Encouragé par mon expérience du plateau des Boloven,
où le stop a très bien fonctionné, je choisi de récidiver ce matin :
cela présente l’avantage de m’économiser quelques billets, et de casser
la routine du bus, et surtout de me rapprocher des gens. Une fois
traversé le fleuve sur le ferry local, deux simples pirogues liées par
des planches, j’atteints la nationale 13 à l’arrière d’une moto. Je fais
signe à tous les véhicules pour me retrouver dans la remorque d’un
camion de maçons, au milieu des sacs de ciment avec trois ouvriers. Je
guette attentivement les panneaux et à hauteur d’une piste poussiéreuse,
50 km plus au Sud, j’arrête le chauffeur qui obtient rémunération. Je
marche un moment vers l’Est, puis je grimpe à l’arrière de la
camionnette d’un maraîcher : bien secoué parmi les légumes, j’entre dans
le vaste parc naturel de Xe Pian sans même m’acquitter des droits
d’entrée, puis je me fais déposer à destination, le village de Khiat
Ngong. La région a deux intérêts : sa nature préservée d’abord, composée
de forêts et de marécages ; ses habitants ensuite, un millier de
paysans perpétuant des coutumes ancestrales, répartis dans plusieurs
villages minuscules. Le mien est le moins petit du coin, deux ou trois
cent personnes logeant dans une trentaine de maisons en bois sur
pilotis ; certaines sont très modestes, tandis que pour d’autres, un peu
plus évoluées, on a muré le rez-de-chaussée, entre les poteaux, pour
aménager la pièce à vivre. Les foyers reçoivent l’électricité et la
télé thaïe ; il y a même une boutique de vêtement, une buvette et deux
ou trois épiceries. C’est dans l’une d’elle que je pose mon sac : en
effet, puisque je n’ai trouvé personne pour m’accueillir au Laos, pas
même à Vientiane, j’ai voulu loger chez l’habitant. L’accueillante
patronne, environ trente ans, me montre la chambre à l’étage. Le
mobilier est dépouillé, un simple matelas sur le sol, une moustiquaire
et un ventilateur ; tout ce dont j’ai besoin. Sur une table devant la
maison, elle m’apporte ensuite une omelette et l’inévitable riz collant
dans son panier en osier. Par gestes, la communication est réduite au
minimum, mais je sympathise aisément avec la petite fille de la famille,
une farceuse de deux ans à peine. Le mari et ses collègues, qui
reviennent des champs, jouent à la pétanque sur le chemin, les écoliers
en uniforme rentrent chez eux, de jeunes enfants gambadent à moitié nus,
et des vieux enveloppés dans un sarong bavardent tranquillement à
l’ombre. L’ambiance est joyeusement champêtre, encore plus quand passent
deux éléphants : rien de plus normal, les gens d’ici les apprivoisent
et les utilisent comme bêtes de somme depuis des lustres, même si la
tradition se perd. Pour compléter le tableau, je me promène ensuite dans
les environs. La mousson est passée, le niveau des marécages est donc
bas, dissimulé par les herbes. Je m’enfonce d’ailleurs régulièrement
dans la boue jusqu’à mi-mollet pour rejoindre des petits sous-bois au
sec. J’aperçois moult oiseaux, papillons et libellules colorés, ainsi
que les animaux domestiques, vaches ou buffles, et donc les pachydermes
qui se rafraîchissent dans les marais. Après la douche au seau dans les
latrines carrelées, la maman me sert le diner dès 17h30, puis vite
chassé par les moustiques, je me réfugie très tôt dans ma chambre.
1 commentaire:
immersion en foret, village champetre et dans les marais. ce qui est etonnant, c est que tu te debrouilles tres bien sans parler la langue du coin, perdu au fond de la campagne...je connais un paquet de mpays ou tu te serais fait depouiller.
Enregistrer un commentaire