Ljubljana - Zadar : grosse(s) journée(s)

Ce matin, je quitte l'hôtel de bonne heure. J'ai la journée pour visiter la capitale Slovène, puisque mon train pour Gospic, en Croatie ne part qu'à 18h30. Je ne mesurerai les conséquences du choix hasardeux de ma destination que bien plus tard dans la nuit.

Ljubljana est une ville modeste et paisible, ou vivent 280 000 habitants. Dans le centre, de nombreux bâtiments baroques datant de la Renaissance, et d'autres, plus récents de style Art nouveau, s'intègrent joliment au milieu de multiples jardins et forêts. La cité est dominée par le Ljubljanski Grad, une ancienne forteresse du XIIe siècle, bâtie au sommet d'un piton rocheux. Malheureusement, la place principale est intégralement fermée pour travaux, mais la promenade le long de la rivière Ljubljanica est superbe.

Je quitte la Slovénie comme j'y suis entrée, en train et de nuit. Ainsi, je franchis ma quatrième frontière et atteint, vers 22h, la seconde capitale de ma journée : Zagreb, deux heures d'arrêt. J'entreprend un tour express de l'hyper-centre. Le vendredi soir, la jeunesse croate est de sortie. Sur les terrasses, les bancs publics, et même sur les pelouses malgré un froid polaire, elle s'amuse en buvant. De grands parcs succèdent à de longues avenues piétonnières, et j'apercois quelques uns des plus beaux édifices de la ville : la cathédrale Saint-Stéphane, le musée Mimara, ou le Théâtre National.

J'arrive à Gospic à 2h45 : la gare est minuscule, comme doit l'être la ville. Je me retrouve seul dans la nuit, faiblement eclairé par un lampadaire minable qui peine à percer le brouillard. Il est hautement improbable de trouver un hôtel dans ce trou, à cette heure, et il fait bien trop froid pour camper. Je n'ai donc plus qu'à marcher, sur la route qui file au sud-est, jusqu'au lever du soleil.
J'ai déja dû marcher environ six heures depuis le matin. Malgré la fatigue et les douleurs, j'égrène les bornes kilométriques et les heures. A la lueur de la pleine lune, je devine, tout autour de moi, de hautes montagnes, et de vastes étendues d'eau. A 6h, lorsque l'aube commence a poindre, j'ai parcouru dix kilomètres et mon sac est constellé de givre. Lentement, au rythme de mes pas, le paysage s'illumine ; il est sublime. Je longe une vaste vallée parsemée de lacs encore sous la brume et les montagnes, majestueuses, sont recouvertes d'épaisses forêts rougies par l'automne. J'apprendrai plus tard que j'arpente le parc national des lacs de Plivitce, classé par l'Unesco : choix judicieux.
A 8h, le jour s'est levé et j'atteint une entrée d'autoroute, où je me poste en attente d'un aimable chauffeur. Miraculeusement, dix minutes plus tard, la première voiture que je vois s'arrête : Carlo, pompier débonnaire d'une quarantaine d'année, a fini son service et rentre à Zadar. Quand je lui raconte ma nuit, il me traite de fou : j'acquiesce. Puis en pénétrant un long tunnel, il m'explique en riant que l'on quitte l'hiver pour l'été. Et en effet, cinq kilomètres et cinq minutes plus loin, le thermomètre est remonté de 10 degres ! La vue sur l'Adriatique, dans laquelle vient mourir le massif karstique en une multitudes d'iles rocheuses, est splendide.

Mon ami me dépose à la gare routière, d'où il me faudra encore une heure de marche pour atteindre, épuisé, l'auberge de jeunesse. Enfin, vers 11h, je m'écroule pour une longue sieste salutaire.

Venise, l'éternelle en sursis

Dans le train pour Venise, bientôt arrivé, je plie bagage. Soudain, j'entend l'annonce de l'arrêt pour "Vicenza" : je fonce et saute du train... pour reprendre le suivant, un quart d'heure plus tard, pour "Venezia". J'en ferai sûrement de pire...



