Comme les jours précédents, je reste dans la salle à manger
de l’hôtel toute la matinée, en bavardant un peu avec les autres clients et en
écrivant beaucoup. Vers midi, j’avale une bonne soupe de nouilles et je décolle
en direction du centre historique. Je parcours d’abord le quadrillage des rues
impeccables en m’attardant devant certains bâtiments audacieux, comme la structure
aérienne tout en légèreté de la bibliothèque nationale, ou ce palace et ses
étonnants jardins suspendus. Le Raffles Hotel, lui, bien que maintes fois
rénové et agrandi, est un superbe vestige de l’époque coloniale. Ces longues
galeries à arcades respirent une élégance toute britannique. A deux pas, les solennels
City Hall et Supreme Court sont en rénovation totale ; on ne conserve que
les murs extérieurs en pierre et les hautes colonnes. Je franchis alors la
rivière pour longer les quais, là où la ville fut fondée en 1819. Evidemment, ils
ont été grandement modernisés, même s’il reste quelques maisons anciennes. Celles-ci
semblent d’ailleurs bien minuscules alors que s’élèvent juste derrière les
gratte-ciel du quartier des affaires, l’une des plus puissantes places
financières au monde. Le nez en l’air, je m’infiltre entre ces monstres de
verres étincelants : tant la densité que la verticalité du secteur sont
étourdissantes. Au milieu subsiste la fine galerie métallique du marché au
poisson, comme un anachronisme. Je continue en tournant autour de Marina Bay,
formée artificiellement par des terres gagnées sur la mer. C’est là, face au
théâtre tout en rondeur que trône le Merlion, l’emblème de la ville. De l’autre
côté se trouve une fête foraine, et surtout les trois époustouflantes tours du
Sands Hotel, tout droit sorti de la Guerre des Etoiles. Les jambes lourdes, je me
rends alors compte que je fonce sans m’arrêter depuis des heures, et même si ce
spectacle hallucinant m’attire de toute part, je parviens à me raisonner. Pour prendre
le métro, je descends donc dans une véritable ville souterraine, avec ses
tunnels interminables, entièrement carrelés et climatisés, et ses innombrables magasins.
Pour le goûter, j’y avale même quelques sushis japonais. Dans la soirée, je
ressors pour diner dans Little India, cette fois dans un petit restaurant russe
assez chic, des espèces de raviolis de bœufs au son de la techno de Moscou.
Enfin, je retrouve la clientèle bigarrée de l’hôtel : Josh, du Sierra
Leone, me paye une bière sur le trottoir, tandis que Tony, du Nigéria, balance
sur son téléphone les rythmes d’Afrique que j’aime tant.
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