mardi 11 décembre 2012 - 788e jour

Je me réveille encore dès les premières lueurs de l’aube, bien décidé à en découdre avec ce plateau des Boloven. J’ai bien conscience que le timing risque d’être un peu juste, alors après le petit-déjeuner, j’arrête un petit gars à moto qui me dépose sur le bitume ; juste à temps pour sauter dans un bus. Mais il me dépose trop loin et je dois refaire du stop dans l’autre sens. L’aimable conducteur d’un pick-up me laisse au départ de la randonnée ; il est à peu près 8h. Il faut d’abord traverser le petit village de Sannone, qui connait un semblant de développement du fait de sa position au bord de la route. Les maisonnettes sont dotées de l’électricité et de paraboles, certaines sont construites en dur, et le peu de gens présent ne s’étonne guère de ma présence. D’un pas zélé, Je m’éloigne à travers des champs de café ou de céréales, en suivant une allée ombragée par des arbres nourriciers : cocotiers, manguiers ou papayers. Un peu plus loin, devant une bifurcation, une petite famille devant sa cabane isolée m’indique la voie à prendre. Après avoir traversé de vastes rizières, j’entre dans un bois assez clairsemé. Le bruit d’une rivière me pousse à sortir du chemin : je surprends un vieil homme qui pêche au filet, accompagné d’un petit garçon nu comme un vers. Le vieux m’invite à les rejoindre dans l’eau, mais le temps m’est compté. Heureux de gambader dans la nature, je parviens facilement à Khannouane après plusieurs heures. Ce village éloigné de tout, sans électricité celui-là, est très pittoresque : une vingtaine de maisons, perchées sur leurs hauts pilotis, aux murs de feuilles de palmiers tressées et au toit de paille, sont éparpillées sur une clairière. Ne sachant pas trop quoi faire, je le traverse d’abord lentement. Il n’y a pas grand monde, juste des enfants effarouchés et des femmes me saluant sobrement. L’épisode était un peu trop court à mon goût, je reviens donc m’asseoir en plein milieu, sur un tronc d’arbre, pour me reposer un instant. Ces dames ne bougent pas d’un pouce, mais les gamins se rapprochent doucement, curieux mais inquiets. Deux ou trois d’entre eux, plus téméraires, viennent enfin au contact ; je les fais rire avec deux ou trois grimaces, puis je repars dans la direction de cette grande falaise. Au pied du relief, les écoulements font pousser une merveilleuse forêt, très dense, peuplée d’arbres immenses et de plantes aquatiques exubérantes. Dans ce fouillis végétal, je perds le sentier : moi qui voulais de la jungle, me voilà servi. Enchanté, je me fraye un passage parmi une multitude de lianes et des feuilles énormes, sur un sol gorgé d’humidité. Au sommet, sur une plateforme rocheuse, un temple simpliste domine la plaine. Le panorama est superbe, je décide qu’il est midi, l’heure du pique-nique. En suivant les maigres indications du dépliant, je longe ensuite l’escarpement rocheux dont je suis censé faire le tour, mais les bambous, de plus en plus abondants, finissent par me boucher le chemin. Il serait plus sage de revenir en arrière, mais comme je n’aime pas beaucoup cette idée, je persiste. J’essaie d’escalader la paroi verticale sur quelques mètres, mais c’est trop dangereux ; je préfère m’enfoncer dans cet enchevêtrement de bambous, en m’accrochant aux solides tiges vertes, tandis que les noires se cassent sous mon poids. Il y en a partout et je perds un temps fou, comme pour descendre prudemment la pente, sur les fesses, par le lit de pierres d’un torrent à sec. Enfin en bas, je m’approche d’une ferme isolée : la communication avec le paysan est délicate : il semble m’indiquer le village de ce matin, mais je m’obstine à vouloir contourner cette montagne. Elle est moins haute par ici, je retourne donc me bagarrer avec les bambous encore un bon moment, avant d’enfin apercevoir à travers les branches le bout de cette maudite falaise : autant passer en bas, j’irai plus vite sur le plat. Mais la végétation luxuriante m’empêche de faire le tour, et j’ai les bras et les jambes suffisamment griffés. Je capitule en suivant une piste étroite qui serpente au milieu d’un champ de bananiers interminable, et tant pis si elle va dans la mauvaise direction. L’affaire est mal engagée : le soleil décline, je suis fatigué, et je meurs de soif. Je règle ce dernier problème en attrapant une grosse papaye bien juteuse, un délice, que je dévore à pleines dents. Au crépuscule, j’atteints un nouveau village, qui borde une large piste en terre. Je ne sais pas vraiment où je suis, et j’espère ne pas avoir à marcher encore des heures, avec ma lampe et ma boussole. En conséquence, je grimpe d’abord dans la remorque d’un camion, puis à l’arrière d’une fourgonnette, qui me laisse sur une petite route goudronnée. Désormais dans le noir, je continue l’auto-stop : c’est maintenant une moto de la police qui freine devant moi. L’agent, qui aime bien les étrangers, a la gentillesse de me ramener à Saen Vang, 25 km plus loin, à toute vitesse : 50 km/h. Epuisé, je ne fais pas long feu. Je m’en suis finalement bien sorti, et je suis même ravi de cette rocambolesque escapade.


 
 

 

4 commentaires:

Cara a dit…

Quelle aventure !

brice a dit…

hey indian jones, t as pas decouvert le temple cache? apparemmment c est plus dur de trcaer dans la jungle que d escalader les montagnes?

Jérome a dit…

Indiana Jones, c'est un petit joueur. Moi, je fais tout ça pour de vrai, et sans équipe de tournage !

brice a dit…

soyons serieux. si tu avais une equipe de tournage pour toi, tu en aurais perdu la moitie et on t aurais vole le reste...

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