jeudi 27 novembre 2014 -1503e jour



Evidemment j'ai mal dormi, plus ou moins allongé sur deux sièges et demi, à 10 000 km au dessus de l'Atlantique. Avec deux décalages horaires d'affilée, quatre heures de différence entre Rio et Madrid, l'heure qu'il est m'apparaît comme une notion floue. Pendant le temps de vol restant, j'avale le plateau-repas en feuilletant un magazine pour réviser mon espagnol un peu poussiéreux. Et puis nous atterrissons après douze heures de vol, aux alentours de 16 h, heure locale. En franchissant la douane, j'entre dans le 53e pays de mon voyage, mais je n'en ai plus rien à faire et je ne fais même pas mon petit saut traditionnel. Voilà l'Espagne, et donc l'Europe que j'avais quittée entre Athènes et Istanbul. Dehors, c'est l'automne, il pleut et la température me glace. Alors je ressors mes vêtements d'hiver, sweat et blouson, écharpe et bonnet, mais comme je n'ai plus de pantalon je reste en short, ce qui me donne une drôle d'allure. Tiens, au distributeur, je constate qu'il y a de nouveaux billets de cinq euros ; et au kiosque voisin, je renonce à acheter des cigarettes, si chères que je me rabats sur un paquet de tabac. Bon, qu'importe, comme promis j'arrête de fumer en rentrant à la maison. Le bus qui m'emmène en ville n'est pas donné non plus, cinq euros ; un tarif normal en Europe, il va falloir s'y faire.



J'atterris sur une très grande place où trône un immense bâtiment classique tout blanc, magnifique. L'impression se confirme quand je remonte un très large boulevard bordé de nobles édifices anciens : je suis bien de retour sur le vieux continent. Plus loin, malgré mon plan, j'ai bien du mal à me repérer dans le dédale de ruelles datant du Moyen-Age. Je parviens néanmoins à trouver l'adresse de la jeune femme qui a accepté de m'héberger , mais personne ne répond à l'interphone. Alors je lui téléphone depuis un cybercafé voisin, où je patiente en attendant qu'elle débauche. Un peu plus tard, Maria m'ouvre finalement la porte de son appartement, vaste et confortable, qu'elle partage avec deux colocataires absents ce soir. C'est une jolie petite brune calme et souriante, qui m'explique travailler dans le cinéma, chez Sony, où elle s'occupe notamment de la traduction. J'installe ensuite mes petites affaires dans un coin du salon à côté de mon nouveau canapé, et je me réchauffe sous une bonne douche. Puis nous dînons à l'heure espagnole, après 10 h, un genre de gros empanada à la tomate que mon hôte a préparé, arrosé d'une bouteille de vin rouge que j'ai ramené. Alors que j'en siffle les trois quarts, Maria, elle-même voyageuse puisqu'elle se permet une escapade en Europe dès qu'elle le peut, est friande de mes histoires. Je lui en raconte quelques unes avec plaisir puis à la fin du repas, je lui détaille mon invraisemblable parcours sur la mappemonde affichée dans sa chambre. La ligne que je trace est vertigineuse : elle n'en revient pas, et moi non plus d'ailleurs, sachant pertinemment que je suis le seul à vraiment pouvoir me rendre compte de tout ce que ça représente.




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