Pendant plus de mille ans, Venise a prospéré au rythme de son commerce intensif et de ses conquêtes méditerranéennes. Dès le Ve siècle, quelques habitants de la plaine du Pô, chassés par les invasions barbares, s'installèrent sur les îles à proximité du delta. A l'aube du IIe millénaire, étendant son influence par la mer, elle devint indépendante. Sa République perdurera huit siècles, jusqu'à son annexion par Napoléon, en 1797. A son apogée, elle était le plus important port de la Méditerranée et exerçait une forte influence sur le reste de l'Europe au niveau artistique et architectural.
Aujourd'hui, Venise intra-muros compte plus de 60 000 habitants, et 270 000 pour toute l'agglomération. Elle est le seul ensemble urbain d'envergure au monde où ne roule aucun véhicule motorisé. Toute l'organisation de la ville est régie par ses embarcations : transports publics, livraisons, même les ouvriers du bâtiment chargent et déchargent les matériaux à quai. Partout, on tire des diables qui débordent en les faisant monter ou descendre les marches d'innombrables ponts. Ici, les grands axes étant des canaux, le plus simple est de circuler en bateau ; j'irai donc à pied.



Venise est une expérience unique : on la visite comme un immense musée au charme desuet où chaque coin de rue est une attraction. On y emprunte de grandes rues commerçantes où pullulent hôtels, restaurants et commerces en tout genre. On y franchit des centaines de ponts ; certains imposant, comme le Rialto, sur lequel sont même installés des boutiques ; d'autres minuscules qui débouchent sur d'étroites ruelles, où, en plein jour, il fait preque nuit. La plupart des touristes, et moi le premier, se battent avec leur plan pour s'orienter. Peine perdue : il est impossible de ne pas se perdre dans ce fabuleux labyrinthe. Les allées et places les plus fréquentées sont grandioses, et les édifices les plus réputés tous plus prodigieux les uns que les autres. Outre la Basilique Santa Maria et l'Eglise du même nom, le clou du spectacle reste la majestueuse Place San Marco, classée au Patrimoine Mondial. On y trouve le Palais des Doges, l'ancienne assemblée ; le Campanile, tour qui domine la cité ; et surtout la Basilique San Marco, renconstruite autour de l'an mil, chef d'oeuvre d'architecture byzantine. A l'intérieur, tout le plafond des coupoles est ornée d'impressionnantes îcones sur fond d'or. Et tout cela est composé de minuscule carreaux de mosaïque ! Inouï...
Pourtant, quand j'ai découvert cette vaste place, les visiteurs avançaient péniblement, en une seule file indienne, montés sur d'étroites estrades de bois. La mer, au plus haut, recouvrait d'au moins cinquante centimètres les dalles de marbre de l'ensemble de la place : la plus belle piscine au monde... Sous son poids invraisemblable, inexorablement, elle s'enfonce. En effet, en guise de fondations, les vénitiens ont planté dans le sol sablonneux de grand pilier de bois, recouvert de plateformes composées de rondins solidement arimés. Partout, l'eau affleure les quais, parfois les déborde. Et même si le lendemain la marée est plus basse, j'observe, en m'enfonçant dans les quartiers excentrés, plus populaires, que la ville se désagrège de toutes parts, et que les ouvriers qui s'affairent ça et là font face à une tâche insurmontable.

Dans mille ans, Venise ne sera peut-être plus qu'un mythe, tel l'Atlantide de nos jours. A moins qu'on ne la visite en sous-marin...

Tentaculaire Milan

Je traverse les Alpes comme on regarde un film. Par la fenêtre du train, le scénario défile. Il commence en douceur, en longeant longuement le lac Léman jusqu'à Montreux. Puis l'histoire s'accélère : le relief s'accentue, les premières neiges blanchissent les sommets. Peu à peu, le long de la Vallée du Rhône, l'horizon devient radical, le paysage à couper le souffle. Et brusquement, c'est l'écran noir : le train s'engouffre dans le tunnel du Simplon. Ainsi, je franchis ma seconde frontière dans l'obscurité. Puis un flash ; le spectacle reprend, saccadé par les pics abrupts et les gouffres sans fond. Puis l'action va decrescendo vers le paisible lac Majeur, descend vers l'industrieuse vallée du Pô, pour enfin, atteindre la capitale économique de l'Italie, Milan.












L'agglomération est très vaste et plus de sept millions d'âmes y cohabitent. Je découvre d'abord sa gare : elle est monumentale. Puis, dans la soirée, en me rendant dans plusieurs auberges à la recherche d'un lit , j'évalue pendant quatre heures son efficace réseau de transport : metro, bus, train de banlieue.
Lundi, la ville grouille. Je me fond dans la cohue et parcours en tout sens, à la japonaise, le centre historique. Fantastique, il rappelle que l'Italie est à l'origine du renouveau des sciences et des arts dès le XIVe siècle : la Renaissance. La cathédrale, "il Duomo", débutée en 1388, en est l'apothéose. Bâtie en marbre, elle révèle une finesse extravagante. Par millions, des scultures de toutes dimensions ornent chaque recoin de l'édifice, à l'intérieur comme à l'extérieur.
Une imposante forteresse du XVe siècle, "il Castello Sforzesco", rappelle le passé agité de la cité, puisque de diverses armées y ont stationné : les espagnols, les autrichiens, ou encore les troupes de Napoléon.
Mais Milan, cité florissante, a su allier histoire et modernité. plusieurs immenses gratte-ciel sont en construction, comme pour prouver la puissance et l'ambition de la mégalopole.
La capitale lombarde est une ville magnifique, et les milanaises le sont tout autant... Je la range aux cotes de Paris et Barcelone, les plus belles villes que j'ai vu jusqu'alors. Les larges avenues sont bordées d'arbres ou de taillis ; des bâtiments richement ouvrages et de toutes époques s'y côtoient harmonieusement. Les italiens sont aimables et expansifs : on peut deviner le sens d'une conversation rien qu'en les observant.
Le soir, des français égarés me prennent pour un milanais. Je joue le jeu et après les avoir orienté en anglais, il me remercient : Grazie Mille !

Mise en jambes


Enfin, le jour du grand départ est arrivé ! Ce matin, je prends la route, la grande, l'ultime. Ma mère, qui doit sortir, a préféré que je m'en aille après elle. Elle m'embrasse brièvement, les yeux humides :
- Je n'aime pas beaucoup les adieux.
- Alors on se dit à tout à l'heure ?
Et, étrangement, c'est moi qui la regarde passer la porte.
Peu après, je quitte la maison et mon père, qui, tout sourire, observe mes premiers pas. Mes parents sont formidables...

Mon premier chauffeur est une vieille dame sans âge. Etant très rarement pris en stop par les mamies, je le prends comme un bon présage. Je passe ma première nuit à Moulins, dans un foyer, puis la seconde a Bourg-en-Bresse, dans un modeste hotel de gare. Ces deux premiers jours, j'ai beaucoup marché, et beaucoup attendu : j'apprends. J'apprends à bien me placer pour lever le pouce, j'apprends à me méfier des indications des gens qui ne se déplacent qu'en voiture, ou de mes fameux "raccourcis", qui, à pied, prennent une autre ampleur.



