Ce matin, je quitte la fascinante Singapour, mais puisque
mon trajet du jour est court, à peine trois quart d’heure de bateau, je prends
tout mon temps pour me rendre au port ; je n’embarque vers 11h dans une
belle vedette, cap au Sud. A bord, je consulte mon atlas : après une
courte introduction à Maurice, mon escapade en Asie a débuté avec l’Inde ;
et avant de la conclure au Timor Oriental, j’ai à faire à un autre géant,
l’Indonésie. Cette nation occupe le plus grand archipel de la planète, pas
moins de 17000 îles de toutes tailles qui s’étalent d’Ouest en Est sur plus de
5000 km. Elles sont habitées depuis la nuit des temps par une mosaïque de peuples
distincts, aujourd’hui quelques 245 millions de gens, musulmans pour la
plupart. Le chapitre géographie est imposant, mais la partie histoire l’est
tout autant. Dans les dernières pages, j’apprends que, comme l’Inde, c’est un
pays émergent : libéré il y a 15 ans seulement d’un dictateur sanguinaire,
il découvre la démocratie, encore minée par la corruption. Dues à ses
ressources naturelles, pétrole, gaz, minerai et un sol très fertile, ses
richesses, désormais mieux réparties, permettent l’éclosion rapide d’une classe
moyenne de 50 millions de personnes environ, les autres devant toujours
composer avec une situation précaire. Quoi qu’il en soit, sa nature
exceptionnelle, son héritage culturel unique et sa société en pleine mutation
me promettent de passer deux mois passionnants et intenses. Après juste 20 km
de mer, je débarque sur la petite île de Batam, où je ne suis qu’en transit,
repartant dès demain. Immédiatement, je constate un changement radical.
D’abord, le terminal est dans un piètre état. Et puis dehors, en tant
qu’étranger, je redeviens une cible : les chauffeurs de taxi se jettent
sur moi, en m’annonçant des tarifs fantaisistes, prêts à me raconter n’importe
quoi pour obtenir la course. Il va vite me falloir retrouver mes habitudes de négociateur
intraitable. Je les envoie paître en riant et vais m’assoir à l’écart, dans une
cahute toute branlante. Bizarrement, il n’y a aucun hébergement par ici, ce qui
m’oblige à monter dans un bus bon pour la casse. Les passagers, qui s’étonnent
de ma présence, sont très chaleureux, mais rares sont ceux qui parlent anglais.
Je vais devoir rajouter l’indonésien à mes leçons. Avec les nombreux arrêts,
nous arrivons en ville une heure plus tard. Je descends devant un grand hôtel,
neuf et branché, mais les tarifs sont dissuasifs. Puisqu’il tombe des cordes,
j’y prends néanmoins mon déjeuner, puis je finis par sortir sous la pluie, mon
sac et moi bien ficelés dans nos K-way respectifs. Mais décidemment, je ne
comprends rien à cette île : de rares bâtiments disséminés au milieu de
terrains vagues longent une route sans trottoir. Plus loin, je marche sur les
bas-côtés boueux entre une ligne d’immeubles défraîchis, et derrière, rien
d’autres que des friches. Aucun hôtel à l’horizon : un gardien sèche son
travail pour m’emmener en moto. A nouveau, l’établissement est trop cher mais
le réceptionniste, à la cravate bien nouée, m’indique une adresse abordable. Je
continue à pied, mais je ne trouve toujours rien. J’abandonne : j’arrête
un taxi pour n’arriver dans chambre très correcte qu’à 16h. Il y avait bien
longtemps que je ne l’avais pas regardé la télé : je ne bouge plus
jusqu’au soir en zappant. Heureusement, je conclue la journée en beauté en
m’offrant un délicieux diner indien.
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