Hier, j’ai appris que le ferry que je pensais initialement
partir dès l’aube ne prend la mer qu’en début d’après-midi. J’en profite donc
pour me prélasser au lit. Plus tard, je me rends au port, juste de l’autre côté
de la rue, afin d’acheter mon billet. Je ne manque pas de boire un café et en
suivant, je flâne sur la plage avant de m’adonner au meilleur exercice, une
bonne séance de natation dans l’eau tiède et cristalline. J’échange quelques
mots avec un pêcheur qui rentre du travail dans sa coquille de noix, puis je
vais tranquillement préparer mes affaires. Toujours à un rythme de sénateur, je
reviens au port, où j’avale une assiette de riz, et lorsque la sirène retentit,
j’embarque à bord du gros tas de ferraille. Alors que j’avance droit vers l’Est
depuis des milliers de km, je mets cette fois le cap au Sud. Demain matin, je
poserai le pied sur l’île de Timor, coupée en deux par une frontière ;
c’est donc sur cette grande terre que j’achèverai mes extraordinaires aventures
asiatiques. D’ici, là, je traverse la mer de Sawu, en fait une fraction de
l’Océan Indien sur lequel je vogue pour la dernière fois ; loin, très loin
après la première, lors de mon voyage entre Dar es Salaam et Zanzibar voilà déjà
plus d’un an. En me remémorant ce parcours sinueux, démesuré, je fais les cent
pas sur le pont, tandis que le navire glisse entre l’île de Solor à bâbord et
la superbe Florès à tribord. Comme une évidence, c’est un énorme volcan clairement
très actif qui semble me saluer. J’écris ensuite un moment sur ma couchette,
dans le dortoir climatisé de la classe « bisnis », jusqu’à ce que mon
voisin m’offre gentiment un Pop Mie pour le diner. Il ne parle pas un mot
d’anglais, mais je réponds néanmoins avec un paquet de biscuits, auquel il
réplique en sortant une bouteille d’arak de son sac. Alors que nous trinquons
sous les étoiles, même si la discussion est limitée, nous parvenons à échanger
maladroitement, par des regards complices ou des gestes ; par exemple, je
lui explique tant bien que mal que cette constellation face à nous, la Croix du
Sud, est utilisée par les marins depuis la nuit des temps. Lui bien sûr, y voit
un signe de son dieu.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire