dimanche 3 février 2013 - 842e jour



Quand je me lève en milieu de matinée, il pleut des cordes. Je me réveille doucement sur la terrasse puis vers midi, tant pis pour la pluie, je me lance. Du quartier chinois, je me dirige vers un secteur où l’on a conservé ces petites échoppes de l’époque hollandaise, accolées les unes aux autres ; l’une d’entre elle, soigneusement retapée, se visite. La façade d’un étage est modeste, murs blancs, toit et avant-toit en tuile ; à l’intérieur, le magasin et son comptoir donne sur la rue, suivi par la réserve, tandis que l’arrière s’ouvre sur une petite cour pavée, où l’on préparait à manger et où on gardait les animaux. Elle est entourée d’un balcon, au premier, qui donne accès au logement du patron. C’est mignon mais la maison suivante est d’un autre calibre. L’extérieur est déjà admirable, mais dedans, on entre dans un véritable palais. Cette vaste maison bourgeoise et celle d’une très riche famille peranakan, les métisses du coin. Il y a cinq générations, un immigré chinois s’installe ici, fait fortune, et épouse une malaise. Pendant la passionnante visite guidée, on découvre dans chaque pièce une décoration somptueuse, composée de menuiseries chinoises et de mobilier anglais très raffinés, ainsi que des peintures, des lanternes, des statues et de la porcelaine, chacune de grande qualité. En sortant, je profite d’une courte éclaircie pour flâner dans la vieille ville ; l’Histoire est à l’honneur, mais l’art n’est pas en reste. Dans une improbable pagaille, de nombreuses boutiques d’antiquités poussiéreuses proposent des objets en tout genre vieux de plusieurs siècles. Aussi, logés dans d’anciennes demeures, les restaurants transformés en galerie d’art contemporain rivalisent d’originalité. Et je ne manque d'éxaminer les plus vieux temples chinois, hindou, et mosquée du pays. La pluie redouble alors d’intensité et je me fraye un chemin en fonçant d’une arcade à un préau ; pas assez vite néanmoins pour rester sec. Plus loin, je me rapproche du temps présent en arpentant des rues bordées d’immeubles art-déco aux couleurs pastels, je traverse un quartier pauvre de cabanes en bois, puis je rentre sous des trombes d’eau, en longeant la rivière devenue un charmant canal. Le long de ses courbes, des maisons banales arborent de jolies fresques bariolées. Sur la terrasse de ma guestghouse, je rencontre alors un personnage singulier. Tandis que je parcours le Monde pour le comprendre dans sa globalité, Chris, de Singapour, embaumeur de 55 ans, voyage dans un but très précis. Ponctuant toutes ses phrases par des éclats de rire, il me raconte sa passion pour d’étranges statues de soldats sikhs, gardiennes de seulement quatre tombes de dignitaires chinois éparpillées à travers l’Asie. Personne n’ayant jugé utile de s’y intéresser avant lui, il a décidé d’enquêter et d’en écrire un livre. En fonction de ses recherches, je me creuse les méninges avec lui, puis, dans les rues animées de Chinatown, il m’invite à diner un repas de roi, ou de sultan. Nous prolongeons ensuite longuement la soirée en bavardant dans un café-concert, au son de standards folk. A 3h du matin, devant un dernier cendol avalé sur le trottoir, il me propose finalement de passer le voir chez lui, à Singapour, où j’arriverai dans quelques jours ; si tout va bien.













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