elle abrite une université réputée et donc une grande proportion d'étudiants, ce qui lui vaut d'être très vivante et animée. Autour de la Grand Place, là où l'ancien fort fait face au Palais de la Monnaie, je croise plusieurs petites fêtes avec des groupes live, tandis que les touristes se tirent le portrait devant une superbe église.











J'en ai vu assez pour aujourd'hui, je retourne chez Fabio par un chemin différent. Je reviens avec lui un peu plus tard pour aller dans une petite fête organisée par l'une des nombreuses communautés étudiantes, mais le prix d'entrée nous rebute alors nous nous contentons de siroter une bière dans un bar, sur le trottoir comme c'est l'usage. Puis il faut encore grimper jusqu'à la maison, où je me propose, pour une fois, de faire à manger. Je ne prépare pourtant qu'une simple omelette aux patates, mais vus l'équipement minimal et mon incompétence, c'est une catastrophe. Malgré tout, ça reste comestible et nous discutons longuement, du Monde surtout ; entre autres, il me raconte son séjour à Dubaï dans le cadre d'un échange scolaire, ce petit monde étrange, ultra-riche et ultra-moderne bâti en plein désert. Nous passons une excellente soirée tous les deux, sachant qu'outre notre connivence, j'ai aussi acheté une bouteille de vin et que lui roule plusieurs joints.


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