Samedi, en debut d'après-midi, je franchis ma première frontière, déposé à l'aéroport de Genève par un stewart mexicain. En marchant, je constate que Genève est très cosmopolite : à chaque coin de rue, j'entends une nouvelle langue. Pas étonnant quand on sait que la Suisse possède quatre langues officielles. L'architecture est aussi très variée, des immeubles design en côtoient d'autres de style haussmannien, ou alpin. La ville est propre et colorée. Le degré de conservation du centre historique est remarquable : avec un peu d'imagination, on s'y ballade trois siècles en arrière. Genève est comme l'immense lac Léman : calme et tranquille. Elle est aussi très cossue. Ce dimanche, je m'évade du froid et du niveau de vie suisse, l'un des plus élevé au monde. Et comme je soupconne que la propension de mes amis helvètes a emmener les autostoppeurs est inversement proportionnelle au gabarit de leurs voitures, j'irai en train. Direction Milan.

Ultime inventaire












Sélectionner l‘indispensable équipement destiné à remplir mon sac ne fut pas une mince affaire. En effet, pour un voyageur piéton et nomade, les critères décisifs sont l’encombrement et le poids. Une fois toutes mes petites affaires rassemblées et empaquetées, mon bagage, plein à craquer, pesait 15 kg. C’est peu, si on considère que je trimbale, d’une certaine manière, ma maison, mais c’est aussi beaucoup quand on sait que je vais le traîner de longues heures chaque jour, souvent sous un soleil brûlant. En chipotant, j’ai ôté mon fidèle Opinel, une simple paire de chaussettes, mon minuscule jeu d’échec… J’ai ainsi pu triompher d’un petit kilo et d’un modeste volume.

D’autre part, j’ai conscience qu’il est peu probable que mon barda me suive tout au long du chemin. J’ose croire que je ne l’oublierai pas sur le quai d’une gare, mais des regards curieux et envieux l’examineront souvent, et il finira vraisemblablement par me glisser entre les doigts pour être épluché par ceux d’un misérable. Soit, ce jour-là ne sera pas un bon jour, mais dès le lendemain, allégé d’une responsabilité pesante, je m’en accommoderai. Une situation autrement plus pénible serait qu’on me braque mon pantalon, un peu à cause de l’embarras, soit, mais surtout puisque c’est en dessous, au chaud, que je dissimule papiers et argent.

En attendant, mon fardeau est bouclé. Il contient mon couchage : mini - tente, mini - matelas, mini - duvet. J’emmène bien sûr quelques vêtements, ainsi qu’une trousse de toilette, une pharmacie complète et quelques ustensiles élémentaires : couteau suisse, boussole, lampe frontale… Enfin, je prends avec moi un lecteur mp3 et sa petite enceinte. La musique est une de mes grandes passions, elle m’a souvent fait voyager ; demain, c’est moi qui l’emporte.

Hypotétique itinéraire

Parmi les moult étapes de mon délirant projet, préparer mon parcours fut de loin la plus jouissive. Le début du voyage, d’une certaine manière. Evidemment, le grand réseau s’est avéré être un allié très précieux : jonglant notamment entre Google Hearth, Wikipédia, le site du Patrimoine Mondial et différents guides touristiques, j’ai pu, depuis mon canapé, découvrir, situer, observer, comparer, estimer, évaluer, calculer, chiffrer… pour enfin distinguer les pays et sites que je jugeais immanquables de ceux sur lesquels j’acceptais de faire l’impasse.
Fruit de nombreuses nuits blanches de recherches intensives, j’ai bien conscience du caractère improbable de ce chemin sinueux. Au bout de celui-ci, j'atteint les chiffres déraisonnables de quelques 70 pays traversés et plus de 80 000 km parcourus...

Comme une évidence, je ne m’impose aucune règle, les seules contraintes étant de tenir mon budget (entre quinze et vingt euros par jour) et de préserver au mieux ma santé. Le but : boucler la boucle dans le délai très approximatif de trois ans.
Chaque jour, ou presque, je compte sillonner la route quelques heures durant. J’emprunterai tous les moyens de transports à disposition : marche, stop, bus, train, tramway, métro, ferry, voilier, cargo, pirogue, taxi-brousse, pousse-pousse, chameau, mule… L’avion sera toujours le dernier choix, puisque je pars explorer la Terre et non le ciel .
Pour dormir, là encore, je suis ouvert à tout : chez l’habitant(e), dans les auberges de jeunesse, les hôtels bon marché, ou encore sous ma tente.



