Mon rythme de sommeil, ces temps-ci, c’est n’importe quoi.
Weizhong me laissant faire la grasse matinée, je ne me réveille qu’un peu avant
midi. Sa maman a eu la courtoisie de m’acheter à déjeuner, une délicieuse soupe
de nouille et des meatballs, de la pâte de riz et de viande roulée en boule.
Comme mon hôte est occupé cet après-midi, je pars seul vers le centre-ville.
Dans les transports, j’examine les gens, très disciplinés, élégants aussi, qui
arborent dans un style formaté des tenues et des coiffures élaborées. La mixité
est frappante, mais ils ont tous un point commun : avoir les yeux rivés
sur leur smartphone dernier cri. Je débarque alors sur Orchard road, sorte de
Champs Elysées du nouveau millénaire. L’avenue, qui n’en finit pas, n’est qu’un
gigantesque centre-commercial de luxe ; toute les plus grandes enseignes
sont présentes. La chaussée est très large, bordée de parterres de fleurs et de
grands arbres ; viennent ensuite des trottoirs soignés, des aménagements
design, puis de vastes arcades, et enfin les boutiques fastueuses ou les
restaurants gastronomiques des quatre coins du monde, le tout logé dans des
buildings d’avant-garde. Et ça continue ainsi aussi bien dans les étages que
dans les sous-sols. Ici, le capitalisme est roi, ses sujets ont les moyens et
ils en profitent. Moi, le shopping, ça n’est pas mon truc, et d’ailleurs je ne
suis pas dans mon assiette : je me cale dans un fast-food où j’écris
péniblement pendant un long moment. Plus tard, comme le déluge s’atténue au
dehors, je reprends la marche. Je reste bouche bée devant quelque construction insensée
en me faufilant dans la masse, puis à un carrefour, je débouche dans un
quartier nettement moins chic. Un grand boulevard, presque une autoroute, subit
des travaux pharaoniques, et derrière s’élèvent des bâtiments résidentiels
massifs, assez vilains, typiques des seventies. A leur pied s’étale Little India,
un bloc de quelques rues bâti là-encore de petites maisons mitoyennes d’un
étage, de style victorien et très colorées. Ce quartier, un peu plus animé et
un peu moins net, a les couleurs de l’Inde, les visages, et vaguement les
odeurs, mais sans la foule monstre, la misère, le bruit et la crasse ; on
en est quand même très loin. De retour à la maison, mon ami n’est pas là mais
ses charmants parents me prennent en charge. Eux sont nés ici, mais leurs
parents respectifs furent la première génération à immigrer du Sud de la Chine.
Monsieur, employé par Singapour Airlines, n’en revient pas qu’on puisse venir
de si loin par la terre. Madame, qui est architecte, me sert des gâteaux secs en
s’inquiétant des miettes que je pourrais laisser tomber. Vers 21h, Weizhong
revient pour interrompre la discussion et m’emmène aussitôt en virée, dans la
voiture familiale cette fois-ci. Et il me conduit dans le quartier indien que
je viens juste d’arpenter. Paradoxalement, nous dinons chinois et mon camarade
se détend au fil de la soirée. Il m’avoue n’avoir eu qu’une seule petite amie,
sans avoir pu conclure. Logiquement, étant donné son âge, ses questions sont
franchement orientées. Je le contente en évoquant les femmes d’Afrique, mais je
compatis quant à sa frustration ; je ne sais que trop bien que les filles
d’Asie ne se laissent pas si facilement séduire.
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