dimanche 11 novembre 2012 - 758e jour





Au lit dès 19h, j’ouvre plusieurs fois les yeux au milieu de la nuit pour constater qu’il fait encore noir. Alors dès 6h, je suis le premier debout. Ayant un peu la nausée, je me force à manger une banane, qui se trouve être givrée. En bas, dans la cuisine, la patronne, en habits d’antan, fait chauffer mon thé tandis que ses deux garçons, sapés à l’américaine, allument le poêle. Dès que les premiers rayons du soleil percent, je sors dans un froid polaire pour finaliser mon objectif, ce petit temple blanc, un peu plus haut. Le souffle court, parmi les pierres et la glace, je franchis péniblement la barre des 4000 ; et dans un décor minéral, j’atteins enfin mon sommet, 4130 m, symbolisé par ce modeste sanctuaire, sa petite statue de Bouddha et ses drapeaux de prières. Le soleil commence à chauffer, j’enlève quelques épaisseurs, et je m’assoie contre le mur pour un moment d’éternité. Comme hier, avec l’idée d’une sorte d’accomplissement en plus, j’ai le privilège de contempler la chaîne de l’Himalaya, le toit du monde. Empli de sérénité, je l’examine minutieusement. Les glaciers du Lantang Lirung brillent 3km au-dessus de ma tête. A gauche, en arrière-plan, la longue barre des pics tibétains s’effacent derrière l’impressionnant massif de Ganesh Himal, qui dépasse aussi les 7000 en plusieurs points. Encore plus à l’ouest, c’est le lointain Manaslu qui culmine à plus de 8000 m. Et puis au bout, ce sont les Annapurnas, que je voyais déjà voilà deux semaines, depuis Lumbini. Devant cette scène ahurissante, je me souviens de mon insignifiance, tant dans l’espace que dans le temps. D’accord, mais moi, j’ai des jambes. Et bien, qu’elles soient engourdis, j’ai du chemin ; un chemin extraordinaire, 12 km de descente. Alors je dévale la pente sous en grand ciel bleu, le sourire aux oreilles, pendant des heures et des heures. Ayant peu d’efforts à fournir, j’apprécie d’autant plus l’incroyable diversité de la nature ; et tant pis si je ne vois ni panda rouge ni léopard blanc. A midi environ, Je termine mes provisions sur cette plateforme qui surplombe la vallée, et je retrouve le petit bonhomme d’hier, qui s’occupe de ses poules et de sa ganja. Madame rentre des champs et s’attèle à la cuisine, pendant que le fiston rêvasse. Et je continue comme ça jusqu’à la rivière, les cuisses et le mollets en feu. A la fin, la petite descente qui m’avait parue si brève à l’aller, elle monte aujourd’hui et me semble interminable. Je rejoins finalement l’hôtel dans l’après-midi après 16h de marche et 25 km pliés en deux jours, et plus de 4000m de dénivelé. Deux jours, c’est peu, mais ma randonnée était déjà un petit exploit, et surtout un grand bonheur.

 

4 commentaires:

Jérome a dit…

Hé Cara, je vois que tu es bien assidue ces temps-ci, mais même si j'ai ma petite idée, je ne suis pas sûr de savoir qui tu es...
Ah les pseudos... j'ai déjà assez de prénoms à me souvenir !

Eric C. a dit…

Encore une fois le récit transcrit parfaitement la magie du moment... et du lieu.

Cara a dit…

Ah, suffit de cliquer sur mon pseudo et jeter un coup d’œil sur mon blog, tu auras la réponse ;)

Anonyme a dit…

magnifique photos et commentaires passionnants.
Continues mon ami, j'ai hâte de lire la suite.
Albin

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