jeudi 29 novembre 2012 - 776e jour

Ce matin, on frappe à ma porte à 8h15, et mon bus est censé partir dans un quart d’heure ; pour un peu, je m’achèterai presque une montre. Comme toujours, je n’ai pas pris mon billet à l’avance, et au guichet, on m’annonce qu’il n’y a plus de place. Mais, par expérience, je vais roder dans l’enceinte. Je m’assois dans un coin, j’attrape un café, et j’observe. Je note que plusieurs étrangers, majoritairement des français, tournent en rond, interrogatifs ou énervés. En effet, le bus qui se dirige vers la frontière est plein, mais c’est celui de 5h30, les passagers poirotant à l’intérieur depuis trois heures ; d’autres ont un ticket, mais pas de place, et aucune nouvelle du bus de 8h30. Je souris de ces gens qui braillent ou qui pleurnichent, en pensant que les choses devraient être régler au millimètre, comme à la maison. Finalement, le propriétaire du véhicule prend une décision : il va décharger une partie de la marchandise qui encombre l’allée centrale, et une demi-heure plus tard, il embarque tout le monde. Forcément, les places sont chères, mais j’hérite pourtant de la meilleure : à côté du chauffeur, le nez dans le pare-brise et en tailleur sur une pièce de carrosserie. De là, je profite pleinement de la beauté sauvage du paysage en songeant à cette nouvelle frontière qui se rapproche, la fin d’un chapitre et le début d’un autre. En débarquant au Viêt Nam, à Hanoï, métropole agitée de 3 millions d’habitants où tout était nouveau pour moi, j’étais sur mes gardes. Et je crois que je n’ai pas apprécié à sa juste valeur ce grand pays, unique, dont je n’ai vu que la beauté du Nord pendant deux courtes semaines. En passant la frontière, je perçois mieux le caractère unique de sa géographie, une bande de 1600 km de côtes sur la mer de Chine ; et celui de sa culture millénaire, marqué par l’influence chinoise ; tellement exotique pour le débutant que je suis dans cette partie du monde. Au Laos, je me relâche, voilà la campagne de l’Indochine : une petite nation très pauvre et très rural, à peine 6 millions d’habitants de moult ethnies, fervents bouddhistes, plus proche de la culture indienne du Sud. Sur un territoire grand comme la moitié de la France, de basses montagnes s’étirent sur un bon millier de kilomètres du Nord au Sud, enveloppées de forêts luxuriantes, dont encore 25% à l’état primaire. En voyant ces pentes émeraude et ses minuscules villages de cabanes végétales, j’adore déjà ce pays. Et je vais y passer trois belles semaines, en suivant le cours d’un fleuve mythique, le Mékong. Après des heures à l’étroit, la troupe internationale s’étire devant la douane chinoise. Les formalités administratives pour vingt personnes s’éternisent, les négociations avec les agents pour changer la monnaie aussi ; même topo de l’autre côté, une prise de température en plus. Je saute la ligne invisible : 35e pays. Et c’est reparti pour de longues et belles heures de route sinueuse dans des vallées encaissées. La nature s’épaissit encore, il y a d’immenses arbres partout, c’est la jungle. Nous déjeunons alors brièvement dans une grande cabane ; ni les chenilles grillées ni les têtes de de grenouilles ne me tentent, je me contente d’un paquet de chips. Plus tard, les trois-quarts des passagers sont heureux de descendre dans le premier bourg ; seuls quelques-uns continuent encore. La nuit est tombée depuis longtemps quand nous atteignons finalement Oudômxai, juste un refuge pour la nuit. Avec trois autres occidentaux, nous dégotons un hôtel confortable, et comme deux lits occupent ma chambre, sans aucune arrière-pensée, je propose à une française solitaire de partager les frais. Usés, Nous dinons rapidement ensemble ; rideau.


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