L'Albanie, "le Rwanda de l'Europe"

Cette expression est assez représentative de la misère omniprésente en Albanie. C'est Ilir, ouvrier d'environ trente-cinq ans, qui me la confie. Il est le premier albanais avec qui j'ai une discussion constructive. Il était temps, puisque nous échangeons au poste frontière de Hani i Hotit. Nous attendons là, pendant plus de trois heures, que les douaniers grecques daignent ouvrir les barrières ; nous sommes des milliers. Il tentent ainsi de contenir le flot d'immigrés attirés par un niveau de vie plus décent. Ilir, qui va travailler en Grèce, m'explique que, quelques années plus tôt, l'attente pouvait durer plusieurs jours. Puis il baisse le ton et dénonce le gouvernement corrompu, qui combine avec une mafia omnipotente. En effet, le pays possède diverses richesses naturelles, tel le pétrole, le gaz ou les métaux, mais seuls quelques nantis en profitent.

La veille, en quittant Podgorica, je franchi la frontière en étant passager d'un vieil homme à la mine patibulaire et aux dents pourries. il pilote une Mercedes aussi ancienne que lui et dans un état équivalent à sa dentition. La zone frontalière est totalement déserte, malgré un panorama féerique, entre lacs et montagnes. La route défoncée s'interrompt parfois brutalement pour n'être plus qu'un champ de graviers et de pierres.
Puis la vie réapparait, on croise de minables charrettes tirées par un cheval, doublées dans un nuage de poussière par de rutilants 4x4. Au bord de la route, de misérables cabanons alternent avec de somptueuses villas.

Enfin, j'atteins Tirana dans un minibus bondé jusqu'au coffre. Dans la capitale, le contraste s'accentue. Je découvre des bidonvilles désolants, où jouent dans les détritus des enfants crasseux ; tandis que trois rues plus loin, c'est l'opulence : des hommes en costard italien ripaillent en compagnie de filles de magazines.
Ici, les gens, influencés par l'état d'esprit dominant du chacun pour soi, ainsi que peu habitués à voir des touristes, ne font rien pour me mettre à l'aise. Des quatre heures du matin, j'attrape un bus et rejoint la Grèce au cours d'un trajet épique de plus de douze heures, pour seulement quelques 350 kilomètres.

9 commentaires:

alain, dit agi baba ou efendi dès passé Edirne a dit…

Eh, patate, t'es souvent allé au Rwanda pour écrire ça de l'Albanie ?
Alors, tu vas nous raconter comment se portent nos ami(e)s grec(que)s dont la gouvernance mondiale 'démocratiquement élue' les met sur la paille pour longtemps, tout comme partout d'ailleurs ?

Jérome a dit…

La citation est d'un albanais, elle est entre guillemet mon cher Alain, je pensais que tu connaissais mieux les regles typographiques !

alain a dit…

C'est curieux, comment se fait-il que l'heure qui figure ici soit fausse ?
Il n'empêche que pour la citation de l'Albanais en question, j'en comprenne tout de même un tout petit peu le sens. Nous avions dû contourner le pays à l'époque d'Enver Hodja le pro-chinois. Une muraille quasi infranchissable, et aussi un bail ! Tu passes par où pour la suite ?

Brice a dit…

il y a finalement des Rwanda partout. Et non! je n'ai pas été au Rwanda, mais connaissant un peu l'Afrique sub-saharienne, j'ai l'impression d'y avoir déjà vécu.
Apparemment je connais aussi l'Albanie.

Brice a dit…

Frangin,

regardes à tes Emails

Anonyme a dit…

Un pays asphyxié par des années d'autoritarisme et d'autarcie... Nul doute que tu en traverseras d'autres avec une histoire similaire voire bien plus sombre. Je te souhaite de trouver un peu plus de légèreté et de chaleur en Grèce. Bisous, ade

alain a dit…

kalimera, Galia. Ici, les frimas sont de retour et la lumière floute. Nous n'avons jamais aussi prêts du printemps quand même.

Anonyme a dit…

Bonjour Jérôme,
on suit ton parcours de notre Bavière prospère. Heureux qui comme Jérôme (a) fait un beau voyage... Le nôtre on le fait par procuration grâce à toi. Bon vent et à bientôt. Lili (la frangine de Roro)

Unknown a dit…

Bonjour Jérôme,
Quelle belle aventure, quelle belle plume !
ces récits de voyages (le tiens, celui naissant de mon père) m'apporte de bonnes et sérieuses remises en question. Bref.
J'adore et j'adhère !
J'suis tellement impatient d'arriver au dernier article écrit, pour pouvoir suivre ce voyage et direct... mais avant une bonne lecture s'impose !
Bonne continuation !

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