Réveillé dès 7h pour le petit-déjeuner, je fais la
connaissance d’un couple de retraités hollandais naturalisés australiens, les
premiers occidentaux que je croise dans ce pays. Hans, bon pied bon oeil,
affiche quand même 77 ans au compteur. Accompagnés par le réceptionniste, nous
grimpons sur des motos en direction du Sud. Là, sur une plage de cailloux
bordée de cocotiers, nous embarquons dans une pauvre barque de pêcheur en
bois et balanciers de bambou. Arrosés par les vagues, nous voguons vers un
volcan légendaire, le Krakatoa. En effet, les côtes Ouest et Sud de l’archipel
indonésien, l’une des zones à l’activité volcanique la plus intense du globe,
font partie de la ceinture de feu du Pacifique. Et si le Krakatoa est si
célèbre, il le doit à l’éruption de 1883, la plus violente explosion de mémoire
d’homme, à tel point qu’elle modifia le climat de la planète entière pendant
plusieurs années. En ce jour d’apocalypse, la montagne, une île de 9 km de long,
fût littéralement pulvérisée. La détonation fut entendue jusqu’à Rodrigues, la
mauricienne, à près de 5000 km. Toute la région fut plongée dans le noir
complet tandis qu’une vague monstrueuse de plus de 40 m déferla sur les côtes,
emportant tout, et tout le monde. Après un long trajet de 2h30 pour 20 km, nous
atteignons enfin la zone : de l’ancien volcan, il ne subsiste plus que
trois gros îlots au milieu desquels est apparu en 1927 Anak Krakatau, « le
fils ». S’élevant aujourd’hui à plus de 300 m d’altitude après une
quarantaine d’éruptions, il est un sujet d’étude exceptionnel pour les
volcanologues bien sûr, mais aussi pour les botanistes, qui peuvent y observer
l’apparition de la vie. Nous débarquons donc sur une plage de cendre noir
ombragée de conifères, et après un en-cas, excité comme une puce, je me dirige
vers le volcan avec l’accompagnateur et le vieux Hans. Puisqu’aucun nuage ne vient
cacher le soleil au zénith et que la température dépasse allègrement les 50
degrés, ce dernier abandonne vite l’ascension. Arrivé au bord d’un canyon
creusé par une coulée, mon guide me fait signe qu’il est interdit de
s’approcher d’avantage du cône, d’où s’échappent d’inquiétantes fumeroles.
Soit, mais je ne suis pas venu jusqu’ici pour le regarder d’en bas : tidak
masala, pas de problème, le sommet n’est pas bien loin, je n’en ai pas pour
longtemps. Et me voilà parti, en sandales et torse nu, droit vers le cratère.
Je sautille d’abord sur de grosses pierres noires acérées, puis la pente
s’accentue franchement. J’avance alors péniblement dans des gravillons qui
me griffent les mains et les pieds : à chaque pas, je monte de 10 cm pour
redescendre de 9, et parfois, de gros cailloux dégringolent derrière moi. C’était
déjà ardu, ça devient dangereux. De plus, le soleil est vraiment brûlant, et
par endroit, chauffée par-dessous, la roche se ramollit et la chaleur grimpe
encore ; l’enfer doit ressembler à ça. Pour finir, mes pauvres sandales,
qui ont le grand mérite de me porter depuis deux ans et demi à travers 40 pays,
se désagrègent. Hors de question de marcher ici pieds nus, je ne suis pas fakir :
je capitule. Nous repartons alors sur notre lente coquille de noix et sous la canicule.
Comme je suis en train de rôtir, je me bricole un parasol de fortune avec une
rame et un gilet de sauvetage, mais le mal est fait, ma peau affiche une jolie
teinte grenat. Heureusement, pour couper la longueur du retour, nous débarquons
sur une minuscule île déserte. Je prends un masque et un tuba et je fonce dans l’eau claire : il
y peu de poissons mais les coraux sont superbes, imposants et variés. J’en
profite au maximum, en retardant tant que je peux l’heure du retour. Pour un
peu, je les laisserais partir sans moi.
1 commentaire:
J'aurais adoré voir ce volcan ! J'en avais déjà entendu parler, mais je ne connaissais pas tous ces détails...
Enregistrer un commentaire