Comme chaque matin, Ann frappe à ma porte : il s’amuse
de constater que j’ai dormi seul, mais la blague me fait moyennement rire. Je
me suis encore couché très tard, et je me lève encore trop tôt. La fatigue
s’accumule, et même si, devant mon écran, j’enchaine les cafés, j’ai encore bien
du mal à être efficace ; tant pis, j’abandonne et je décolle. Pour mon
dernier jour à Bangkok, j’ai prévu d’aller voir un des derniers marchés
flottants et celui gigantesque de Chatuchak, où je dois retrouver Ann et sa
sœur. Mon premier objectif se situe à l’extrémité Ouest de l’agglomération, la
partie la plus ancienne de Bangkok, où ni le métro ou ni le skytrain ne vont.
Ainsi, je m’aperçois de leurs avantages, car le bus que j’emprunte n’évite pas
les embouteillages. Même de ce côté, la capitale évolue très vite : soit,
la majorité des immeubles sont vieux et crasseux, mais j’y voie aussi des
avenues surplombées d’autoroutes et des centre commerciaux flambant neufs.
Après 1h30 dans la circulation, ayant repérer un panneau, je descends dans la
foule ; mais les thaïs ne sont spécialement serviables, et surtout ils sont
peu nombreux à parler anglais. Comme je ne trouve pas ce fichu marché dans
cette pagaille, je finis par arrêter un taxi qui m’y dépose. Là aussi, les
temps changent : un pont massif de la voie ferrée passe au-dessus du
canal, au milieu duquel on a installé une longue passerelle métallique. Quelques
barques y sont bien accostées, mais ça n’est vraiment pas l’endroit folklorique
que j’attendais. D’ailleurs, étant donné l’âge des marchandes, on devine que
cette tradition touche à sa fin. Contrarié d’avoir fait tout ce chemin pour si
peu, je longe le rail un bon moment pour atteindre la gare, mais je dois ensuite
attendre le train pour rejoindre le marché de Chatuchak, censé être le plus
grand au monde ; là-bas, c’est sûr, je vais en prendre plein la vue.
Cependant, dans le wagon, j’ai beau lutter, je m’assoupis. Et je ne me réveille
qu’au terminus, la gare de Hua Lomphong que je connais bien, non loin de mon
quartier. Il fait déjà nuit et il est hors de question de traverser à nouveau cette
ville de fous : je dine un bon petit plat et je rentre. J’ai perdu ma
journée en beauté, mais j’ai trop tiré sur la corde. De toute façon, cinq jours
ne suffisent pas pour explorer cette fascinante mégapole, il faudrait au moins
cinq semaines. Néanmoins, dans l’ensemble, j’ai ai bien profité : j’ai
adoré me plonger dans cette jungle urbaine, et je m’y suis acclimaté en un clin
d’œil. En quittant Bangkok, dès demain, je conclue le second tiers de mon
épopée asiatique : après le sous-continent indien, après l’Indochine,
j’attaque la région océanique. Si tout va bien, je vais intégralement dévaler la
péninsule malaise, avant de longer les îles de la Sonde jusqu’au bout du bout,
le Timor. Quelque part au milieu, j’ai rendez-vous sur la plus fameuse d’entre
elles, Bali, avec une vieille connaissance, ma très chère Olivia, qui désire interrompre
sa vie parisienne pendant trois semaines. Un peu de repos en si bonne compagnie
me fera le plus grand bien, mais d’ici là, j’ai encore quelques milliers de
kilomètres à parcourir.
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