Notez que je ne présente cette carte qu’à titre indicatif, et qu’avant même de partir, le fil rouge n’est déjà plus tout à fait conforme. Il est, par exemple, peu probable que je me ballade au Sierra Léone ou au Libéria…
De plus, sachez que je considère un planisphère comme celui-ci inexact. Par exemple, saviez-vous qu’en observant un globe terrestre et en centrant son regard au beau milieu du Pacifique, légèrement au Sud, notre planète apparaît quasiment toute bleue ?

J’ai décomposé mon parcours en quatre étapes de plusieurs mois , qui seront entrecoupées de haltes salvatrices de quelques semaines ; J’ai élaboré le trajet de la première partie de manière très précise, les suivantes bien moins ; comme on dit, pas la peine de faire des plans sur la comète, surtout si c‘est une planète.

Le premier trajet me verra franchir les Alpes, puis longer la Méditerranée vers l’Est, par les Balkans, voguer sur la Mer Egée entre Athènes et Istanbul, pour atteindre le Moyen-Orient ; puis prendre plein Sud à travers le Moyen-Orient jusqu’à la Mer Rouge, d’où je rejoindrai l’Egypte, afin d’y descendre le Nil, de Louxor à Alexandrie. Enfin, j’entamerai la traversée du Maghreb jusqu’au Royaume du Maroc, pour ensuite rejoindre le Sénégal, où m’attendra mon ami Lionel, natif de Dakar. Cette première pose me permettra de m’adapter aux us et coutumes de l’Afrique Noire.

Le second trajet, probablement le moins aisé, se décomposera en deux sous-étapes : l’Afrique occidentale, puis l’Afrique orientale.
De Dakar, via Bamako, je rencontrerai les peuples du Golfe de Guinée, en direction du Gabon, duquel j’ai reçu deux invitations. Je rendrai d’abord visite à mon ami Christophe, à Libreville, avant de rejoindre le champion du monde des frangins, Brice, et sa petite famille.
De là, j’atteindrai L’Ethiopie, si la situation le permet, cette fois en prenant l’avion ; en effet, je ne tient pas particulièrement à traverser la « République Démocratique » du Congo mon sac sur le dos… Puis je ne manquerai pas les sites exceptionnels que proposent le Kenya et la Tanzanie, le Kilimandjaro notamment, avant de parcourir Madagascar, puis d’accéder à l’Ile de la Réunion, où, là aussi, je possède quelques contacts.

Lors du troisième chapitre, je naviguerai jusqu’en Inde, d’où j’atteindrai l’Himalaya
Pour ensuite visiter les pays bordant le Golfe de Thaïlande jusqu’à Singapour, la cité-état, ainsi que l’archipel indonésien avant d’accoster au Nord de l’Australie. Puis, de Sydney, j’embarquerai peut-être pour la Nouvelle-Zélande, avant de retrouver mon amie Ema en Nouvelle-Calédonie.

Le quatrième et dernier périple, donc le plus incertain, me verra traverser l’immense Océan Pacifique en Direction de l’Amérique du Sud. J’ai prévu d’arriver au Pérou et de suivre la Cordillères des Andes jusqu’à Santiago, puis de rejoindre l’Uruguay via l’Argentine, avant de sillonner le Brésil du Sud au Nord, jusqu’aux Caraïbes. Je profiterai des plages de quelques îles, dont probablement la Martinique. De là, enfin, je rentrerai au pays, repu d’aventures et l’âme apaisée, et, le pied à peine poser sur le sol métropolitain, embrasserai ma chère maman…

léger additif

J'ai eu aujourd'hui plusieurs discussions constructives concernant le message "tel est ma devise" posté précédemment, à la suite desquelles il m'a semblé opportun d'apporter quelques compléments.

