En arrivant, je me suis demandé si une semaine entière ici,
ce n’était pas un peu trop : mais non, le gars qui a ficelé le programme a
fait du bon boulot ; et puis j’arrive à m’en tirer pour pas si cher que
ça. Bien sûr je ne vis pas ici pour supporter la sévérité des autorités, mais
en tant que visiteur, force est de constater qu’elles sont extrêmement déterminées
et très compétentes. Cette cité est stupéfiante à bien des égards ;
l’urbanisme élevé au rang d’art. Pour mon dernier jour, je pars à l’extrême Sud
pour gravir le mont Faber. Descendu une station de métro plus tôt, je m’égare
dans un quartier résidentiel très chic. Les gens n’ont pas l’habitude de
marcher ici, et ceux à qui je demande mon chemin m’embrouillent encore plus.
Puis un homme charmant avec sa femme, un indien mariée à une
chinoise, comme quoi tout est possible à Singapour, se propose de m’emmener en
voiture. Il pousse la gentillesse jusqu’à me dessiner un plan d’une extrême
précision et me donner un poncho en plastique. Du haut de la colline, couverte
d’une forêt luxuriante, j’aperçois alors ce qui a fait la fortune de
l’Etat et qui continue de l’enrichir : son port, le plus important au
monde. Dans un inquiétant enchevêtrement de ferrailles, des centaines de grues
géantes surveillent des montagnes de conteneurs ; pas moins de
150 000 employés en dépendent. D’ailleurs, l’océan est constellé d’innombrables
tankers en transit. On distingue aussi de nombreuses petites îles :
certaines sont désertes, d’autres abritent d’immenses usines ou encore des
raffineries. Juste en face, la plus grande, Sentosa, est consacrée aux
activités balnéaires et aux parcs de loisirs ; outre un pont, on y accède
de manière originale, en téléphérique. Evidemment, le point d’embarquement est situé
dans un bâtiment design, avec boutiques et restaurant panoramique. Par un escalier
qui coupe un petit bout de jungle, je redescends jusque sous terre pour prendre
le métro. Je ressors à l’air libre et sous le soleil pour une fois, qui tape d’ailleurs
bien fort, du côté des quais. Puis j’entre dans l’ancien bâtiment de l’administration
coloniale, devenu le superbe musée des civilisations asiatiques. C’est l’occasion
pour moi de réviser mes leçons des cinq derniers mois, et dans le même temps de
mesurer le chemin parcouru ; colossal. En sortant je flâne une dernière
fois autour de Marina Bay, jusqu’au pied du prodigieux Sands Hotel, un
véritable ovni. Je m’égare alors à l’intérieur, glissant sur des escalators
suspendus à 30m du sol, dans des galeries commerciales interminables. Il
faudrait compter, mais j’ai l’impression qu’il y a sur cette île un magasin pour
chaque habitant. De l’autre côté, à l’Est, on a déplacé des millions de m3 de
terre pour grignoter l’océan ; du haut d’une plateforme, le panorama est
irréel. On a aménagé ici un jardin incroyable, troublante alliance de nature
ordonnée et d’arbres métalliques. J’en reviens toujours à la même question : l’époustouflante
vision du futur que représente cette ville, néanmoins très concrète, est-elle
le signe d’une civilisation avancée ? Je cherche toujours la réponse.
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