samedi 10 novembre 2012 - 757e jour


Avec un petit-déjeuner copieux dans le ventre, je suis paré dès 7h30. Plein d’enthousiasme, je me lance à l’assaut des 12 km mais surtout 2000 m de dénivelé positif qui m’attendent ; une paille. Le trajet s’effectue normalement en deux jours, mais je suis bon marcheur, et si c’est trop facile, ça n’est pas drôle. Je ne croyais pas si bien dire : la seule descente de la journée, et encore, faible, m’emmène hors du village jusqu’à la rivière qui vient à s’engouffrer entre deux énormes falaises ; après ça, même plus le moindre faux plat, de la grimpette, rien que de la grimpette. Une fois le pont suspendu franchi, on entre dans le dur : des escaliers en béton très raides zigzaguent sur la roche. Puis un sentier s’enfonce dans une belle forêt épaisse, due à l’humidité dans le trou. Je ne reconnais aucun arbre, mais c’est ravissant. Plus haut, parmi une multitude d’arbustes et de fins bambous, la pente est toujours aussi abrupte, tout comme dans ce bois plus sec aux multiples essences, dont de jolis sapins et des feuillus à fleurs roses. Pendant ce temps, escaladant des escaliers en lacets de pierres ou de racines, handicapé par ma toux, j’ai du mal à suivre le rythme, mon cœur bat la chamade. Je suis obligé de souvent m’arrêter pour reprendre mon souffle et recouvrer un pouls acceptable. Il est déjà près de midi quand j’atteins un premier gite, à 3000 m. Le pauvre homme aimerait me vendre quelque chose, mais je me satisfais de ce que j’ai. D’ici, le panorama s’ouvre : des successions de grosses montagnes verdoyantes s’empilent de chaque côté d’une immense vallée. Après manger, je trouve enfin la bonne cadence, lente et régulière, et je traverse sans m’arrêter des sous-bois d’aspect changeant ainsi qu’un hameau de deux ou trois hôtels. Et ça grimpe toujours, désormais sur le flanc d’un versant couvert de buissons rouges. De là, je distingue les champs microscopiques de cette grande ferme croisée ce matin. Et puis j’arrive sur la crête, d’où je vois mon sentier serpenter sur plusieurs monts ; l’horizon est désormais barré par d’énormes sommets rocheux. La flore se raréfie, comme l’oxygène, et un bel éventail de conifères défilent sous mes yeux. Plus haut encore, c’est une magnifique pinède de grands sapins droits comme des i, au moins trente mètres de haut, qui me font de l’ombre. Je commence sérieusement à fatiguer quand je stoppe à une autre auberge ; j’effectue de longs étirements en visant ce point brillant là-haut, le toit qui va m’abriter pour la nuit. Il n’y a maintenant guère plus que des herbes jaunies et des mousses autour du chemin garni de cailloux, escarpé, encore, et encore. Je parviens finalement à ce grand refuge de pierre dans les temps, vers 15h30. Ca me permet de profiter de la fin du jour en buvant le thé, en contemplant cet hallucinant spectacle : une ligne brisée de plus de 200 km de pics couverts de neige éternelle s’offrent à moi et plein Nord, sur ma droite, le Langtang Lirung, désormais bien plus près, scintille. Je suis frigorifié, mais je n’en rate pas une miette. A l’intérieur, la vingtaine de randonneurs, guides et porteurs se serrent contre le poêle, vital à 3900 m d’altitude. J’entre dans le cercle le temps d’avaler une omelette, puis je vais me cacher sous deux lourdes couvertures. Etant donné les jours entre les battants de la fenêtre, cette nuit, il va geler dans la chambre.







 

2 commentaires:

Cara a dit…

Quelles couleurs, et quelle vue ! Ça détrône (presque) celle du Piton des Neiges que tu as mis en bannière.

brice a dit…

Ahha ! On fait moins le fier maintenant. Mais bravo quand même, toux, froid et denivelés vertigineux ne t'ont pas empêchés de te hisser sur des sommets incroyables.
c'est hallucinant.

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