D'abord, même si elle est sous-jacente, je n'ai pas explicitement évoqué la notion de plaisir. En tant qu'épicurien convaincu, j'aspire à la joie, comme toute personne un tant soit peu équilibrée. J'aime rire et faire la fête, j'aime le jeu et la table, les arts et la chair... Bref, je ne suis pas un triste sire, et je compte bien me payer du bon temps.

Une autre ambiguïté qu'il me faut lever : en exprimant mon désir de partir, j'ai affirmé vouloir rompre avec un certain mode de vie. Loin de moi l'idée de juger les engagements d'autrui ; chacun ses choix, l'essentiel étant qu'ils soient justifiés et assumés.

Enfin, gamin, je rêvais déjà de parcourir le Monde. Et comme, je l'admets volontier, j'ai toujours été têtu et obstiné, il m'est primordial que l'adulte que je suis ne déçoive pas l'enfant que j'étais.

Quoi qu'il en soit, depuis quelques mois, j'ai souvent exposé les motivations de mon départ. A chaque fois, j'en trouvais de nouvelles. Je me garderai bien d'essayer de toutes les répertorier. L'heure n'est plus à la justification, mais à l'action !

Tel est ma devise


Ex loco, accipio, et invenio sapiens : partir, apprendre, et trouver le sage. J’ai utilisé le latin comme un symbole. A l’école, une gentille bonne sœur a voulu me l’enseigner. Un peu bigleuse, elle surveillait très mal ses intérros : je n’ai jamais rien compris, mais j’avais de très bonnes notes… En tout cas, j’ai toujours trouvé ce charabia harmonieux, tant à l’oreille que graphiquement.
Langue de l’Eglise et de ses écrits, il fait aussi référence à notre culture judéo-chrétienne. Imposé aux gaulois impies par le colonisateur romain, c’est également la base du français.

Ex loco, accipio, et invenio sapiens : j’ai écrit cette formule dans le but de la faire graver sur ma peau, pour marquer mon départ, et, si besoin était, pour me remémorer les raisons de mon voyage. Pour d’obscures raisons techniques, le tatouage n’est pas réalisable, mais qu’importe. J’ai suffisamment pesé le sens de ces mots pour ne pas les oublier. De manière non exhaustive, ils expliquent ma démarche.

Partir, c’est d’abord quitter une société que je comprends mal : si peu de valeurs morales, du moins pas les miennes, mais une telle surabondance de biens, de services, de tout, financés par des crédits à la Lune pour mille ans.
J’ai aussi fini par trouver déraisonnable de travailler comme un fou, pour un fou, du matin au soir, juste pour pouvoir régler les factures de mon petit nid douillet et y entasser les derniers gadgets du jour, démodés dès demain.
Je m’échappe, encore une fois, de la routine, irritante impression d‘être comme un hamster dans sa roue.
Enfin, je fuis mes sales habitudes ; avaler goulûment des infos qui tournent en rond ; regarder béatement un écran vide de sens ; mitrailler frénétiquement des boutons pour une médaille de pixels…
Mais partir, c’est surtout aller découvrir ma planète et ses habitants. J’aime mon pays et ses magnifiques régions, mais je l’ai arpenté en tous sens, d’autres horizons m‘appellent. Et puis j’ai sûrement de nombreux amis, ailleurs, il ne me reste qu’à aller les rencontrer...

Apprendre ; la curiosité est vilain défaut, dit-on. C’est pourtant de cette aptitude que je tire ma soif de savoir. Tout m’intéresse. Cela m’empêche probablement d’être expert dans un secteur particulier, mais je possède quelques notions dans de multiples domaines. J’aime à penser que je suis polyvalent, je cultive cette aptitude. J’aborde donc mon périple comme une école, université nomade de la Terre et de l’Homme.
Je regrette souvent de ne connaître la planète, sa géographie, sa géologie, sa faune et sa flore, qu’à travers les livres et les écrans. Enfin, à moi l’immense variété de paysages, les mers et les montagnes, les déserts et les jungles, les bestioles en tout genre !
D’ailleurs, je compte bien poursuivre mon jeu favori : l’observation du spécimen le plus étrange du règne animal : l’Homme. Pendant mes leçons de sociologie et d'ethnologie, je m’efforcerai de partager les modes de vie, de comprendre les cultures. En économie, j’apprendrai les nations, leurs ressources, leur fonctionnement, leurs politiques. J’aurai une attention toute particulière pour l’Histoire, étudierait avec gourmandise les civilisations et leurs vestiges…
Apprendre, c’est comprendre ; j’espère bien trouver quelques réponses aux abondantes questions qui me hantent, et ainsi, en appréhendant mieux mon espèce, mieux me connaître moi-même.

Trouver le sage, tant en moi que dans l’autre. J’en entends quelques uns rigoler ; soit, j’ai été, et suis encore, un garçon légèrement turbulent, mais mon principal moteur et de faire évoluer mon humble personne. Dans tout les domaines, j’essaie constamment de prendre du recul, de ne pas précipiter mon jugement ; je pense qu’en élargissant mes horizons, je pourrai mieux développer ma perspicacité.
Et puis un retour à la simplicité s’impose. Ici, la vie est compliquée, comme je le suis moi-même. Lequel est la cause, lequel est l’effet ? Peu importe. Je vais devoir, sur la route, ne répondre qu’à des besoins primaires : comment avancer, quoi manger, où dormir, comment, en mimant, se faire comprendre d’autrui ? Voilà qui devrait remplir mes journées et, je l’espère, clarifier mes pensées.
Surtout, cette quête pourrai remédier à mon instabilité chronique. J’ai passé ma vie à casser ce que la destinée construisait devant moi. Souvent, j’ai tout plaqué ; par esprit de contradiction, par crainte d’une certaine continuité, qu’elle ne m’empêche de vivre d’autres aventures. J’applique donc l’adage « guérir le mal par le mal ». Si je réussi à boucler mon petit tour, ça devrait me calmer. Un peu.

Pas convaincu par la clarté de mes paroles (ici mes écrits), je me dis qu’il est préférable pour moi de moins penser, et d’agir. Autrement dit, tais-toi et marche...

Suivez le fil !

Ma chère famille, mes chers amis, j'ai besoin de vous !

Depuis plus de trois décennies, l'infinie succession de moments passés auprès de vous constituent le fil de ma vie... Quelle richesse ! Quelle intensité !
Pourtant, dans ma quête d'absolue liberté, et puisque je supporte encore si peu les concessions, j'ai décidé d'envoyé paître les usages de la vie babylonienne. Comme vous le savez, je pars pour la plus belle balade que j'ai pû imaginer : le tour de la Terre.

Dans quelques jours, sous les yeux inquiets de mes parents adorés, je quitterai la maison de mon enfance par l'Est, avec la ferme intention d'y revenir par l'Ouest, histoire de constater par moi-même que notre planète est bien ronde.
La Route, que j'aime tant, va donc devenir, si tout va bien, mon quotidien pour les quelques prochaines années. Le long de ce fil, je contemplerai mille paysages, rencontrerai mille personnes, affronterai mille obstacles, éprouverai mille joies.

Néanmoins, d'un trait sinueux, mon humble personne s'est dessinée à vos côtés, et j'ai besoin de ce passé pour construire mon futur. Ainsi, dans mes souvenirs, je vous emmène un peu avec moi. Et le soutien que vous pourrez m'apporter sur le chemin sera essentiel. Ce blog est aussi le votre, il vous appartient d'entretenir mon inspiration par vos commentaires éclairés, ou, pour plus d'intimité, par vos mails enflammés...

Je vous donne donc rendez vous ici-même, très bientôt, sans plus de précision puisque, vous le savez, la ponctualité n'est pas ma qualité première...